L'Antiquité, siècles des lueurs

« et philosophes du grand siècle d'Athènes, ne figure aucun physicien de valeur.

Il existe bien des hommes de scienceà Athènes, mais leur production ressemble surtout à des jeux de l'esprit et à des exercices d'exposé. A quoi cela peut-il tenir ? Les savants d'alors, sans doute grisés par les premiers succès de la science, ontcertainement péché par excès d'ambition.

Ils devaient être de doctes personnages, qui ne pouvaient faire moins quede donner une explication de tout.

Nous sommes encore loin de l'attitude humble devant les mystères de la naturequi caractérise le vrai chercheur.

Voir un savant se mettre à manier outils et appareils, comme un simple ouvrier,devait être une chose inconcevable.

Il perdait ainsi le précieux contact avec la matière, aussi nécessaire auphysicien que l'écriture au mathématicien.

Cette erreur en quelque sorte sociale est peut-être due en partie àl'esclavage, qui aurait maintenu une cloison trop nette entre les esclaves bons à faire le travail matériel, et lescitoyens libres faits pour penser, prendre part aux affaires publiques...

et parler ! On aurait pu croire que le régime démocratique d'Athènes, en république depuis la révolution de 507, aurait atténuécette séparation, en faisant craquer quelques barrières.

Il n'en est rien, et c'est même le contraire qui semble seproduire.

Malgré les libertés conquises, et peut-être à cause d'elles, Athènes paraît astreindre ses citoyens à unconformisme plus développé que partout ailleurs, cadre trop rigide et étroit d'une société où l'esprit civique estextrêmement fort. Cette déviation de la physique s'accentue au IVe siècle, sorte de caricature du Ve siècle, où qualités et défautss'exagèrent.

C'est l'époque des sophistes.

Platon, malgré son originalité et son âme profondément artiste, n'apporteen science rien de plus que ses prédécesseurs. L'aboutissement de cette évolution, ce fut Aristote.

Son maître, Platon, l'appelait "la raison" : raison purementabstraite et doctrinale, qui reste stérile dans l'étude des phénomènes naturels.

De ses nombreuses théories, rien nesubsiste aujourd'hui.

Cependant, à la fin de sa vie, il laissa des réflexions plus solides sur la mécanique, sanscompter une Oeuvre importante en biologie, d'une réelle valeur.

L'influence d'Aristote, et il n'en est pas responsable,fut grande, durable, et néfaste.

Elle contribua beaucoup à maintenir pendant des siècles la science dans le carcande la scolastique. Au IVe siècle, nous n'avons qu'un nom de savant pouvant être qualifié de physicien et inventeur : Archytas deTarente.

A côté d'importants travaux en mathématiques, on lui attribue notamment la construction d'une colombevolante, qui semble avoir été une sorte de planeur en bois dénotant chez son auteur une ingéniosité remarquable. Le IVe siècle finit dans une tornade : l'extraordinaire aventure d'Alexandre le Grand.

Celui-ci disparu, son empire sedisloque aussitôt, et on voit se former partout des monarchies absolues à caractère militaire.

Dans les nouvellescapitales, Pergame, Antioche, Syracuse, Alexandrie surtout, les souverains mènent une politique de prestige dontles fastes font penser au siècle de Louis XIV.

Les arts et les sciences sont encouragés, des universités surgissent,où les influences de tous les pays se mélangent.

Ce nouveau climat parait favorable au développement de lascience.

En tout cas, toutes ces secousses la libèrent de l'ornière où elle était engagée.

Pendant deux cents ans,de grands savants vont se succéder. Nous ne nous arrêterons pas à Euclide, malgré la beauté de son Oeuvre claire et rigoureuse, attirés par la figure quidomine de beaucoup toute la science antique, l'admirable Archimède, certainement un des plus grands inventeurs detous les temps, au sens large du mot.

L'époque d'Alexandrie nous donne aussi plusieurs grands astronomes.Eratosthène, ami d'Archimède, mesure pour la première fois exactement le rayon de la Terre. Vers la même époque, Aristarque de Samos, dans un admirable effort d'imagination, basé sur des observationsprécises, donne la première image héliocentrique du monde, conforme en gros à la représentation moderne.

On nesait s'il faut s'étonner davantage du génie d'Aristarque, ou du temps qu'il fallut (jusqu'à Copernic) pour que ses idéess'imposent. Plus tard, au IIe siècle, Hipparque, grand travailleur, perfectionne beaucoup les instruments d'observation(astrolabes et dioptres) et invente le calcul trigonométrique.

Son catalogue d'étoiles est déjà fort précis.

Ildécouvre entre autres la précession des équinoxes, et observe l'apparition d'une nova.

Son système, celui desépicycles et des excentriques, s'inspire de ses prédécesseurs, notamment Apollonius.

Bien qu'encore géocentriste,et un peu plus compliqué que celui d'Aristarque, ce système est au fond aussi vrai, et plus précis grâce àl'introduction de l'excentricité, qui permet une première approximation du mouvement elliptique des planètes. De leur côté, les techniques progressent.

Citons quelques grands ingénieurs : à Alexandrie, Ctésibius, au IIIe siècle,perfectionne la clepsydre (horloge hydraulique), construit un orgue hydraulique, invente une pompe à eau.

Philon deByzance, fut principalement mécanicien et ingénieur militaire.

Il paraît avoir inventé une sorte de fusil à aircomprimé.

Enfin le problématique Héron d'Alexandrie, vers 100 av.

JC, passe pour le créateur de nombreusesmachines, surtout à caractère de curiosités : automates, fontaines à grandes pressions, et l'éolipyle, sorte de jouetmis en rotation par une marmite chauffée, annonciateur de la turbine à vapeur. Nous voici au terme de la civilisation grecque.

Celle-ci subsistera encore très longtemps après la conquête romaine,mais on dirait qu'elle a perdu sa sève, et les travaux des savants manqueront d'originalité par rapport à ceux deleurs prédécesseurs.

Puis viendront les invasions barbares, et la grande poussée du christianisme, dont les dogmesseront d'abord interprétés avec étroitesse pendant une longue période de combat : la science va rentrer dans la. »