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Le beau n'est pas l'agréable d'E. KANT

Publié le 05/01/2020

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Alors que le texte précédent décrivait les effets de l'œuvre d'art, nous trouverons ici une interrogation sur la nature du sentiment esthétique lui-même, en tant qu'il s'exprime par un jugement. La forme de ce jugement permet d'avoir une idée précise de la spécificité du sentiment en question et d'éviter ainsi de faux débats.

 

Pour ce qui est de l’agréable, chacun reconnaît que le jugement par lequel il déclare qu’une chose lui plaît, étant fondé sur un sentiment particulier, n’a de valeur que pour sa personne. C’est pourquoi, quand je dis que le vin des Canaries est agréable, je souffre volontiers qu’on me reprenne et qu’on me rappelle que je dois dire seulement qu’il m’est agréable; et cela ne s’applique pas seulement au goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi à ce qui peut être agréable aux yeux et aux oreilles de chacun. Pour celui-ci la couleur violette est douce et aimable, pour celui-là elle est terne et morte. Tel aime le son des instruments à vent, tel autre celui des instruments à corde. Ce serait folie de prétendre contester ici et accuser d’erreur le jugement d’autrui lorsqu’il diffère du nôtre, comme s’ils étaient opposés logiquement l’un à l’autre ; en fait d’agréable, il faut donc reconnaître ce principe que chacun a son goût particulier (le goût de ses sens).

 

P en est tout autrement en matière de beau. Ici, en effet, ne serait-il pas ridicule qu’un homme, qui se piquerait de quelque goût, crût avoir tout décidé en disant qu’un objet (comme, par exemple, cet édifice, cet habit,'ce concert, ce poème soumis à notre jugement) est beau pour lui! Car il ne doit pas appeler beau ce qui ne plaît qu’à lui. Beaucoup de choses peuvent avoir pour moi de l’attrait et de l’agrément, personne ne s’en inquiète ; mais lorsque je donne une chose pour belle, j’attribue aux autres la même satisfaction; je ne juge pas seulement pour moi, mais pour tout le monde, et je parle de la beauté comme si c’était une qualité des choses. Aussi dis-je que la chose est belle, et si je m’attends à trouver les autres d’accord avec moi dans ce jugement de satisfaction, ce n’est pas que j’ai plusieurs fois reconnu cet accord, mais c’est que je crois pouvoir l’exiger d’eux. Jugent-ils autrement que moi, je les blâme, je leur refuse le goût, tout en exigeant pourtant d’eux qu’ils le possèdent. On ne peut donc pas dire ici que chacun a son goût partculier. Cela reviendrait à dire qu’il n’y a point de goût, c’est-à-dire qu’il n’y a point de jugement esthétique qui puisse légitimement réclamer l’assentiment universel.

 

Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, (1790), § 7, in Analytique du beau, trad J. Bami revue par O. Hansen-L0ve, coll. «Profil Textes philosophiques», Hatier,1983, p. 65.

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« culier.

Cela reviendrait à dire qu'il n'y a point de goût, c'est-à-dire qu'il n'y a point de jugement esthétique qui puisse légitimement réclamer l'assentiment universel.

Emmanuel KANT, Critique de la/acuité de juger, (1790), § 7, in Analytique du beau, trad J.

Bami revue par O.

Hansen-1...j!Jve, coll.

«Profil Textes philosophiques», Hatier,1983, p.

65.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEX E Dire qu'un objet est beau, c'est exprimer un jugement esthétique, fondé sur un sentiment de plaisir éprouvé par un individu.

Ce sentiment suffit-il à fonder un véritable juge­ ment, comme lorsqu'on applique une règle à un cas parti­ culier? Ou faut-il renoncer à la possibilité du jugement esthétique en disant : «À chacun son goût» ? Il est trop facile d'en appeler à la diversité arbitraire des goûts pour sortir de la difficulté devant laquelle nous place l'existence du jugement de goût.

Kant distingue l'agréable du beau pour montrer que c'est légitimement que ce juge­ ment prétend à l'assentiment d'autrui, c'est-à-dire à l'uni­ versalité.

Tout d'abord, l'expression du caractère agréable d'une chose qui nous procure un certain plaisir, un certain confort, est absolument indiscutable parce qu'indifférente: le plaisir des sens, le sentiment de notre intérêt ne concernent que nous, et, d'une manière générale, ces considérations sont l'objet d'un échange, mais non de véritables discussions ani­ mées par le désir d'argumenter et de convaincre.

Il ne s'agi~ d'ailleurs que d'un intérêt potentiel, la préférence affichée n'ayant pas de conséquences pratiques qui demanderaient alors l'intervention de la notion de bien.

Dans le premier para­ graphe, Kant ne parle d'ailleurs que de sons et de couleurs.

Il ne s'agit pas là de musique ou de peinture, mais seule­ ment d'impressions sensorielles.

En revanche, juger beau un objet, c'est forcément estimer que cette affirmation peut être universelle, c'est-à-dire qu'elle peut valoir pour tout autre, comme si l'on portait ce jugement en vertu d'une règle appli­ quée aux objets qui tombent sous nos sens.

Bien que la jus­ tification du jugement de goût, qui permet d'escompter l'assentiment d'autrui, n'en soit que le sentiment subjec­ tif, on ne saurait le tenir pour arbitraire.. »

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