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Le génie d'E. KANT

Publié le 05/01/2020

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kant
Le terme de génie désigne le privilège de celui à qui l'on reconnaît le pouvoir de produire la beauté. Kant montre ici que le génie n'obéit pas à une inspiration aveugle, mais est le créateur des contraintes qu'il s'impose.
 
Le génie est le talent (don naturel) qui donne des règles à l’art. Puisque le talent, comme faculté productive innée de l’artiste, appartient lui-même à la nature, on pourrait s’exprimer ainsi : le génie est la disposition innée de l’esprit (ingenium) par laquelle la nature donne des règles à l’art.
 
Quoi qu’il en soit de cette définition, qu’elle soit simplement arbitraire, ou qu’elle soit ou non conforme au concept que l’on a coutume de lier au mot de génie (ce que l’on expliquera dans le paragraphe suivant), on peut toutefois déjà prouver que, suivant la signification en laquelle ce mot est pris ici, les beaux-arts doivent nécessairement être considérés comme des arts du génie.
 
Tout art, en effet, suppose des règles sur le fondement desquelles un produit est tout d’abord représenté comme possible, si on doit l’appeler un produit artistique. Le concept des beaux-arts ne permet pas que le jugement sur la beauté de son produit soit dérivé d’une règle quelconque, qui possède comme principe de détermination un concept, et, par conséquent, il ne permet pas que l’on pose au fondement un concept de la manière dont le produit est possible. Aussi bien les beaux-arts ne peuvent pas en eux-mêmes concevoir la règle d’après laquelle ils doivent réaliser leur produit. Or, puisque, sans une règle qui le précède, aucun produit ne put jamais être dit un produit de l’art, il faut que la nature donne la règle à l’art dans le sujet (et cela, par la concorde des facultés de celui-ci) ; en d’autres termes, les beaux-arts ne sont possibles que comme produits du génie.
 
On voit par là : 1) que le génie est un talent, qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée ; il ne s’agit pas d’une aptitude à ce qui peut être appris d’après une règle quelconque ; il s’ensuit que l’originalité doit être sa première propriété ; 2) que, l’absurde aussi pouvant être original, ses produits doivent en même temps être des modèles, c’est-à-dire exemplaires, et, par conséquent, que sans avoir été eux-mêmes engendrés par l’imitation, ils doivent toutefois servir aux autres de mesure ou de règle du jugement ; 3) qu’il ne peut décrire lui-même ou exposer scientifiquement comment il réalise son produit, et qu’au contraire c’est en tant que nature qu’il donne la règle ; c’est pourquoi le créateur d’un produit qu’il doit à son génie ne sait pas lui-même comment se trouvent en lui les idées qui s’y rapportent, et il n’est pas en son pouvoir ni de concevoir à volonté ou suivant un plan de telles idées, ni de les communiquer aux autres dans des préceptes qui les mettraient à même de réaliser des produits semblables.
 
Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger (1790), § 46, trad. A. Philonenko, Vrin, 1974, p. 138-139.

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« un concept, et, par conséquent, il ne permet pas que l'on pose au fon­ dement un concept de la manière dont le produit est possible.

Aussi bien les beaux-arts ne peuvent pas en eux-mêmes concevoir la règle d'après laquelle ils doivent réaliser leur produit.

Or, puisque, sans une règle qui le précède, aucun produit ne put jamais être dit un produit de l'art, il faut que la nature donne la règle à l'art dans le sujet (et cela, par la concorde des facultés de celui-ci); en d'autres termes, les beaux-arts ne sont possibles que comme produits du génie.

On voit par là : 1) que le génie est un talent, qui consiste à pro­ duire ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée; il ne s'agit pas d'une aptitude à ce qui peut être appris d'après une règle quelconque; il s'ensuit que l'originalité doit être sa première pro­ priété; 2) que, l'absurde aussi pouvant être original, ses produits doivent en même temps être des modèles, c'est-à-dire exemplaires, et, par conséquent, que sans avoir été eux-mêmes engendrés par l'imitation, ils doivent toutefois servir aux autres de mesure ou de règle du jugement; 3) qu'il ne peut décrire lui-même ou exposer scientifiquement comment il réalise son produit, et qu'au contraire c'est en tant que nature qu'il donne la règle; c'est pourquoi le créa­ teur d'un produit qu'il doit à son génie ne sait pas lui-même com­ ment se trouvent en lui les idées qui s'y rapportent, et il n'est pas en son pouvoir ni de concevoir à volonté ou suivant un plan de telles idées, ni de les communiquer aux autres dans des préceptes qui les mettraient à même de réaliser des produits semblables.

Emmanuel KANT, Critique de la faculté de juger (1790), § 46, trad.

A.

Philonenko, Vrin, 1974, p.

138-139.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Paradoxalement, pour rendre compte du génie artistique, Kant en attribue l'origine à la nature.

En effet, bien qu'étant une production et relevant de l'art dans le sens général défini précédemment (texte 5), la création artistique ne partage pas certaines caractéristiques du métier, dont elle doit donc être soigneusement distinguée; la nature seule peut alors expli­ quer le pouvoir du génie.

Il ne faudrait pas ici entrer dans une discussion anachronique concernant l'inné et l'acquis; la psy­ chologie différentielle cherche à préciser les raisons pour les-. »

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