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L'agir et la création d'ARISTOTE

Publié le 05/01/2020

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Aristote propose ici une définition de l'art qui s'applique à toute forme de production, aussi bien à celles qui, pour nous, relèvent de l'artisanat qu'aux œuvres d'art; c'est que l’art est d'abord une manière d'agir, l'exercice d’une liberté.

 

Pour ce qui est des choses susceptibles d’être autrement, il en est qui relèvent de la création (poïesis), d’autres de l’action (praxis), création et action étant distinctes (...). Aussi la disposition accompagnée de raison (logos) et tournée vers l’action est-elle différente de la disposition, également accompagnée de raison, tournée vers la création ; aucune de ces notions ne contient l’autre ; l’action ne se confond pas avec la création, ni la création avec l’action. Puisque l’architecture est un art (technè); que cet art se définit par une disposition accompagnée de raison et tournée vers la création ; puisque tout art est une disposition accompagnée de raison et tournée vers la création, et que toute disposition de cette sorte est un art (technè); l’art et la disposition accompagnée de la raison conforme à la vérité se confondent. D’autre part, tout art a pour caractère de faire naître une œuvre et recherche les moyens techniques et théoriques de créer une chose appartenant à la catégorie des possibles et dont le principe réside dans la personne qui exécute et non dans l’œuvre exécutée. Car l’art ne concerne pas ce qui est ou ce qui se produit nécessairement, non plus que ce qui existe par un effet de la seule nature - toutes choses ayant en elles-mêmes leur principe. Du moment que création et action sont distinctes, force est que l’art se rapporte à la création, non à l’action proprement dite. Et en une certaine mesure, art et hasard s’exercent dans le même domaine, selon le mot d’Agathôn : «L’art aime le hasard, le hasard aime l’art.»

 

Donc, ainsi que nous l’avons dit, l’art est une disposition susceptible de création, accompagnée de raison vraie ; par contre, le défaut d’art est cette disposition servie par un raisonnement erroné dans le domaine du possible.

 

Aristote, Ethique à Nicomaque, livre VI, § 5-6, trad. Voilquin, Garnier-Flammarion, 1965.

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« POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE La création, ou poïesis, d'où vient d'ailleurs le mot poésie, diffère de la praxis, d'où vient cette fois le mot pratique; il convient de se méfier de la résonance trop familière de ces mots, qui désignent en grec des catégories de l'action.

Toute action s'exerce dans le domaine de la contingence, c'est-à-dire des choses ou des événements qui peuvent exis­ ter de différentes manières, contrairement à celles qui advien­ nent nécessairement, c'est-à-dire qui ne peuvent être autrement qu'elles ne sont.

Une telle distinction peut paraître inutile car trop évidente; elle nous rappelle pourtant que cer­ taines choses sont hors de notre pouvoir, sont déterminées à J'avance, inévitables, ou fixées par la nature : distinguer le pos­ sible de l'impossible est un préalable à l'exercice de la liberté.

Les types d'actions sont ici distingués par leur fin : la praxis a sa fin en elle-même, c'est-à-dire que l'action droite doit être recherchée sans autre justification que l'amélioration de celui qui la pratique; ainsi, le citoyen qui exerce ses res­ ponsabilités doit faire passer l'intérêt de la cité avant le sien propre, ou bien il ne mérite pas d'être dit libre.

La poïesis est au contraire la production d'une œuvre extérieure à son auteur, qui peut être utile, comme celle de l'artisan, ou pro­ curer la satisfaction par sa beauté.

Elle suppose la possession de l'art, au sens de technè, qui là encore ne recouvre que partiellement le terme moderne de technique, lequel désigne aujourd'hui l'ensemble des procédés d'un métier ou la science appliquée.

Ici, l'exemple de J'architecture montre que l'art comporte d'abord une part d'habileté, une aptitude à pro­ duire, une« disposition», mais que cette capacité, ce souhait de réalisation doivent être soutenus par la raison, qui dis­ tingue le réel et le possible.

La justesse du raisonnement est également indispensable pour mener à bien la création : en dépit du fait qu'il mani­ feste une disposition à créer, celui à qui ce type de raison­ nement fait défaut sera dit« sans art».

Par l'art, l'homme se rend donc capable d'agir, d'exercer sa liberté, d'une manière différente que par l'action morale ou politique.

Par ce pouvoir d'agir sur le monde extérieur, il se fait le rival de la nature : la pierre est naturelle, et son éro­ sion dépend du hasard mais, sous l'empire de la raison et du travail, elle devient temple ou statue.. »

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