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L'argent est la puissance aliénée de l'Humanité. Marx, Troisième Manuscrit de 1844

Publié le 12/03/2014

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L'argent est la puissance aliénée de l'Humanité. Marx, Troisième Manuscrit de 1844. « La Logique, c'est l'argent de l'esprit, la valeur pensée, spéculative, de l'homme et de la nature, leur essence devenue irréelle, parce complètement indifférente à toute détermination réelle. «1 Introduction 1. Philosophie et aliénation Il est très intéressant, pour un philosophe, de lire Marx, de s'en inspirer dans sa propre pratique théorique, de lire et d'étudier un penseur qui a conçu la nécessité d'abandonner la philosophie, de renoncer à elle théoriquement et pratiquement. De comprendre que cette démarche ne résulte nullement d'un rejet de la rationalité - comme c'est en partie le cas chez Nietzsche- mais bien plutôt d'une conception radicalement nouvelle de la rationalité. De ce point de vue, on sait qu'Althusser, dans son ouvrage Pour Marx, a interprété la thèse marxiste comme une « rupture épistémologique «2 - reprenant de façon explicite et consciente le vocable bachelardien. Tout se passe comme si le renversement marxiste de la philosophie devait être pensé, parce que la philosophie, en elle-même, avait mené à une impasse, à une contradiction. De même que, chez Bachelard3, l'expérience naturelle génère une philosophie inconsciente qui est absolument contraire au déploiement de la science parce qu'elle réalise des besoins inconscients, de même que la science doit se construire sur le renversement de l'opinion en tant qu'elle engendre une philosophie déterminée par des besoins et non par des savoirs, de même Marx nous montre comment, au coeur même de la démarche philosophique - et singulièrement de la philosophie hégélienne- un besoin inconscient se joue qui fait de la philosophie l'expression de l'aliénation même de l'homme et du philosophe la figure de l'humanité en tant qu'elle est aliénée. « Le philosophe - lui-même forme abstraite de l'homme aliéné - se donne pour la mesure du monde aliéné «4 1 Marx, Manuscrits de 1844, Editions Garnier Flammarion, Jean Salem, Paris, 1996, p. 162. Althusser, Pour Marx, Edition la Découverte, Paris, 1990, p. 24 3 Cf. Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, Vrin, Paris 1993, page 14 : « La science, dans son besoin 2 d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ; de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. « 4 Marx, opus cité, p. 163. -1- Nous reviendrons longuement sur ce concept d'aliénation, très présent dans le texte que nous avons à étudier. Mais d'ores et déjà, donnons lui un sens simple, courant : être aliéné, c'est, pour une conscience, être déterminée par une puissance extérieure à la conscience, en l'occurrence, par la réalité des modes de production de la vie matérielle et ses besoins. Si donc le philosophe est la figure de la conscience en tant qu'elle est aliénée, cela veut dire deux choses : la première, c'est que la philosophie en général, en tant qu'elle se donne comme le devenir de la pensée à partir de la conscience comme cause de soi, est inconsciente d'être en réalité déterminée par les besoins matériels d'existence de celui qui pense. Et la seconde, c'est que, à l'intérieur même du discours philosophique, l'activité de la conscience n'est que l'illusion d'une activité autonome, d'une activité libre et séparée ; elle résulte, en réalité, d'un devenir plus vaste qu'elle, de l'histoire des rapports réels de production. Si la philosophie est une aliénation, c'est précisément en tant que philosophie, c'est-à-dire en tant qu'elle postule le devenir propre et séparé du concept, l'esprit croyant se réaliser lui-même dans l'ordre théorique, comme séparé des choses ou des objets qu'il a à penser. Son aliénation vient de ce qu'il pose la théorie comme pouvant être une activité et un besoin propres, indépendants de l'existence historique des objets qu'elle a à penser.5 Or l'histoire de la philosophie n'existe pas sous cette forme séparée, car elle n'est que l'histoire des rapports matériels entre les hommes, tels que, dans la production de leurs besoins matériels, ils engendrent des formes nouvelles de conscience. Ce n'est donc pas une philosophie qui doit être dépassée, mais la philosophie ellemême, en tant que croyance à l'auto-développement du concept, à une histoire séparée de l'esprit, comme le dira la 11ème thèse sur Feuerbach, qui se proposera de mettre fin à elle. 2. Aliénation et matérialisme. S'il doit être mis fin à la philosophie - au bénéfice des sciences positives d'une part, et de la pratique d'autre part, on est cependant frappé de voir que c'est cependant un philosophe qui propose et produit cette épreuve suprême [et applicable y compris à lui-même] Qu'un philosophe se propose le dépassement de la philosophie, ce n'est pas là chose entièrement nouvelle. Pascal, Nietzsche, entre autres, ont proposé cette démarche. Ce qui nous semble entièrement nouveau, c'est qu'il ne s'agit plus ici d'un dépassement de la philosophie par la pensée, au sens où l'on devrait trouver, au coeur des représentations de la conscience, des formes de savoir plus vraies et plus réelles (la foi, l'amour ou la sensibilité) telles que la pensée pourrait encore les saisir par l'action de la conscience, mais d'un déplacement de la vérité hors du champ de la conscience. C'est la réalité matérielle des formes de la production, c'est-à-dire des formes du travail, qui va permettre de penser la vérité de l'homme. En ce sens, on ne doit pas dire que le marxisme instaure une nouvelle philosophie matérialiste, mais un matérialisme qui supprime la philosophie en l'expliquant : la conscience n'est plus pensée à partir de son propre discours, mais à partir des formes que prend la production matérielle de l'homme conscient, c'est à dire la réalisation de ses besoins. Car l'homme conscient - et donc le philosophe- est un homme qui, avant même de penser, doit d'abord assurer sa vie naturelle ; et cela, il ne peut le faire que dans des 5 Cf. Marx, Idéologie Allemande, in Marx, Philosophie, Folio Essais, Edition Maximilien Rubel, Paris, 1982, p. 308 : « De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. « -2- conditions déterminées, vivant à une certaine époque, qui l'inscrit dans des rapports de production et d'échange spécifiques.6 Comme le disait déjà Feuerbach, on ne pense pas de la même manière dans un taudis ou dans un palais. Pour autant, on ne doit pas non plus interpréter cette thèse de Marx comme un strict économisme -d'ailleurs, on s'interdirait alors de comprendre la critique virulente que Marx va faire de l'économie politique dans le texte des Manuscrits - et plus tard dans la Contribution à la critique de l'économie politique - car l'économisme consisterait à dire que la conscience des individus est strictement déterminée par l'état des rapports de production, considérés comme une seconde nature [le marxisme n'est pas un naturalisme]. En réalité, les rapports de production ne sont pas des états, mais sont produits par un travail, sont le résultat de l'activité des hommes en tant qu'ils réalisent et manifestent - mais sous une forme aliénée- leur propre monde. Tout ce qui est humain est travaillé, c'est-à-dire amené à l'existence par une pratique concrète de modification de nature, et une socialisation de cette production7. L'économie elle-même, c'est-à-dire la forme que prend la division du travail et les échanges, est donc le produit d'une pratique humaine, et, en tant que telle, elle résulte d'une histoire concrète, et engendre une histoire. De même donc que l'homme produit l'économie comme le devenir de son activité sociale de production, de même la conscience théorique est le reflet des formes que prend ce travail de l'homme sur lui-même.8 Le philosophe est donc une figure aliénée, non de l'état économique de celui qui pense, du philosophe, mais de l'état présent de l'humanité en tant que son existence concrète est le produit historique de son travail. La conséquence de cette remarque est la suivante : l'aliénation de l'homme - et la forme théorique que prend cette aliénation dans la philosophie, n'est pas le produit d'un état aliéné de l'humanité - ou d'une nature aliénée de la conscience humaine - mais est le produit historique -donc provisoire- d'une forme de travail des hommes pour eux-mêmes, une manière pour les hommes de produire socialement l'homme et sa conscience. De ce point de vue, on peut signaler la façon assez lumineuse dont Henri Lefebvre résume ce matérialisme dans le Matérialisme dialectique : 6 Cf. Idéologie allemande, in Marx, Philosophie, opus cité, p. 307-308 : « Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leur représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des rapports qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que ceux-ci peuvent prendre. La conscience ne peut jamais être autre chose que l'être conscient et l'être des hommes est leur processus de vie réel. « 7 Cf. Ibidem, p. 306 : « On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l'on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu'ils commencent à produire leurs moyens d'existences, pas en avant qui est la conséquence même de leur organisation corporelle. En produisant leurs moyens d'existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même. La façon dont les hommes produisent leurs moyens d'existence, dépend d'abord de la nature des moyens d'existence déjà donnés et qu'il leur faut reproduire. Il ne faut pas considérer ce mode de production de ce seul point de vue, à savoir qu'il est la reproduction de l'existence physique des individus. Il représente au contraire déjà un mode déterminé de l'activité de ces individus, une façon déterminée de manifester leur vie, un mode de vie déterminé. La façon dont les individus manifestent leur vie reflète très exactement ce qu'ils sont. Ce qu'ils sont coïncide donc avec leur production, aussi bien avec ce qu'ils produisent qu'avec la façon dont ils le produisent. Ce que sont les individus dépend donc des conditions matérielles de leur production. « 8 Cf. Henri Lefebvre, Le matérialisme dialectique, Puf Quadrige, Paris, 1990, p. 63 : « Le mode de production de la vie est un mode de vie des individus. Les individus sont comme ils produisent leur vie «. -3- « La matérialisme cherche à rendre à la pensée sa force active, celle qu'elle avait avant la séparation de la conscience et du travail, lorsqu'elle était directement liée à la pratique «.9 Le matérialisme est un retour de la conscience dans le champ du travail, c'est-à-dire dans la pratique sociale en tant qu'elle est l'origine de toutes les formes de créations humaines. L'homme n'existe pas, il y a seulement des hommes déterminés, dira l'Idéologie Allemande, et ces hommes, lorsqu'ils pensent, sont en réalité en train d'agir socialement sur le monde et sur la nature. Leurs pensées sont donc le reflet de cette double relation, de chaque homme avec l'autre homme en tant qu'ils produisent réciproquement leur existence, et de l'homme avec la nature, en tant qu'elle est, pour l'homme, aussi bien la production de soi que la naturalisation de l'homme, une manifestation de la conscience dans l'extériorité. Mais une seconde conséquence de cette remarque, c'est que si la philosophie est une figure de la conscience aliénée de l'homme, la cause de cette aliénation n'est pas dans cette conscience - n'est pas dans la philosophie elle-même. C'est sur le terrain de l'histoire concrète, c'est-à-dire du travail social aliéné qu'il faut chercher la cause de la philosophie comme aliénation, et c'est en le faisant que Marx pourra dire, dans la Critique de la philosophie du droit de Hegel (texte qui date de 1844) : « vous ne pouvez surmonter la philosophie sans la réaliser «.10 Autrement dit, l'aliénation qu'est la philosophie n'a pas la philosophie pour cause, et c'est dans l'ordre de la vie réelle qu'il faut chercher la cause de la forme aliénée que prend la philosophie - et singulièrement la philosophie de Hegel. 3. Penser la conscience à partir du travail. Notre texte n'est pas un texte de philosophie sur l'argent. C'est donc à une tentative totalement inédite que nous assistons dans ces Manuscrits : c'est un acte puissamment novateur que de vouloir, pour un philosophe, employer les déterminations concrètes du travail -des déterminations matérielles- pour saisir le sens réel des formes abstraites, et y compris rendre raison de leur abstraction. Le texte des Manuscrits constitue en lui-même un défi pour la pensée, parce qu'il se donne comme une introduction des éléments de la matérialité du travail comme l'interprétant général des constructions théoriques. Nous ne sommes pas ici en présence d'une représentation du monde qui irait porter sur les objets du monde extérieur un regard d'interprétation. Ce n'est pas une représentation de l'économie politique ou une analyse philosophique de l'argent ; c'est une tentative, absolument nouvelle - même si les termes et les méthodes ne sont pas encore fixés en 1844- d'introduire dans la pensée des structures matérielles, d'introduire la problématique de la production dans la façon dont la pensée s'appréhende elle-même et appréhende l'homme. Il s'agit de renverser le mode même de faire de la philosophie, même si nous sommes encore dans le domaine de la pensée. Ici, avec l'argent, nous en avons un remarquable exemple. Ce n'est pas un texte sur l'argent, ou une conceptualisation de l'argent à partir de l'unité de la pensée spéculative, c'est un texte dans lequel l'argent, comme structure matérielle de l'économie réelle, se donne comme modifiant le rapport de l'homme à sa conscience. Ce n'est pas l'esprit qui réfléchit sur l'argent, mais l'argent qui devient le moyen de comprendre les figures de l'esprit. 9 Cf. Henri Lefebvre, Ibidem, p. 66. Marx, Philosophie, Edition Maximilien Rubel, Folio Essais, Paris, 1982, p. 97. 10 -4- L'aliénation n'est pas ici une aliénation telle qu'elle résulterait d'une erreur ou d'une illusion de la pensée, où l'esprit se prendrait pour ce qu'il n'est pas. Mais, au contraire, la forme aliénée de l'esprit est le produit de l'histoire de l'aliénation réelle, telle qu'elle prend des formes idéologiques sous forme de l'argent, mais en rapport direct avec l'économie politique. 4. La place des Manuscrits dans l'oeuvre de Marx. Dès lors, nous pouvons tenter de saisir la place particulière des Manuscrits de 1844 dans l'oeuvre générale de Marx. Ces textes, que l'auteur n'a pas lui-même fait paraître, ont une histoire critique extrêmement mouvementée. Rédigés peu avant que Marx ne soit expulsé de Paris à la demande de Humboldt, ambassadeur de Prusse en France, ils n'ont été publiés la première fois qu'en 1932, essentiellement par les adversaires du marxisme-léninisme, Landshut et Mayer. Ils croyaient pouvoir montrer, contre les marxistes eux-mêmes, que Marx avait été plus lui-même dans les Manuscrits que dans la suite de son oeuvre, lorsqu'il fit « sombrer « la philosophie dans l'économie du Capital. Il s'agissait de faire croire, en particulier, qu'on pouvait discerner dans ce texte les termes d'une véritable philosophie marxiste, telle qu'elle aurait pu se construire comme une protestation éthique contre les formes aliénées du travail [alors même que, comme le rappelle Althusser dans Pour Marx, Marx renonce définitivement à la philosophie à partir de la rupture représentée par les Thèses sur Feuerbach en 1846]. Selon eux, il y aurait ici le vrai Marx, celui qui fait de la philosophie, et qu'on peut très bien identifier comme un idéaliste, à condition d'y voir une lutte théorique et éthique contre toutes les formes de l'aliénation. Pour ces commentateurs, le Marx suivant, le Marx de la coupure telle qu'elle intervient avec les Thèses sur Feuerbach, celui qui met fin à la philosophie - et à l'idéalisme- pour faire de l'économie et de la politique, serait un Marx moins authentiquement marxien, un Marx qui aurait déchu de ce sommet que serait le philosophe de l'aliénation dans les Manuscrits. Bottigelli11, Althusser et Jean Salem rendront justice au texte des Manuscrits de ce détournement - manifestement idéologique- en montrant que le texte est d'abord un atelier où Marx est en train de se former et non le Marx de la maturité qu'il sera ensuite. Texte d'une pensée en formation, et texte authentiquement philosophique, texte dans lequel la suppression de la philosophie est en gestation dans la philosophie elle-même. Cela s...

« - 2 - Nous reviendrons longuement sur ce concept d’aliénation, très présent dans le texte que nous avons à étudier.

Mais d’ores et déjà, donnons lui un sens simple, courant : être aliéné, c’est, pour une conscience, être déterminée par une puissance extérieure à la conscience, en l’occurrence, par la réalité des modes de production de la vie matérielle et ses besoins.

Si donc le philosophe est la figure de la conscience en tant qu’elle est aliénée, cela veut dire deux choses : la première, c’est que la philosophie en général, en tant qu’elle se donne comme le devenir de la pensée à partir de la conscience comme cause de soi, est inconsciente d’être en réalité déterminée par les besoins matériels d’existence de celui qui pense.

Et la seconde, c’est que, à l’intérieur même du discours philosophique, l’activité de la conscience n’est que l’illusion d’une activité autonome, d’une activité libre et séparée ; elle résulte, en réalité, d’un devenir plus vaste qu’elle, de l’histoire des rapports réels de production.

Si la philosophie est une aliénation, c’est précisément en tant que philosophie, c'est-à-dire en tant qu’elle postule le devenir propre et séparé du concept, l’esprit croyant se réaliser lui-même dans l’ordre théorique, comme séparé des choses ou des objets qu’il a à penser.

Son aliénation vient de ce qu’il pose la théorie comme pouvant être une activité et un besoin propres, indépendants de l’existence historique des objets qu’elle a à penser. 5 Or l’histoire de la philosophie n’existe pas sous cette forme séparée, car elle n’est que l’histoire des rapports matériels entre les hommes, tels que, dans la production de leurs besoins matériels, ils engendrent des formes nouvelles de conscience.

Ce n’est donc pas une philosophie qui doit être dépassée, mais la philosophie elle- même, en tant que croyance à l’auto-développement du concept, à une histoire séparée de l‘esprit, comme le dira la 11 ème thèse sur Feuerbach, qui se proposera de mettre fin à elle.

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Aliénation et matérialisme.

S’il doit être mis fin à la philosophie – au bénéfice des sciences positives d’une part, et de la pratique d’autre part, on est cependant frappé de voir que c’est cependant un philosophe qui propose et produit cette épreuve suprême [et applicable y compris à lui-même] Qu’un philosophe se propose le dépassement de la philosophie, ce n’est pas là chose entièrement nouvelle.

Pascal, Nietzsche, entre autres, ont proposé cette démarche.

Ce qui nous semble entièrement nouveau, c’est qu’il ne s’agit plus ici d’un dépassement de la philosophie par la pensée, au sens où l’on devrait trouver, au cœur des représentations de la conscience, des formes de savoir plus vraies et plus réelles (la foi, l’amour ou la sensibilité) telles que la pensée pourrait encore les saisir par l’action de la conscience, mais d’un déplacement de la vérité hors du champ de la conscience.

C’est la réalité matérielle des formes de la production, c'est-à-dire des formes du travail, qui va permettre de penser la vérité de l’homme.

En ce sens, on ne doit pas dire que le marxisme instaure une nouvelle philosophie matérialiste, mais un matérialisme qui supprime la philosophie en l’expliquant : la conscience n’est plus pensée à partir de son propre discours, mais à partir des formes que prend la production matérielle de l’homme conscient, c’est à dire la réalisation de ses besoins.

Car l’homme conscient – et donc le philosophe- est un homme qui, avant même de penser, doit d’abord assurer sa vie naturelle ; et cela, il ne peut le faire que dans des 5 Cf.

Marx, Idéologie Allemande, in Marx, Philosophie, Folio Essais, Edition Maximilien Rubel, Paris, 1982, p.

308 : « De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie.

Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée.

Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience.

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