Devoir de Philosophie

l'art constitue-t-il un refuge ?

Publié le 22/10/2005

Extrait du document

Une telle dévaluation ontologique du statut de l'art le réduit à l'impuissance : l'art ne peut rien par lui-même puisque, étant reproduction de reproduction, sa réalité n'est pensée que par privation ou dérivation. Son être même est négativité en tant qu'il est représentation mensongère prétendant à la vérité de la chose. L'art est l'être du faux, parce que différant de son modèle, qui comme illusion se pare des atours de la vérité. N'étant pas réalité, il ne peut rien, est impotent, impuissant. Car il est ce qui n'est pas vrai, voire : ce qui n'est pas (Le sophiste). La virtualité strictement négative de l'art en fait le refuge propre à l'illusion - une  illusion aspirant à se faire passer pour vérité. L'art comme refuge de l'illusion indique d'une la tromperie sur le plan épistémologique, mais également lé dépravation éthique de ce qui se sait leurre mais prétend à la rectitude - l'art mensonger. Si l'art est refuge de l'illusion et du mensonge délibéré, c'est en tant qu'ontologiquement dépravé, fondé sur l'impression sensible et hors concept : imposteur, l'art charme et égare les sens - comme le refuge abrite sans dévoiler les intentions de l'illusion (la manipulation).   II. Le refuge contre la vérité   Avec Aristote, l'interprétation de la fonction mimétique de l'art est réévaluée : abolie la l'ontologie scalaire de Platon, l'art n'est plus simple dérivé dévalué, mais imitation de ce qui en la nature agit - l'acte ou la puissance.

Le thème de cet énoncé porte sur la nature de l’art. Ainsi est-ce par la détermination de son statut ontologique que peut s’éclaircir la question de sa fonction : réfugier. Une ambiguïté doit alors être soulignée : le refuge comme refuge de (quelque) ou contre (quelque chose). La polysémie de l’art (technique ou beaux-arts) se restreint ici à son acception esthétique.

Le problème consiste donc à penser l’art en termes de fonction et de virtualité ; il s’agit d’interroger le pouvoir-être de l’art en tant que potentialité ou puissance afin d’invalider ou de reconnaître sa fonction de refuge – où refuge est à entendre dans sa double acception.

A cette fin doit premièrement être déterminé le caractère ontique de l’art, sa nature d’être en tant que chose dans le monde, pour, dans un second temps du développement, en questionner le pouvoir, c’est-à-dire la virtualité relativement à l’alternative dans la compréhension de la notion de “ refuge ”.

« Je l'ai dit en effet.Or donc, s'il ne fait point ce qui est, il ne fait point l'objet réel, mais un objet qui ressemble à cedernier, sans en avoir la réalité [...]Maintenant, considère ce point : lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement àchaque objet : est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît, tel qu'il paraît ? Est-elle l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? De l'apparence.L'imitation est donc loin du vrai, et si elle façonne tous les objets, c'est, semble-t-il, parce qu'ellene touche qu'à une petite partie de chacun, laquelle n'est d'ailleurs qu'un simulacre (eidôlon )...Lorsque quelqu'un vient nous annoncer qu'il a trouvé un homme instruit de tous les métiers, quiconnaît tout ce que chacun connaît dans sa partie [...], il faut lui répondre qu'il est un naïf, etqu'apparemment il a rencontré un charlatan et un imitateur.

" PLATON Ce texte capital concerne le problème de la mimèsis ; par la médiation de Socrate, Platon y soutient quel'art, apparence d'apparence, n'est très précisément, rien.Cette condamnation philosophique de l'art est ontologique : l'apparence est une illusion sans substanceou sans réalité, un néant ; elle est épistémologique : l'omniscience de l'imitateur qui prétend tout imiterne repose sur aucune science ; elle est morale : « chacun ne peut pratiquer qu'un métier » (394 e) etprétendre les pratiquer tous est non seulement une duperie mais une « injustice » au sens platonicien : laJustice est la vertu hors pair qui maintient toute chose (hommes et puissances de l'âme) dans sa positionpropre, or, dans sa polytechnicité, l'imitation ouvre l'errance sans fin de la perte du propre ou de l'identitéet, avec elle, le risque de la folie (cf.

396 b).En effet l'imitateur produit non pas simplement une image, une icône (eikôn) qui respecte les proportionsde son modèle (comme l'art égyptien, dont parle Platon dans Les Lois, qui utilisait le procédé de la miseen carré) mais un fantôme (phantasma), un simulacre (eidolon) ou une « idole » qui se substitue aumodèle et le fait oublier.

C'est ce que font ces imitateurs que sont les peintres réalistes, les seuls quePlaton condamne : ce sont des « skiagraphes », des peintres d'ombres (skiai) qui utilisent le raccourci, lemodelé et la perspective.

Comme Zeuxis qui avec ses raisins en peinture trompait les pigeons, et tous lespeintres décadents qu'allait connaître la Grèce hellénistique, ce sont des experts en trompe l'oeil.

Dans LeSophiste Platon opposera à l'art de la copie (eikastique), l'art du simulacre (phantastique) qui produit dessimulacres trompeurs analogues à ceux que produisent les « montreurs de marionnettes » (c'est-à-dire lesartistes, les sophistes...) de la caverne (514 b).L'intervention du miroir permet à Platon d'opérer ce coup de force : l'artiste, au rebours de l'artisan qui,comme le démiurge, impose une forme à une matière rebelle, ne fait, à proprement parler, rien ; le miroirest ici un instrument à l'efficacité redoutable et inquiétante, un instrument diabolique au sensétymologique du terme puisqu'il permet de diviser (dia-balein) le monde ou de donner du monde un doublefascinant et illusoire. II.

Le refuge contre la vérité Avec Aristote, l'interprétation de la fonction mimétique de l'art est réévaluée : abolie la l'ontologie scalaire dePlaton, l'art n'est plus simple dérivé dévalué, mais imitation de ce qui en la nature agit – l'acte ou la puissance.

Cepouvoir de déplacement et de reproduction de la puissance naturelle non déchue dote l'art d'une puissance d'êtrequasi performative : le dire de l'art est déjà faire.

Par-là, il donne à penser à la raison qui alors librement produit,dans l'exercice réflexif de son jugement, l'idée à partir du Beau (Kant, Critique de la faculté de juger ).

L'art est devenu puissance d'être et de pensée ; et alors n'est plus réduit en termes privatifs de négativité ontologique.Voilà enfin permise la réélaboration du rapport entre art, vérité et réalité : l'art devient le lieu de manifestation del'idée, son incarnation, l'outil de sa procession.

Par et dans l'art s'expose l'idée ; en lui, elle devient concrète, c'est-à-dire s'incarne dans la matière de l'œuvre (Hegel, Esthétique ).

Mais en quoi serait-il refuge s'il n'est qu'exposition ? Si l'art est pour Hegel manifestation de l'idée incarnée dans la matière de l'œuvre, la matière sensible, en tantqu'épreuve par l'idée de sa propre négativité (ou contraire), est cependant nécessaire à son advenir.

L'incarnationest nécessaire la réalisation de l'idée.

Ainsi peut-on avec Nietzsche effectuer le renversement consistant à affirmerla primauté (ou antériorité) de la matière et des sens sur la genèse de l'idée : élaborée à même le monde, l'idée n'estque la résultante d'un procédé métaphorique à partir de l'intuition sensible (qui se fait d'abord image, puis mot, enfinconcept).

Le mouvement d'exposition artistique, sa manifestation, doit alors être compris comme exhibition duprocessus métaphorique constitutif de tout langage, y compris celui de la vérité scientifique.

Tout sens n'étant quemétaphore, c'est-à-dire déplacement arbitraire et idéalisation à partir de la matière, l'art est ce qui se montrecomme illusion.

En ce sens est-il plus vrai que la vérité (des sciences) reniant ou oubliant sa genèseanthropomorphique et métaphorique.

L'art est un mensonge vrai – contre la vérité mensongère, il est refuge : “ pourne pas mourir de la vérité ”.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles