Le barbare est-il l'homme qui croit a la barbarie ?
Publié le 25/10/2005
Extrait du document
«
vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisirde notre goût corrompu.
Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envides nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture.
Ce n'est pas raison que l'art gagne le point d'honneursur notre grande et puissante mère Nature.
Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages parnos inventions que nous l'avons du tout étouffée.
»
II.
Barbarie et civilisation
Cela ouvre sur une compréhension de la barbarie comme défaut – fantasmé ou réel – de civilisation, ce qui dirige laréflexion vers une interrogation des rapports de la nature et de la culture concernant l'être humain.
On oppose lebarbare, homme brut, créature directement issue de la brutalité de la nature, à l'homme civilisé, poli par la culture.Cette opposition entre barbarie et civilisation accorde à l'homme civilisé une sorte de monopole concernant labarbarie : lui seul serait habilité à se prononcer sur son existence, sans pouvoir se considérer lui-même commebarbare.
Spinoza
« Ce n'est pas seulement parce qu'elle protège contre les ennemis que la Société est très utile et même nécessaireau plus haut point, c'est aussi parce qu'elle permet de réunir un grand nombre de commodités, car, si les hommes nevoulaient pas s'entraider, l'habileté technique et le temps leur feraient également défaut pour entretenir leur vie etla conserver autant qu'il est possible.
Nul n'aurait, dis-je, le temps ni les forces s'il lui fallait labourer, semer,moissonner, moudre, cuire, tisser, coudre et effectuer bien d'autres travaux utiles à l'entretien de la vie; pour riendire des arts ni des sciences, qui sont aussi suprêmement nécessaires à la perfection de la nature humaine et à sabéatitude.
Nous voyons en effet ceux qui vivent en barbares, sans civilisation, mener une vie misérable et presqueanimale, et cependant le peu qu'ils ont, tout misérable et grossier, ils ne se le procurent pas sans se prêtermutuellement une assistance quelle qu'elle soit.
»
III.
La fondation du rapport violent à l'autre sur le prétexte de la nature
Cette position du problème de la barbarie oriente vers une analyse de la place qu'occupe la nature dans la penséeque l'homme peut avoir de son rapport avec ses semblables : cela permet de renverser la perspective et de situer labarbarie non pas dans une opposition entre barbarie et civilisation mais dans une certaine manière d'utiliser lesarguments de la brutalité et de l'inégalité de la nature pour s'arroger le droit de considérer des hommes inconnuscomme barbares.
Dans ce cas la barbarie se trouve effectivement du côté de l'homme qui prononce le jugement debarbarie.
Platon, Gorgias
« Mais si, Socrate, c'est d'eux que tu parles, absolument ! Car comment un homme pourrait-il être heureux s'il estesclave de quelqu'un d'autre ? Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste selon la nature ? Hé bien, je vais te ledire franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer.
Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au servicede si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer.
Seulement, tout le monde n'est pascapable, j'imagine, de vivre comme cela.
C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênéequ'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire.
La masse déclare donc bien haut que le dérèglementest une vilaine chose.
C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celledes homes de la masse; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui lescombleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme.
Car,bien sûr, pour tous les hommes qui, dès le départ, se trouvent dans la situation d'exercer le pouvoir, qu'ils soientnés fils de rois ou que la force de leur nature les ait rendus capables de s'emparer du pouvoir - que ce soit lepouvoir d'un seul homme ou celui d'un groupe d'individus -, oui, pour ces hommes-là, qu'est-ce qui serait plus vilainet plus mauvais que la tempérance et la justice ? ».
»
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