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l'artiste doit-il chercher a plaire ?

Publié le 24/10/2005

Extrait du document

Celui qui produit une oeuvre d'art en exprimant un idéal de beauté est-il dans l'obligation d'agir agréablement sur les sens, de charmer ces derniers, de séduire l'auditeur ou le spectateur ? Les fascinera-t-il par la production de formes agréables ? Est-il nécessaire de passer par la médiation de cette séduction sensible ? Tel est le problème posé par le libellé du sujet. Quelle est l'essence de l'art ? Visée d'un beau transcendant ou immersion dans le sensible ? Joie désintéressée et pure ou expérience phénoménale ? Le problème est de savoir si une idéalité meut la sphère artistique, si l'art est création d'une réalité spirituelle. D'où un gain de pensée puisque l'artiste est interprété et saisi, en son projet dynamique.

Interrogez-vous sur le but poursuivi par les artistes à travers leurs oeuvres. Celles-ci sont-elles destinées à plaire ? Est-ce la condition nécessaire et suffisante pour motiver un artiste ? N'y a-t-il pas là une réduction tout à fait illégitime de l'art à une fonction ou une finalité qui lui est finalement étrangère ? Si l'artiste ne cherchait qu'à plaire, on peut supposer que l'art n'aurait jamais évolué. Songez par exemple à l'académisme qui fixe des normes artistiques. Ont-elles été respectées au cours du temps ? Les artistes ne revendiquent-ils pas une liberté de création qui les conduit au contraire très souvent à heurter, choquer, étonner leurs contemporains ? De nombreuses oeuvres qui aujourd'hui sont universellement reconnues ont été rejetées en leur temps parce qu'elles ne plaisaient pas. Si l'artiste ne cherche qu'à plaire, que valent se production ? N'est-il pas " complaisant " ? N'abdique-t-il pas devant une mode ou des commandes officielles ? Si ce n'est pas essentiellement à plaire que cherche l'artiste, que cherche-t-il au juste ?

 

1) L'artiste doit chercher à plaire.

2) Le but de l'artiste n'est pas de plaire mais de nous faire connaître le monde.

3) L'artiste comme miroir

« Ce transfert de la fiction à la réalité est-il toutefois tellement inconcevable? Pour nous, malheureusement non.

Mais,pour Aristote, certainement.

En éprouvant des sentiments analogues à ceux que la tragédie provoque en moi, je melibère du poids de ces états affectifs pendant et après le spectacle.

J'en ressors comme purgé et apaisé.

Cesémotions préexistaient-elles en moi à l'état latent et le spectacle s'est-il contenté de les éveiller? Ou bien les a-t-ild'un bout à l'autre provoquées? Le spectateur est-il prédisposé, par sa nature même, à réagir en fonction d'unereprésentation spécialement conçue pour le troubler en des points sensibles de sa personnalité ? Aristote ne le ditpas.La "Poétique" ne répond pas vraiment à l'attente de la "Politique".

Aristote, là aussi, avait évoqué la catharsis, maisuniquement à propos de la musique «Nous disons qu'on doit étudier la musique, non pas vue de l'éducation et de lapurgation - ce que nous en vue d'un avantage unique, mais de plusieurs (en nous en reparlerons plus clairementdans un entendons par purgation, terme employé en général, traité sur la poétique - et, en troisième lieu, en vue dudivertissement, de la détente et du délassement après la tension de l'effort).

» Certes, il en reparle, mais si peu !En revanche, la "Politique" donne quelques précisions qu'on ne retrouve pas dans la "Poétique": à la crainte et à lapitié s'ajoute l'«enthousiasme».

A propos de cet état d'exaltation, Aristote fait référence explicitement au sensthérapeutique du terme: «certains individus ont une réceptivité particulière pour cette sorte d'émotions[l'enthousiasme], et nous voyons ces gens-là, sous l'effet des chants sacrés, recouvrer leur calme comme sousl'action d'une cure médicale ou d'une purgation.

»Est-ce pour lui, une manière de retrouver le lieu commun selon lequel «la musique adoucit les moeurs» ? Il y a sansdoute un peu de cela, mais il faut aller plus loin dans l'interprétation.Dans la "Politique", Aristote suggère lui-même que la catharsis concerne également la tragédie, c'est-à-dire la vue,et non pas seulement l'écoute de ce qu'il appelle des chants éthiques, dynamiques ou exaltants.

Il n'y a pas à s'enétonner puisque la tragédie, à l'époque, réalise une certaine forme d' «art total» harmonisant le texte, les choeurset la danse.

Mais, en outre, elle consiste à mettre en scène une action, une intrigue où des personnages réelsimitent des héros soumis à un destin angoissant ou pathétique.

Pensons à Œdipe.

Or la musique seule ne figure pas;elle ne représente rien; elle laisse tout loisir à l'auditeur d'imaginer librement selon ses états d'âme, tout comme lalecture d'un récit.

En revanche, la tragédie impose un personnage, un masque comportant des traits définis.

Elleforce en quelque sorte l'identification du spectateur appelé à devenir momentanément un «acteur secret» dans lapièce.

Mimésis d'action et de sentiments réels, la tragédie concentre la réalité dans le temps et dans l'espace, ellel'exagère et pousse les passions à leur paroxysme afin d'éclairer le public sur les conséquences éventuelles de sesactes: voyez ce qu'il adviendrait, si d'aventure l'envie vous prenait d'imiter réellement ces malheureuses victimes dela fatalité !Le remède n'est-il pas pire que le mal ? Un spectacle apaisant ne serait-il pas plus propice à la sérénité, au retour àl'équilibre? Aristote ne se pose pas la question.

Sa «cure médicale» (Bossuet) est homéopathique: on soigne le malpar le mal, les passions excessives par l'excès d'émotions.Cette interprétation n'est pas vraiment abusive.

Le texte d'Aristote la suggère; elle fut notamment celle de tout leclassicisme français, soucieux d'assigner au théâtre une fonction morale, voire moralisatrice.Mais de l'éthique au politique, il n'y a parfois qu'un pas.

La "Politique" d'Aristote se fonde sur sa philosophie de latempérance, de la modération, du juste milieu.

Sa volonté de restaurer la tragédie en déclin, de renouer avec latradition des grands spectacles qui contribuèrent à la gloire d'Athènes au Ve siècle, n'est sans doute pas exempted'intentions politiques et sociales: permettre à la cité de vivre en paix et assurer au citoyen le bonheur d'une vievertueuse, conforme à la raison.

Un tel programme d'éducation civique et culturelle ne pourrait-il convenir au futurroi de Macédoine ?Multiplier les spectacles tragiques, attirer la foule au théâtre, c'est permettre à la catharsis d'opérer non seulementsur l'individu, mais collectivement.

C'est aussi distraire les citoyens, détourner leur attention des problèmes dumoment - les guerres incessantes - et permettre l'expulsion d'une mauvaise conscience qui commence à hanter unpeuple en décadence.Il s'agit là d'une explication presque psychanalytique au sens actuel du terme: le spectacle apaise les passionsparce qu'il permet de vivre fictivement, de façon innocente et inoffensive, pour la personne et pour la société, despassions qui les mettraient en danger dans la réalité.

La catharsis autoriserait alors une sorte de défoulement etjouerait un rôle d'exutoire.On parle de défoulement.

Ce n'est pas un hasard si Freud a choisi le terme de catharsis pour désigner la finalité dela cure psychanalytique: le retour à la conscience des pulsions refoulées, notamment dans le cas des névroses.

Riende plus préjudiciable à l'équilibre de l'individu et de la société que de se complaire dans le malaise ou le mal-être depassions et de pulsions condamnées au mutisme, rejetée, dans le tréfonds de l'inconscient.Cette interprétation établit un lien entre la "Poétique" et la "Politique".

Sur un plan plus général, elle révèle lesimplications politiques - au sens large du terme - et le discours sur l'art.

Or ce n'est pas non plus un hasard si cetype d'interprétation a systématiquement été omis par la tradition qui se réclame d'Aristote.

On pourrait d'ailleurs endire autant de Platon.

Au IV siècle, nous l'avons dit, on se soucie surtout de la portée morale du théâtre.

On neprête attention qu'aux règles de l'art, aux procédés techniques qui permettent d'aboutir à l'effet recherché.

A la findu XVIIIe siècle, Lessing dénonce l'assimilation aristotélicienne entre la poésie et la peinture dans le cadre de sacritique de l' « ut pictura poesis ».

La fonction cathartique par la mise en scène de la terreur ne lui plaît guère.

Ilpréfère la pitié et considère que la tragédie doit surtout susciter la compassion.

Quant à Goethe, peu sensible àl'effet de purgation et de purification de la catharsis, il ne parle que de retour à l'équilibre.

Dans sa périodeantiquisante et classique, et dans le cadre d'une esthétique idéaliste, il privilégie l'harmonie qui naît de lacontemplation de la beauté idéale propre à l'oeuvre d'art réussie.

Surtout lorsque cette oeuvre d'art appartient à lapoésie dramatique.Plus récemment, Bertolt Brecht (1898-1956) a fondé sa théorie et sa pratique théâtrale sur ce lien entre esthétiqueet politique : «Ce qui nous paraît du plus grand intérêt social, c'est la fin qu'Aristote assigne à la tragédie: lacatharsis, purgation du spectateur de la crainte et de la pitié par l'imitation d'actions suscitant la crainte et a pitié.. »

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