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La vertu peut-elle s'apprendre ?

Publié le 27/02/2008

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La vertu peut-elle s'apprendre ?

Si on considère la vertu comme une discipline pouvant s'enseigner au même titre que d'autres, on prend le risque de lui donner une forme normative, sans définition substantielle, alors même que cette définition, aussi difficile à formuler soit-elle comme l’a montré Platon, semble être le préalable à toute transmission.

-         Il semble de plus que la vertu ne puisse s’enseigner à la manière d’une science, dans un rapport vertical entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Agir avec vertu semble plutôt requérir sinon une adhésion ou une volonté manifeste de l’élève, au moins une prise de conscience de sa capacité à faire le bien. Un maître, par l’exemplarité de son attitude, peut certes montrer le chemin, mais le passage à l’acte doit être le fait de l’élève seul. Par sa capacité à connaître et à apprendre, l'homme peut effectivement orienter son action vers le bien dans la mesure où il veut s’y astreindre.

-         Par ailleurs, les traités sur la vertu, s'ils ne sont suivis d'aucune action, sont vains et inutiles. Au contraire, une action dite vertueuse peut l'être spontanément, sans recours à aucune théorie, ce qui atteste de la capacité a priori que possède l'homme à tendre vers le bien.

-         Cependant, si on réduit la notion de vertu a la seule action qui en découle, la question de l'enseignement qui y mène semble ici devoir disparaître au profit de la stratégie ou de la mise en oeuvre des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses fins. L’histoire regorge d’exemple de monarques ou de souverains qui, sous le prétexte d’une action juste et sage, ont commis crimes et délits pour atteindre leur but.

« sujet, comme Ménon et lui-même l'ont fait à l'instant, sans pour autant que cela aboutisse à une définitioncomplète.

Il lui semble en effet que nous pouvons avoir en nous la connaissance de ce que nous ne connaissonspas, d'où la nécessité de rechercher toujours avec ardeur les définitions qui nous semblent impossible à émettrespontanément.

Ainsi, si la vertu ne peut vraisemblablement pas s'enseigner à la manière d'une science, chacun de nouspeut tout de même en faire preuve en ce que notre âme en a conservé la trace.

La question est maintenant desavoir comment il est possible de manifester concrètement cette vertu, à partir de notre capacité à le faire, a priori , indépendamment de tout enseignement. La vertu ne s'enseigne pas, elle se manifeste dans l'action La vertu serait donc une qualité innée (en puissance) que chacunpourrait développer, en fonction des circonstances et de son expérience : onjuge d'ailleurs vertueux les actes plus que les discours sur la vertu.

Le biencausé par la vertu ne saurait être théorique, il se doit en effet d'être effectifpour être reconnu comme tel.

C'est ce que semblait suggéré Aristote aveccette idée que l'homme, qui a en lui le potentiel pour être vertueux, doit le concrétiser dans une action orientée vers le bien, condition pour une vie heureuse (Cf.

Éthique à Nicomaque ).

Pour lui, la vertu est « une disposition acquise de la volonté, consistant dans un juste milieu par rapport à nous, lequelest déterminé par la droite règle et tel que le déterminerait l'homme prudent ».

L'idée est ici de s'efforcer à orienterson action, par l'entremise de l'habitude et de la volonté, en trouvant le juste milieu entre l'excès et le défaut.

Parexemple, le courage se situe à égale distance de la peur et de la témérité.

Là encore, c'est l'apanage des grandshommes que de parvenir à agir de la sorte en toute occasion.

Cependant, chacun peut et doit tendre à cela s'il veutconnaître une vie heureuse.

Cette conception prudentielle de la vertu, liée à l'occasion ou à l'expérience, a été reprise, sous une formecertes différente, par Machiavel (voir Le Prince , chapitre VI notamment).

En effet, pour lui, la virtù renvoie à la force de la volonté humaine en tant qu'elle tente de s'imposer et de s'adapterau caractère imprévisible et changeant des événements extérieurs (la« Fortune », au sens du hasard).

Ici, la vertu est donc l'habileté à agir sur lafortune pour la transformer en opportunité.

L'homme vertueux, le prince enl'occurrence, possède alors l'intelligence de s'adapter à la situation pour luiimposer sa volonté, à mi-chemin entre la passivité et l'excès de prudence.Jusqu'à quel point pouvons alors considérer cette manière d'agir commevertueuse ? Certainement en mesurant a posteriori les conséquences, positives ou négatives, des actions de celui qui les engage.

C'est au chapitre 25 du « Prince » : « Ce que la fortune peut dans les choses humaines et comment on peut lui résister », que l'on retrouve la formule : « il est meilleur d'être impétueux que circonspect, car la fortune est femme, et il est nécessaire à qui veut la soumettre de la battre et larudoyer ».Machiavel utilise le terme fortune dans son sens traditionnel de puissance aveugle, régie par le hasard, qui dispose du cours du monde et dela vie des hommes.

Il s'agit donc de s'interroger sur ce que peut l'homme etplus précisément l'homme politique confronté à la prétendue fortune. Le chapitre 25 débute de la sorte : « Je n'ignore pas que beaucoup ont été et sont dans l'opinion que les choses du monde soient de telle sortegouvernées par la fortune et par les dieux, que les hommes avec leur sagessene puissent les corriger (…) Cette opinion a été plus en crédit de notre tempsà cause des grands changements qu'on a vus et voit chaque jour dans les choses, en dehors de toute conjecturehumaine. » Cette opinion commune, alimentée par les malheurs du temps, l'instabilité politique propre à l'Italie de laRenaissance, amène à une sorte de désespoir.

L'action humaine serait vaine et réduite à l'impuissance face à laProvidence et à ses desseins impénétrables (la Providence répond à cette idée que le cours de l'histoire est régi parla volonté divine) ou encore face à la puissance aveugle et hasardeuse de la fortune.

Or cette conception ruineraittoute tentative machiavélienne et plus radicalement tout essai de penser l'action politique et ses conditions.Ce chapitre s'inscrit donc au cœur de deux préoccupations propres à Machiavel .

D'une part il s'agit comme dans tout le « Prince » de proposer les conditions d'une action politique efficace, et d'une stabilité politique qui faitcruellement défaut à l'Italie.

D'autre part, Machiavel balaye toute différence entre histoire sacrée et histoire profane : ainsi comme il avait précédemment éliminé toute différence essentielle entre un législateur sacré commeMoise et un législateur profane, comme Thèsée ou Lycurgue , Machiavel place-t-il ici la Providence et la Fortune sur le même plan.La formule ici éclaire le double projet de Machiavel dans notre passage. Il s'agit tout d'abord de récuser la notion de hasard pour restaurer les droits de l'action politique efficace.

Ainsi lit-onque l'on peut soumettre la fortune, qui n'est donc qu'une puissance imaginaire.

Elle n'est pas une puissanceimpossible à maîtriser qui s'imposerait à nous malgré nos actes et nos volontés, un destin, mais quelque chose quenous pouvons diriger.Mais d'autre part, l'idée de l'audace nécessaire à l'action politique, les notions de lutte et de violence tendent àmontrer qu'il n'y a pas de modèle précis de l'action politique, que celle-ci contient toujours une part irréductible. »

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