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Le poète a-t-il quelque chose à dire ?

Publié le 27/02/2008

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Il va au-delà du communicable, du concevable et du dicible. Il transgresse toutes les limites du langage. Il fait signe vers un ailleurs qui ne demande pas à être compris mais à être ressenti : « Je veux qu'on se taise, quand on cesse de ressentir ». Le dire du poète n'est pas le reflet de ce qu'il pense mais l'expression de ce qui se vit en lui. Il s'écarte des sentiers battus du sens et du non-sens. Car le poète n'a rien à nous dire mais seulement nous rendre infiniment sensible à la « haute fiction »... A ses yeux, le plus insignifiant acquiert une valeur lorsque tout s'emploie à dépayser le sens et la sensation. « Je veux être poète et je travaille à me rendrevoyant : il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute.

« (Lettre à G.

Izambard, 13 mai 1871). 4.

QUATRIÈME MOMENT : CONTENU FONDAMENTAL DE L'ÉNONCÉ Pour les grecs anciens, le poète avait la charge de dire le vrai.

Le poète est celui qui voit ce que les autres nevoient pas.

Par opposition au devin qui rend présent le futur, le poète rend présent le passé.

La parole poétique estune parole qui remonte jusqu'à l'origine.

Elle est opposée à l'oubli.

C'est en ce sens qu'elle est vraie.

(A-lethea : lecontraire de l'oubli).C'est donc au poète qu'appartient le sens de la vérité.

C'est lui qui la réfléchit sur le miroir de ses vers pourpermettre au commun des mortels d'y accéder.

Ce sens a été repris aujourd'hui par Heidegger, pensé et repensédans le cadre de sa philosophie sur «l'être» et le «langage».« La parole du poète n'est pas une exaltation mélodique du parler courant.

Renversons la proposition.

C'est bienplutôt celui-ci qui n'est plus qu'un poème oublié, fatigué par l'usage, et d'où à peine encore se laisse entendre unappel ».

Autant dire qu'il faut penser le dire ordinaire à partir du dire poétique et non le contraire.

Le premier motrevient au poète.

Le poète dit des choses et son dire est fondamental.

Fondamental en ce sens qu'il laisse-être ceschoses pour le regard des mortels.

Le poète ne parle pas comme tout le monde.

Son dire n'est pas comparable à undire quelconque.

Car son dire consiste à faire dire aux choses ce qu'elles sont.

Il donne la parole aux choses.

Il fautparler les choses.

Le poète ne dit rien mais transmet le dire de toutes choses.

En ce sens, sa parole est plusparlante et sa pensée plus pensante.

Il ne dit rien mais communique le dire essentiel.

A chaque fois que s'élève lechant du poète, il y a un dire nouveau, et une nouvelle relation avec le dire.

Dans le dire poétique, les choses nousregardent, nous parlent et nous disent quelque chose.

Un monde se lève.

«A nous autres d'apprendre à écouter ledire de ces poètes ».

Le poète semble ne rien dire.

Et pourtant il dit tout.

Il dit ce qui sort des ténèbres de l'oubli, ildit la lumière par opposition à l'obscurité ; il dit le jour par opposition à la nuit, il dit la proximité de ce qui est lointainet la présence de ce qui est tenu éloigné.

«A nous autres d'apprendre à écouter le dire de ces poètes ».

Le direpoétique n'est pas un quelconque vagabondage de l'âme, inventant ça et là ce qui lui plaît.

Ce n'est pas un laisser-aller de la représentation et de l'imagination qui « échouent » dans l'irréel.

Le dire poétique n'est pas du délire.

(Il nesort pas du sillon).Le poète ne dit pas ce qu'on a sous les yeux mais plutôt l'essence des choses.

Par essence, il faut entendrel'élément dominant qui constitue la chose.

Le poète donne la parole aux choses en révélant leur essence.

Mais ildonne aussi la parole pour nommer l'être et le fond des choses.« Le poète nomme les dieux et nomme toutes les choses en ce qu'elles sont.

Cette nomination ne consiste pas àpourvoir simplement d'un nom une chose qui auparavant aurait été déjà bien connu ; mais le poète disant la paroleessentielle, c'est alors seulement que l'étant se trouve par cette nomination nommé à ce qu'il est et est ainsi connucomme étant.

La poésie est fondation de l'être par la parole ».

Heidegger (in « Chemins qui ne mènent nulle part ».Gallimard).

Le dire poétique n'est pas un dire quelconque.

S'il était quelconque on l'aurait compris.

Or, on ne lecomprend pas.

Précisément parce qu'il met-tout-à-découvert, tout ce que nous débattons et traitons ensuite dansle langage de tous les jours.Tout est dans le poème.

Le poème dit tout dans mesure où il est à l'écoute de tout.

Même ce qui demeure endehors du poème « les poètes le fondent » (Hôlderlin).

Le dire poétique est une vue supérieure.

Le poète nedétourne pas les mots de leur sens ordinaire comme on se plaît à le croire, mais les retourne vers leur sens primitif.C'est dans ce sens qu'il fait parler la parole.

Il ne charge pas non plus ses mots d'un sens arbitraire comme on seplaît à l'entendre, mais il les décharge de leur sens vulgaire et commun.

Le dire poétique n'est pas le dire del'habitude.

Mais le dire qui ne se laisse pas dire ni réduire.

C'est le dire qui s'impose.

Le dire pertinent, qui va au boutde ce qu'il dit.

En un mot, le dire de ce qui ne se dit pas : l'indicible.« Poématiser, c'est l'originelle nomination des Dieux.

Mais la parole poétique ne possède sa force nominative que sice sont les dieux eux-mêmes qui nous poussent à parler».

Heidegger (in Approche de Hölderlin - Gallimard).

Le direpoétique, consiste pour le poète à surprendre les signes des dieux, pour ensuite faire signe aux hommes.

Le poètedonne ce qu'il reçoit.

Il se tient dans l'entre-deux entre les dieux et les hommes.

Son dire est médiateur.

Sa paroleest conciliatrice.

Ce qu'il dit a un sens : un sens sacré.

«Non seulement le sacré, en tant que trace de la divinité seperd, mais encore les traces de cette trace perdue sont presque effacées».

Heidegger (acheminement vers la parole- Gallimard).

Au bois, IL Y A un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir IL Y A une horloge qui ne sonnepas IL Y A une fondrière avec un nid de bêtes blanches IL Y A une cathédrale qui descend et un lac qui monte IL YA une petite voiture abandonnée dans le taillis ou qui descend le sentier en courant enrubannéeIL Y A une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du boisIL Y A enfin, quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui vous chasseRIMBAUD.Comment comprendre cette expression « IL Y A »?Il y a certes la voix murmurante et grave de « ce qui est » à travers les jours, les semaines et les amours.Il y a le sentiment fatal et tragique de chacun devant l'écoulement des choses etl'écoulement des êtres.

* >*Il y a ce cortège hésitant des comédiens, de passants errants qui nous ressemblent.Il y a une horloge qui « ne sonne pas » et qui nous sert de rien et qui ne sert à rien.

Il y a enfin, nous dit le poète,cet insensé qui nous chasse.

Le français nomme l'être en disant : IL Y A.

Il y a par exemple une fleur dans un vase.Mais l'expression IL Y A n'est en elle-même ni la fleur ni le vase, ni rien de tel.

Le langage vulgaire s'intéresse à cequ'il y a sans jamais se demander ce qu'IL Y A veut dire.L'expression « IL Y A » nomme l'approche de l'être.

Le poète chante l'approche de l'être.

« Quelque chose quiressemble à ce que l'on entend quand on approche un coquillage vide de l'oreille, comme si le vide était plein,comme si le silence était un bruit.

Quelque chose qu'on peut ressentir aussi quand on pense que même s'il n'y avaitrien, le fait qu'il y a n'est pas niable.

Non qu'il y ait ceci ou cela ; mais la scène même de l'être est ouverte ; il y a.. »

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