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L'architecture d'Auguste Perret

Publié le 26/02/2010

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D'un matériau nouveau, le béton armé, considéré jusque-là comme sommaire, Auguste Perret a fait un matériau noble. De la technique et des possibilités de ce matériau, il a tiré une synthèse. Mariant l'art à la technique, il a fait une architecture.   Créer l'architecture d'un matériau nouveau est rare et difficile. Rare, car, en effet, l'histoire de l'humanité révèle une gamme réduite de matériaux de base jusqu'à la révolution industrielle du XIXe siècle. Difficile, on l'a vu avec le fer et l'acier, dont l'architecture s'épanouit seulement, bien que ces matériaux soient antérieurs au béton armé.   Plus que tous les autres arts, l'architecture est soumise à des contraintes qui sont, soit les conditions matérielles, naturelles et humaines, soit une discipline morale et spirituelle.   Mais satisfaire à ces contraintes ne suffit pas à l'accomplissement de la mission de l'architecte et, dans le cadre de la conception, c'est par un complexe d'intuition et de science que le poète qu'il doit être, tendra vers la beauté.   Les conditions matérielles, c'est d'abord le moyen permettant de bâtir et par conséquent le matériau, avec ses caractéristiques et la technique de son emploi, en un mot : la construction.

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« Cette discipline volontaire a eu le mérite d'éviter les excès de l'imagination que les possibilités offertes par lesmatériaux auraient d'ailleurs tempérés.

Mais cette discipline ne représente que des méthodes d'application et ilconvient de chercher la véritable source, le critère qui, au cours des âges, a permis l'éclosion des oeuvres les plusvalables.

Ce critère, ce n'est pas un alphabet, ce ne sont pas des formules, c'est la base même des traditions lesplus hautes, c'est le respect de la vérité.

Vérité qui s'exprime par la franchise et la sincérité dans l'expression dumatériau et de la technique, quel que soit ce matériau et quel que soit le degré atteint par la technique.

Notreépoque, avec la prolifération des matériaux, des moyens, les possibilités de plus en plus grandes des techniques,impose d'autant plus de contrainte morale qu'il y a plus de facilité d'expression.

Le respect des contraintes matérielles, naturelles, humaines et morales ne suffit pas encore à la naissance d'uneoeuvre, d'une architecture.

Il le goût et le talent, tout ce qui est le propre de l'artiste et du poète.

Là, évidemment, il n'existe pas de recette, de théorie.

Aucun moyen humain ne permet d'indiquer ce qui différencie une grande oeuvre d'une réalisation honnête.

C'est parun complexe indéfinissable d'intuition et de science que l'architecte tend vers la beauté.

A ce moment, l'architecturen'est plus seulement dans la matière, elle est dans l'esprit.

La technique parlée en poète, c'est avec l'expression dela construction, la composition des volumes, le sens des lignes, l'harmonie des formes, l'ordonnance et la proportion,tout ce qui nous conduit en architecture.

La construction, langue maternelle de l'architecte, n'a disposé jusqu'à nos jours que d'un nombre limité de matériauxde base.

Les uns sont naturels : le bois et la pierre, les autres sont composés ou transformés : la brique, le bétonde cailloux, la famille fer, fonte, acier, enfin le béton armé.

Grâce à quatre matériaux, deux naturels, le bois et la pierre, et deux fabriqués, la brique et le béton, s'étaientexprimés 4 000 ans d'architecture.

La révolution industrielle du XIXe siècle nous a apporté de nouveaux matériauxfabriqués dont les deux plus importants sont, jusqu'à maintenant, le métal et le béton armé.

Le métal sous forme de charpente de couverture a permis d'abriter les volumes considérables nécessités par lesprogrammes nouvellement apparus : gares, halles, grands magasins, halls de banques, d'expositions, etc.

Mais iln'existe que trois cas principaux seulement où la notion de charpente totale en fer a été admise et appliquée : leCrystal Palace de Horeau, les Halles de Baltard et la Galerie des Machines de Dutert.

Dans tous les autres cas, lacharpente de couverture a bien été utilisée et laissée apparente, mais combinée avec d'autres matériaux destinés,eux, à assurer l'aspect principal.

A ce manque de foi dans les possibilités architecturales du fer ou de l'aciers'ajoutaient les inconvénients inhérents au matériau : faible coefficient d'isolation thermique, manque de résistanceà la compression et entretien coûteux.

Les espoirs mis dans le fer et l'acier n'ayant pas été pleinement remplis, la fin du XIXe siècle et le début du XXevirent s'affronter les derniers efforts d'imagination les plus extravagants appliqués à la pierre et les débuts d'unmatériau nouveau : le béton armé.

Né de l'homogénéisation de deux matériaux ayant le même coefficient de dilatation et des qualités complémentaires,le béton armé est incontestablement le matériau le plus complet dont les hommes aient jamais disposé.

En effet, lesbarres d'acier qui en sont une des composantes résistent à la traction, le béton qui les entoure à la compression.Disposant d'un matériau nouveau remarquable, il restait aux architectes à en faire un matériau noble d'abord, àl'exprimer dans une architecture valable ensuite.

Et c'est là que s'affirme le génie d'Auguste Perret qui a su imposerà la fois un matériau et une architecture.

Les principes que nous avons exprimés, Auguste Perret après les avoir énoncés et enseignés, les a mis en pratiquedans paraissent particulièrement typiques.

Une des premières tout d'abord, la plus utilitaire et pourtant celle qui porte en elle les qualités de toutes les autres :le garage de la rue de Ponthieu, construit en 1905, le plus économiquement possible.

Sa façade exprimeparfaitement le plan, elle exprime également avec la sincérité la plus grande le matériau et la technique de sonemploi.

L'ossature, la charpente de béton armé suffit, grâce à la modénature et aux proportions, pour faire de cetouvrage utilitaire une oeuvre architecturale.

A l'opposé de la construction utilitaire qu'est ce garage, Perret construit, vingt ans après, tour d'orientation deGrenoble.

Ce bijou de l'orfèvrerie du béton armé montre la connaissance parfaite du matériau que possède AugustePerret.

Mais l'art du constructeur est magnifié par le talent du compositeur.

Il faut avoir étudié de près cemonument pour comprendre l'art de la proportion et l'art de faire engendrer un volume par un autre.

Il n'y a pourtantlà ni ordre ni modulor.

L'église de Montmagny nous semble, peut-être plus encore que celle du Raincy, prouver la richesse immense quel'art peut tirer de la pauvreté des moyens financiers et de la compréhension totale de la technique du matériau.

LePerret primitif, qui s'exprime là, s'apparente aux plus prestigieux maîtres d'oeuvre du gothique primitif.. »

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