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Le barbare est-il l'homme qui croit a la barbarie ?

Publié le 25/10/2005

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 Lévi-Strauss « Habitudes de sauvages», «cela n'est pas de chez nous», etc. Autant de réactions grossières qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Ainsi l'Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de barbare ; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans le même sens. Or, derrière ces épithètes se dissimule un même jugement : il est probable que le mot barbare se réfère étymologiquement à la confusion et à l'inarticulation du chant des oiseaux, opposées à la valeur signifiante du langage humain ; et sauvage, qui veut dire «de la forêt», évoque aussi un genre de vie animale par opposition à la culture humaine. Dans les deux cas, on refuse d'admettre le fait même de la diversité culturelle; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit. » Montaigne « Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture.
La notion de « barbare « vient de la Grèce antique : les Grecs appelaient « barbares « tous ceux qui ne parlaient pas le grec, et qui, donc, n’avaient rien de commun avec la culture grecque. A l’origine, donc, le barbare est l’étranger dont tout nous sépare, et que l’on considère comme un ennemi potentiel. Son sens a dérivé vers l’idée d’une sauvagerie, d’une brutalité, et l’on peut opposer « barbarie « et « civilisation «. La barbarie peut ainsi désigner une manière de vivre ou de penser particulièrement brutale, rappelant la violence des relations des animaux entre eux. « Croire « peut ici avoir deux sens : le sens de croire à l’existence de quelque chose, donc ce croire que la barbarie existe en l’homme, ou bien le sens de croire « en « la barbarie, de croire que la barbarie, la sauvagerie primaire, par exemple le respect de la loi du plus fort, peuvent être utiles à l’être humain. La question est donc finalement double : la barbare est-il celui qui est incapable de reconnaître de la valeur à une civilisation ou à une culture qui ne sont pas les siennes ? ou bien, le barbare est-il celui qui cautionne le recours incontrôlé à la violence ?

« vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisirde notre goût corrompu.

Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envides nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture.

Ce n'est pas raison que l'art gagne le point d'honneursur notre grande et puissante mère Nature.

Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages parnos inventions que nous l'avons du tout étouffée.

» II.

Barbarie et civilisation Cela ouvre sur une compréhension de la barbarie comme défaut – fantasmé ou réel – de civilisation, ce qui dirige laréflexion vers une interrogation des rapports de la nature et de la culture concernant l'être humain.

On oppose lebarbare, homme brut, créature directement issue de la brutalité de la nature, à l'homme civilisé, poli par la culture.Cette opposition entre barbarie et civilisation accorde à l'homme civilisé une sorte de monopole concernant labarbarie : lui seul serait habilité à se prononcer sur son existence, sans pouvoir se considérer lui-même commebarbare. Spinoza « Ce n'est pas seulement parce qu'elle protège contre les ennemis que la Société est très utile et même nécessaireau plus haut point, c'est aussi parce qu'elle permet de réunir un grand nombre de commodités, car, si les hommes nevoulaient pas s'entraider, l'habileté technique et le temps leur feraient également défaut pour entretenir leur vie etla conserver autant qu'il est possible.

Nul n'aurait, dis-je, le temps ni les forces s'il lui fallait labourer, semer,moissonner, moudre, cuire, tisser, coudre et effectuer bien d'autres travaux utiles à l'entretien de la vie; pour riendire des arts ni des sciences, qui sont aussi suprêmement nécessaires à la perfection de la nature humaine et à sabéatitude.

Nous voyons en effet ceux qui vivent en barbares, sans civilisation, mener une vie misérable et presqueanimale, et cependant le peu qu'ils ont, tout misérable et grossier, ils ne se le procurent pas sans se prêtermutuellement une assistance quelle qu'elle soit.

» III.

La fondation du rapport violent à l'autre sur le prétexte de la nature Cette position du problème de la barbarie oriente vers une analyse de la place qu'occupe la nature dans la penséeque l'homme peut avoir de son rapport avec ses semblables : cela permet de renverser la perspective et de situer labarbarie non pas dans une opposition entre barbarie et civilisation mais dans une certaine manière d'utiliser lesarguments de la brutalité et de l'inégalité de la nature pour s'arroger le droit de considérer des hommes inconnuscomme barbares.

Dans ce cas la barbarie se trouve effectivement du côté de l'homme qui prononce le jugement debarbarie. Platon, Gorgias « Mais si, Socrate, c'est d'eux que tu parles, absolument ! Car comment un homme pourrait-il être heureux s'il estesclave de quelqu'un d'autre ? Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste selon la nature ? Hé bien, je vais te ledire franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer.

Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au servicede si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer.

Seulement, tout le monde n'est pascapable, j'imagine, de vivre comme cela.

C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênéequ'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire.

La masse déclare donc bien haut que le dérèglementest une vilaine chose.

C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celledes homes de la masse; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui lescombleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme.

Car,bien sûr, pour tous les hommes qui, dès le départ, se trouvent dans la situation d'exercer le pouvoir, qu'ils soientnés fils de rois ou que la force de leur nature les ait rendus capables de s'emparer du pouvoir - que ce soit lepouvoir d'un seul homme ou celui d'un groupe d'individus -, oui, pour ces hommes-là, qu'est-ce qui serait plus vilainet plus mauvais que la tempérance et la justice ? ». »

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