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La vérité peut-elle engendrer la terreur ?

Publié le 01/01/2004

Extrait du document

d. Cette conception du vrai peut engendrer le dogmatisme et même un modèle de politique autoritaire. Si la vérité dépasse infiniment la sphère de l'individuel, mais aussi de la Personne - laquelle peut seulement cheminer vers le vrai qui la transcende et appartient à un tout autre ordre - si donc le vrai est totalement objectif, nous remarquons que cette conception peut engendrer le dogmatisme et même un modèle de politique autoritaire. Le dogmatisme tout d'abord si le vrai se situe au-delà du sujet, s'il est norme absolue, alors celui qui croit le détenir pense qu'il possède vraiment le savoir par excellence et ne peut donc admettre ni contestation ni discussion. Le risque est donc bien le dogmatisme défini comme le caractère d'une croyance se voulant incontestable. Un modèle de pouvoir autoritaire (politique, religieux, social, etc..) peut, en second lieu, procéder de cette conception dogmatique. C'est bien ce qui s'est passé dans la réflexion platonicienne (et aussi, il faut le reconnaître, très souvent, dans la réalité politique et sociale : cf. l'Inquisition, les modèles « totalitaires «, etc.).

 

  • Sens des termes

   - Vérité : ce qui est réellement, ce à quoi l'esprit peut donner son assentiment par suite d'un rapport de conformité avec l'objet de pensée.    - Pouvoir : ici, être en mesure de (idée de possibilité, non point de légitimité).    - Engendrer : faire naître, avoir pour effet, causer, produire.    - Terreur : ici, pouvoir politique fondé sur la peur collective régnant dans une population, résultant de l'emploi de la violence.  

  • Sens du sujet
   La connaissance à laquelle l'esprit peut donner son assentiment est-elle en mesure d'engendrer un pouvoir politique résultant de la peur et de la violence ?  
  • Problème
   Les liens entre le savoir et le pouvoir sont-ils si étroits, mêlés de manière si inextricable que le vrai puisse générer une politique autoritaire ?  
  • Choix du plan
   On va montrer que la vérité qui engendre la terreur n'est que la caricature du vrai, et ce en parcourant les différentes définitions de la vérité ; la vérité humaine et relative n'engendre pas la terreur, mais la tolérance.  Le plan choisi ici sera du type progressif, mais un plan dialectique est tout aussi possible.

 

« 3.

Au contraire, les vérités considérées comme relatives et humaines sont source de tolérance. a.

Le jugement subjectif et ses critères. Le doute porte d'abord sur l'accession à la connaissance de l'Idée.

Quel critère permettra de savoir si l'on a atteintl'Idée ? Platon ne la déclare-t-il pas lui-même, dans le Parménide, pratiquement inaccessible ?Or l'expérience immédiate et quotidienne nous incite à déclarer vrais toutes sortes de phénomènes qui se déroulentdevant nous.

Le soleil est très chaud aujourd'hui : voilà un énoncé que nous déclarons être vrai sans hésitation.

Dèslors, notre opinion ou notre « croyance » subjective peuvent se substituer à la vérité « objective ».

Cette opinioncorrespond à l'état d'esprit variable de l'individu tenant une proposition pour déterminée et fixée, alors qu'elle estrelative à lui-même.

Dès lors, le jugement subjectif marque de son sceau toute assurance et tout rapport au vrai. C'est en nous-mêmes que vont se trouver les critères du vrai et non plus dans quelque puissance extérieureinaccessible.- Le « sentir » des SophistesUne des premières réponses, purement subjectives, à la question « qu'est-ce que le vrai », nous fut, en effet,apportée par les Sophistes.

Ces maîtres de rhétorique et d'éloquence, qui vécurent, pour l'essentiel, au Ve siècleavant J.-C., et dont le plus célèbre fut Protagoras d'Abdère (484-404), professaient que la science et la vérité nesont rien d'autre que la sensation.

Telle une chose m'apparaît, telle elle est.

Si le vent est froid pour moi, froid il esten soi.

Telles chacun sent les choses, telles elles sont.

La sensation a toujours un objet réel et n'est passusceptible d'erreur.

En nous-mêmes, en notre sensibilité subjective, se trouvent donc les critères du vrai.

LesSophistes affirmaient un subjectivisme radical. Le sophiste Protagoras , écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette méthode ». Selon Protagoras , « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant qu'elles sont, de celles qui ne sont pas en tant qu'elles ne sont pas » Comment doit-on comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il, par référence à un sujet humain universel, semblable en un sens au sujet cartésien ou kantien, mais dans le sensindividuel du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité même » ( Aristote , « Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses en chaque cas, telles elles existent pour moi ; telles elles t'apparaissent à toi, telles pour toi elles existent » (Platon , « Théétète », 152,a). Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? Affirmer l'égale vérité des opinionsindividuelles portant sur un même objet et ce malgré leur diversité, revient à poser que « la même chose peut, à la fois, être et n'être pas » ( Aristote ).

C'est donc contredire le fondement même de toute pensée logique : le principe de non-contradiction., selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport ».

Or, un tel principe en ce qu'il est premier est inconditionné et donc non démontrable.

En effet, d'une part, s'il était démontrable, il dépendrait d'un autre principe, mais un telprincipe supposerait implicitement le rejet du principe contraire et se fonderait alors sur la conséquence qu'il étaitsensé démontrer ; on se livrerait donc à une pétition de principe ; et d'autre part, réclamer la démonstration detoute chose, et donc de ce principe aussi, c'est faire preuve d'une « grossière ignorance », puisqu'alors « on irait à l'infini, de telle sorte que, même ainsi, il n'y aurait pas démonstration ».

C'est dire qu' « il est absolument impossible de tout démontrer », et c ‘est dire aussi qu'on ne peut opposer, à ceux qui nient le principe de contradiction, une démonstration qui le fonderait, au sens fort du terme. Mais si une telle démonstration est exclue, on peut cependant « établir par réfutation l'impossibilité que la même chose soit et ne soit pas, pourvu que l'adversaire dise seulement quelque chose ».

Le point de départ, c'est donc le langage, en tant qu'il est porteur d'une signification déterminée pour celui qui parle et pour son interlocuteur.

Or,précisément, affirmer l'identique vérité de propositions contradictoires, c'est renoncer au langage.

Si dire « ceci est blanc », alors « blanc » ne signifie plus rien de déterminé.

Le négateur du principe de contradiction semble parler, mais e fait il « ne dit pas ce qu'il dit » et de ce fait ruine « tout échange de pensée entre les hommes, et, en vérité, avec soi-même ».

En niant ce principe, il nie corrélativement sa propre négation ; il rend identiques non pas seulement les opposés, mais toutes choses, et les sons qu'il émet, n'ayant plus de sens définis, ne sont que desbruits.

« Un tel homme, en tant que tel, est dès lors semblable à un végétal. " Si la négation du principe de contradiction ruine la possibilité de toute communication par le langage, elle détruitaussi corrélativement la stabilité des choses, des êtres singuliers.

Si le blanc est aussi non-blanc, l'homme non-homme, alors il n'existe plus aucune différence entre les êtres ; toutes choses sot confondues et « par suite rien n'existe réellement ».

Aucune chose n'est ce qu'elle est, puisque rien ne possède une nature définie, et « de toute façon, le mot être est à éliminer » ( Platon ). La réfutation des philosophes qui, comme Protagoras , nient le principe de contradiction a donc permis la mise en évidence du substrat requis par l'idée de vérité.

Celle-ci suppose qu'il existe des êtres possédant une naturedéfinie ; et c'est cette stabilité ontologique qui fonde en définitive le principe de contradiction dans la sphère de lapensée.

C'est donc l'être qui est mesure et condition du vrai, et non l'opinion singulière.

« Ce n'est pas parce que nous pensons d'une manière vraie que tu es blanc que tu es blanc, mais c'est parce que tu es blanc qu'en disantque tu l'es nous disons la vérité » (Aristote ).. »

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