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l'artiste n'est-il qu'un artisan talentueux ?

Publié le 10/07/2005

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Sans doute est-ce du travail artisanal que Diderot parle en termes d'« art « et d'« artiste « ; mais il entend aussi fonder sur la pratique manoeuvrière en général cette « culture « technologique inventive qu'appelle l'industrialisation. Au contraire, en faisant des ouvriers de simples exécutants, plus particulièrement en morcelant leurs tâches, le capitalisme industriel du XIXe siècle détruit toute possibilité d'un rapport concret de création entre l'homme et l'objet de son travail. Comme Karl Marx l'a analysé, l'abstraction, la libération formelle de la force de travail rendent celle-ci homologue de la marchandise ; elles la font entrer dans le système généralisé de la valeur d'échange et elles tendent à empêcher, en conséquence, qu'aucune relation concrète au monde et à autrui puisse s'établir à travers le travail industriel morcelé et à travers ses produits de série. L'art du XIXe siècle proteste contre cette dichotomie qui coupe le travail de ses finalités humaines, qui le sépare absolument de la culture, qui fait en conséquence de cette dernière un privilège discriminatoire, un instrument idéologique du pouvoir d'État et un signe d'appartenance à la classe sociale dominante. En effet, dans ces conditions, l'art lui-même se trouve nié en tant que mode de travail social, exclu des instances de responsabilité tout comme l'est, d'une autre façon, le prolétaire : l'art n'est plus que l'ornement de la richesse, un des signes de ses privilèges, en même temps qu'il devient un objet de spéculation marchande. Dans leur ensemble, ces théories prennent acte de la séparation de fait de l'art et du travail, de ce qu'on nomme alors le beau et l'utile, soit que l'on tente de les concilier comme aspects ou parties composantes de la production en général ; soit qu'on les oppose comme irréductibles l'un à l'autre ; soit qu'on cherche à les identifier par réduction du beau à l'utile.   3) La modernité contre la séparation de l'art et de l'artisanat.     Parce qu'il intervient après la révolution formelle de l'impressionnisme, l'art dit d'avant-garde des années 1910-1925 reprend ces questions dans des termes tout contraires. La base idéologique commune aux jeunes peintres de l'avant-garde est l'acceptation, comme fait de culture, de la modernité technique : celle de la production industrielle et celle aussi de la vie quotidienne dans le milieu urbain mécanisé. Cette acceptation implique que la création artistique est toujours solidaire des procédures historiques de transformation et de maîtrise de la matière ; qu'elle l'est donc nécessairement aussi de ses modalités techniques les plus actuelles.

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