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La vérité sort de la bouche des enfants. ?

Publié le 18/10/2005

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                    La vérité sort de la bouche des enfants : une assertion problématique   a.       Le paradoxe de la parole et de l'enfance Nous commencerons ici par considérer le caractère problématique de l'assertion soumise à notre étude, afin de montrer dans quelle mesure elle peut apparaître contestable si nous l'analysons avec un souci d'effort philosophique. Le terme d'enfant et le concept de parole paraissent déjà antithétiques, leur rapprochement soumis à des considérations critiques importantes. En effet, étymologiquement, l'enfant est « in-fans », c'est-à-dire, celui qui n'a pas encore appris à parler. Par conséquent, le seul fait d'affirmer qu'un discours puisse « sortir de la bouche d'un enfant » est en soi problématique, puisque l'enfant est cette créature qui apprend à parler, qui est dans la période de sa vie où il forme sa raison. b.      Le discours de l'enfant incapable d'accéder à la vérité Une autre considération étymologique nous permettra de faire surgir le caractère problématique de cette parole dogmatique. Si l'enfant est, comme nous venons de le dire, un individu qui à ce stade de son existence, en est encore à l'apprentissage de la parole, alors il en est encore, également, au stade de la formation de sa raison. En grec, logos désigne à la fois le langage et la raison. En effet, parole et raison sont indissociables comme l'a bien montré le linguiste Emile Benveniste : nous pensons dans le langage, le langage organise et délimite ce que nous pouvons penser.

« N'étant pas capable de jugement les enfants n'ont point de véritable mémoire « écrit Jean-Jacques Rousseau dans Emile ou de l'éducation. La vérité apparaît en effet comme un jugement, se distinguant en cela de la réalité : si une chose peut-être qualifiée de réelle, affirmer  qu’elle est vraie  n’a aucun sens (un fauteuil est réel mais il n’est pas vrai). La vérité est en revanche une valeur qui concerne un jugement : ainsi, de l’assertion « ce fauteuil est rouge «, on peut dire qu’elle est vraie ou qu’elle est fausse. Pour autant, si la vérité est un jugement, est-il juste d’affirmer, avec Rousseau, que les enfants en sont incapables ? Ne peut-on pas affirmer que la vérité sort de la bouche des enfants ? La spontanéité, la naïveté et l’innocence dont font preuve les enfants ne peut-elle être un garant de leur capacité à dire le vrai ? Nous verrons que si l’évidence peut être un critère du vrai accessible aux enfants, ceux-ci, par un esprit critique moins développé que l’adulte, sont également plus sujets à l’erreur. C’est pourquoi un accès fiable à la vérité suppose que la faculté innée de la percevoir se complète d’un retour critique sur cette même faculté.

« II – La vérité et le réel 1) « vrai » ne veut pas dire « réel » On assimile abusivement vrai et réel, ainsi on peut trouver à tort que les enfants disent plus vrai que lesadultes. Spinoza, Pensées métaphysiques : « La première signification donc de Vrai et de Faux semble avoir tiré son origine des récits ; et l‘on a ditvrai un récit quand le fait raconté était réellement arrivé ; faux, quand le fait raconté n'était arrivé nulle part.

Plustard, les Philosophes ont employé le mot pour désigner l'accord ou le non accord d'une idée avec son objet ; ainsi,l'on appelle idée vraie celle qui montre une chose comme elle est en elle-même ; fausse celle qui montre une choseautrement qu'elle n'est en réalité.

Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de lanature dans l'esprit.

» 2) Pour trouver la vérité, il faut appliquer une méthode La vérité se trouve par la raison, pas seulement par le constat brutal.

Au contraire, Descartes met en garde contrela précipitation.

Les enfants peuvent-ils répondre à cette exigence ? Descartes, Discours de la méthode : « Au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je cru que j'aurais assez desquatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à lesobserver. Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mesjugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement a à mon esprit que je n'eusse aucuneoccasion de le mettre en doute. Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés ; etsupposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre.

» III – La vérité comme conformité à un système 1) La vérité est vérité dans la mesure où elle n'est pas fausse et en tant qu'elle est vérifiable Pour certains philosophes, la vérité, notamment scientifique, est considérée comme telle tant u'elle est vérifiée par les tests.

Elle est ainsi le fruit d'un raisonnement et d'un processus de tests.

Elle ne renvoie donc pas àun absolu.

Elle ne saurait donc pas être un don fait aux enfants mais au contraire nécessiter une constructionraisonnée assez poussée. Popper, Conjectures et réfutations : « La connaissance, et la connaissance scientifique tout particulièrement, progresse grâce à desanticipations non justifiées (et impossibles à justifier), elle devine, elle essaie des solutions, elle forme desconjectures.

Celles-ci sont soumises au contrôle de la critique, c'est-à-dire à des tentatives de réfutation quicomportent des tests d'une capacité critique élevée.

Elles peuvent survivre à ces tests mais ne sauraient êtrejustifiées de manière positive : il n'est pas possible d'établir avec certitude qu'elles sont vraies, ni même qu'ellessont « probables » (au sens que confère à ce terme le calcul des probabilités).

» 2) La vérité s'inscrit dans un système de pensée La vérité est ainsi souvent considérée comme discours accepté par une société donnée à une époquedonnée parce qu'elle s'inscrit bien dans le système de pensée déjà existant.

Cela implique qu'il faut déjà être instruitsur ce système pour reconnaître ce qui s'y assimile bien ou non. Wittgenstein, De la certitude : « Toute vérification de ce qu'on admet comme vrai, toute confirmation ou infirmation prennent déjà place àl'intérieur d'un système.

Et assurément ce système n'est pas un point de départ plus ou moins arbitraire ou douteuxpour tous nos arguments ; au contraire il appartient à l'essence de ce que nous appelons un argument.

Le système. »

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