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LE BIEN ET LE MAL NUL N'EST MÉCHANT VOLONTAIREMENT

Publié le 24/03/2015

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Au témoignage du Philosophe, l'opinion de Socrate fut que jamais la science ne pourrait être surpassée par la passion ; aussi Socrate faisait-il de toute vertu une science et de tout péché une ignorance. En quoi il y a du vrai : la volonté étant la faculté du bien au moins apparent elle ne se porte jamais au mal sans que la raison y voit quelque apparence de bien et c'est pour cela que la volonté ne tendrait jamais au mal s'il n'y avait du côté de la raison ignorance ou erreur. D'où ce mot des Pro-verbes (XIV, 22) : « Ils sont dans l'erreur ceux qui font le mal. « Mais c'est aussi un fait d'expérience que beaucoup agissent contrairement à ce qu'ils savent bien. Ce fait est même confirmé par autorité divine dans le passage de saint Luc (XII, 47) sur « le serviteur qui a connu la volonté de son maître et n'en a rien fait « et dans le passage de saint Jacques sur « celui qui sait faire le bien et qui n'en fait rien « (17). Ce que dit Socrate n'est donc pas absolument vrai et il faut faire à ce sujet plusieurs distinctions comme l'enseigne le Philosophe au livre VII de son Ethique.

En effet, l'homme a besoin pour se bien conduire d'une double science. Il lui faut avoir des principes généraux et savoir en faire les applications particulières. Si l'une ou l'autre chose vient à manquer c'est assez pour empêcher la rectitude de la volonté et celle de l'action... Il y a encore autre chose à remarquer c'est que rien n'empêche une chose d'être vue d'une manière habituelle et pourtant de ne pas être présente à l'esprit d'une manière actuelle... Celui qui est engagé dans la passion en arrive à ne plus avoir présent à l'esprit dans les cas particuliers ce qu'il sait pourtant bien d'une manière générale, la passion étant un empêchement à ce que certaines pensées se fassent jour... Le fait même que la raison puisse dans un cas particulier trouver bien ce qui ne l'est pas vient de quelque passion... De même que l'homme ivre peut parfois proférer des mots profonds dont il est cependant bien incapable mentalement de discerner la signification, de même celui qui est dans la passion encore qu'il profère des lèvres que ce qu'il fait n'est pas à faire ne laisse pas d'avoir en son for intérieur le sentiment que c'est à faire. (Thomas d'Aquin, Somme théologique, 1, 2ae, question 77, art. 2, Traduction R.P. Bernard 0.P., Ed. du Cerf.)

Pour saint Thomas je peux connaître le bien et faire le mal. Mais cela n'est possible que si une passion m'empêche d'actua­liser dans tel cas concret la connaissance que j'ai du bien en général. Ce n'est pas le libre arbitre qui lance ici un défi à la raison ; mais celle-ci, ligotée par la passion ne peut plus se faire entendre. La passion fait surgir une majeure nouvelle : « Tout plaisir est bon à prendre «, d'où la conduite débauchée surgit très logiquement. Le syllogisme de la passion expulse le syllo­gisme éthique. Il est donc remarquable que pour saint Thomas il n'y a pas de méchanceté pure. Nul ne saurait vouloir le mal pour le mal. Le pécheur omnubilé par la passion prend le mal pour le bien — pour un bien. Dans le péché il y a à la fois oubli des biens supérieurs et visée de quelque bien inférieur auquel la passion prête un charme trompeur. Le seul acte positif du pécheur est d'ailleurs la visée de ce bien inférieur. L'abandon des biens supérieurs n'est qu'une conséquence de cette visée du bien inférieur — conséquence accidentelle et qui est elle-même en dehors de l'intention « praeter intentionem «.

 

Il faudra attendre Kant — son Essai sur les grandeurs négatives, ses ouvrages de morale et son Essai sur le mal radical — pour que la notion de péché, au sens fort, trouve son statut philoso­phique. L'idée d'une liberté qui se tourne délibérément et en toute connaissance de cause vers le mal est une idée moderne. Elle implique une irrationalité foncière de notre conduite, une nouvelle anthropologie tragique et anti-intellectualiste. Elle était foncièrement étrangère au rationalisme optimiste de saint Thomas.

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• • • • • • • • • manière actuelle ...

Celui qui est engagé dans la passion en arrive à ne plus avoir présent à l'esprit dans les cas particuliers ce qu'il sait pourtant bien d'une manière générale, la passion étant un empêchement à ce que certaines pensées se fassent jour ...

Le fait même que la raison puisse dans un cas particulier trouver bien ce qui ne l'est pas vient de quelque passion ...

De même que l'homme ivre peut parfois proférer des mots profonds dont il est cependant bien incapable mentalement de discerner la significatiçm, de même celui qui est dans la passion encore qu'il profère des lèvres que ce qu'il fait n'est pas à faire ne laisse pas d'avoir en son for intérieur le sentiment que c'est à faire.

(Thomas d'Aquin, Somme thefologique, I, 2ae, question 77, art.

2, Traduction R.P.

Bernard O.P., Ed.

du Cerf.) COMMENTAIRE al Avertissement Nous présentons ici un texte assez difficile de saint Thomas.

Il se réfère en effet à des doctrines très précises d'Aristote qu'il évoque de façon parfois allusive.

Il nous paraît cependant très important à la fois au point d~ vue philosophique (il expose une interprétation rationaliste de la notion de culpabilité) et au point de vue historique (il montre à quel point la morale « chré­ tienne» de saint Thomas reste tributaire du naturalisme de la philosophie antique).

Vous retrouverez d'ailleurs les idées thomistes de la faute, vulgarisées en style moderne dans le cha­ pitre intitulé la responsabilité, le bien, le mal du tome 1 l'action de notre Court traité de philosophie destiné aux sections A et B de la classe terminale.

Ceux d'entre vous qui seraient particu­ lièrement intéressés par ce problème se reporteront à l'ouvrage de l'un des auteurs de cet A.B.C., André Vergez, Faute et liberté (Ed.

Belles-Lettres, Paris 1969) .

b) Explication détaillée du texte Pour une fois nous invitons le lecteur à examiner de près le plan du texte, car ici il y a un plan expressément voulu par saint Thomas.

Et c'est un plan dialectique ; d'abord l'expo­ sition du point de vue socratique sur le mal, ensuite (sed contra dit le texte latin) les objections à cette thèse.

Enfin la solution thomiste du problème.

Au fond -et plus de cinq siècles avant Hegel -c'est une argumentation par thèse, antithèse, synthèse.

Les articles de la Somme théologique procèdent toujours ainsi 93. »

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