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La vengeance est-elle un droit ?

Publié le 03/04/2005

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Une des caractéristiques de l'époque moderne est la subjectivité. Autrement dit, l'homme n'entend plus recevoir ses normes ou ses lois de la nature des choses (Aristote), ni de Dieu (Cicéron ou Thomas), mais entend les fonder lui-même à partir de sa raison et de sa volonté. Or la référence à une transcendance permettait d'affirmer le caractère absolu et intemporel des droits fondamentaux de l'homme. Dès lors, la raison peut-elle, seule, assumer cette tâche ? Cet idéal d'autonomie n'est, au fond, pensable que si la raison humaine peut transcender tout enracinement historique, s'élever au-dessus de ce qui est, pour garantir la validité de ce qui doit ou devrait être, cad des droits fondamentaux de l'homme. Selon Kant, la raison ne peut être législatrice que pour autant qu'elle soit libre, cad qu'elle transcende tous les intérêts empiriquement conditionnés, puisque c'est à ces intérêts, somme toute, que son autorité est censée s'imposer. Aussi Kant rapporte-t-il l'exigence du droit, qu'il juge naturelle, non pas à la nature empirique de l'homme mais à sa nature suprasensible. Selon cette nature, qui ne peut être connue théoriquement mais que l'on peut penser comme possible, l'homme est capable de se donner à lui-même des lois qui ne sont pas déterminées par les traditions, le passé ou les contingences du moment. Avec ou sans Dieu, seule la référence à une transcendance semble pouvoir fonder le droit.G) L'idée du droit est-elle réalisable pratiquement ?
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« sentiment d'être visé dans sa personne propre.Rousseau conçoit que l'homme naturel, livré au seul sentiment de l'amour de soi, ne se sentira pas offensé de lapeine éventuelle qu'on lui infligera.

Vol ou violence, et celle-ci peut atteindre des degrés extrêmes, ils ne laisserontaucune trace, car «l'orgueil ne se mêle pas du combat ».

Il y aura un échange de coups, et celui qui en sortiravaincu ne souffrira que du mal qu'on lui a fait.

Il sera d'ailleurs aussi vite oublié, que le malpourra être réparé aisément, en poursuivant par exemple une autre proie, en remplacement de celle qui aura étévolée.

Il n'y a dans tout cela aucun mal moral.La vengeance se nourrit du souvenir.

Or l'homme naturel vit dans l'immédiateté de l'amour de soi.

La vengeance seprépare et se rumine.

Elle peut être d'autant plus impitoyable qu'elle se donne le temps de la réflexion.

Il n'y a rienen elle de nécessairement aveugle.

La réponse instinctive et spontanée de la violence à la violence n'emprunte rienà la vengeance qui est plutôt calculatrice.Quelle est alors la finalité de la vengeance? Lorsque Edmond Dantès, qui plus tard deviendra le comte de Monte-Cristo, décide de se venger, il espère compenser le tort qu'il a subi, en punissant les agents de son malheur.

Maisdans la vengeance, le châtiment ne restaure pas une situation antérieure.

Le mal commis ne peut être aboli.

Et rienjamais n'annulera les années passées par Edmond Dantes en prison.

Aucun châtiment ne restitue ce qui a été perdu.Mais si le châtiment ne guérit pas du mal physique, il peut apporter une consolation morale; la consolation d'avoirpuni celui qui a eu l'intention de nous nuire.

On ne désire pas tant se venger de qui nous a fait du mal, mais de quis'est appliqué à nous faire du mal.Or cela demande des lumières que l'homme naturel n'a pas, ni du côté de celui qui produit le préjudice, car il nepense pas en réalité s'en prendre à une personne propre, ni du côté de celui qui le subit, puisqu'il ne se sent pasvisé personnellement.

Voilà pourquoi les hommes, dans l'état de nature, peuvent s'infliger mutuellement beaucoup deviolence sans pourtant s'offenser, et inversement les hommes, dans l'état de société, s'offenser pour presque rien -c'est l'histoire du Cid de Corneille. 2.

La justice se distingue d'abord de la vengeance par ceci qu'elle tente de la contenir.

Bien sûr, la vengeance necessera jamais de s'exercer, mais du moins la justice s'emploie à en limiter les effets.

La vengeance engendre lavengeance en une chaîne infinie.

C'est un mécanisme itératif que rien ne semble pouvoir freiner.

On se venge d'uncrime de sang en faisant couler à nouveau le sang.

Mais le châtiment infligé apparaît comme un préjudice pour celuiqui en est la victime, il n'est pas vécu par elle, comme la juste compensation d'un dommage.

Ce qui rouvre le conflit,loin d'y mettre un terme.

On est ainsi pris dans un enchaînement inéluctable de la violence.De crimes en représailles, la vengeance contamine tout le corps social, et le menace d'éclatement.

Cette réactionen chaîne n'a pas d'origine précisément assignable ; le crime que la vengeance punit est lui-même conçu comme lavengeance d'un crime plus originel.

Rien dans la vengeance donc ne semble pouvoir en arrêter les effets. 3.

La justice a pour fonction première de se substituer à la vengeance.

Une peine est toujours infligée, toutefois cen'est plus un particulier qui en décide, mais la loi.

Et cela change tout.

Lorsqu'il y a vengeance, le choix de la peineest fixé par la personne lésée, ou par l'un de ses proches, qui par contagion s'estime blessé.

Ainsi on ne voit pasqu'il y ait un vrai principe de justice, puisque la sanction est prononcée par quelqu'un qui est juge et partie.

Lajustice s'exerce d'une façon bien plus impersonnelle et anonyme.

Le juge ne prend pas parti, il décide en touteimpartialité, il n'est selon la fameuse formule de Montesquieu que la «bouche qui prononce les paroles de la loi».Extérieur au conflit, on peut attendre du juge qu'il n'écoute que la voix de sa raison, et qu'il ne cède pas aux sirènesde la passion et du sentiment.L'acte de la justice s'effectue par un tiers, qui surplombe les deux parties en présence, la personne lésée et lecriminel.

(Dans le cas de la vengeance au contraire, le tiers est exclu.) En conséquence de quoi, la sanctionprononcée par le juge stoppe le mécanisme de la vengeance.

Auprès de qui le justiciable pourrait-il se plaindre dusort qui lui est fait, puisque le juge ne se veut que l'écho de la loi? On ne peut s'attaquer à une entité abstraite telleque la justice.Quant au plaignant, deux situations peuvent se présenter à lui.

S'il estime que la peine retenue par la justicecorrespond à ce qu'il attendait, la vengeance devient inutile.

Le sentiment d'avoir été vengé s'éprouve au travers duverdict de la justice.

Sans être une vengeance, la justice assouvit dans ce cas un désirde vengeance.

Mais à parler rigoureusement, le criminel n'est pas vengé, il subit le châtiment de la justice.

Si, aucontraire, le plaignant n'obtient pas la sentence escomptée, la puissance de la justice le dissuade suffisamment dese venger.La justice donc restreint la vengeance à sa portion congrue.

Elle court-circuite la chaîne indéfinie de la violenceréciproque, et disqualifie la vengeance, en la décrétant hors la loi.

Celui qui prétend, au nom de la justice deshommes (qui se serait révélée trop clémente), ou d'une justice divine supérieure, se substituer à la force des lois,c'est-à-dire à la seule véritable justice, cherche un alibi à une vengeance personnelle.

Nul n'a le droit de se fairejustice.

La justice s'affirme et se fait par elle-même.

Qui veut la détourner à son profit devient injuste. 2.

La justice vengeresse 1.

Il reste à s'interroger maintenant sur la question de l'évaluation des peines selon que l'on a affaire à un acte dejustice, ou de vengeance.

Nous avons tendance à voir dans la loi du talion le principe de compensation à l'oeuvredans toute vengeance.

Le châtiment aurait pour but de réparer le crime, ce qui imposerait que la peine lui fût égale.Se venger consisterait à rétablir l'équilibre, donc à infliger un dommage identique au préjudice subi.

Ce que rendparfaitement la loi du talion qui dit «oeil pour oeil, dent pour dent ».

Cette formule traduit pour nous l'aspect cruel etsanguinaire de la vengeance.Or en replaçant ce principe dans son contexte (Lévitique, 24), nous découvrons, comme le dit le philosophe Lévinasdans Difficile liberté (voir le chapitre qui s'intitule «La loi du talion»), «qu'il s'insère dans un ordre social où aucune. »

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