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LE PROBLÈME DE L'IDENTITÉ PERSONNELLE

Publié le 17/03/2011

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1° La conscience du moi. On peut partir d'une observation psychologique, celle de Royer-Collard : « Les objets de la conscience sont les seuls objets de la mémoire; à proprement parler, nous ne nous souvenons jamais que des opérations et des états divers de notre esprit, parce que nous ne nous souvenons de rien qui n'ait été l'intuition immédiate de la conscience... Cette assertion paraît contredire le sens commun, selon lequel on n'hésite point à dire : je me souviens de telle personne; mais la contradiction n'est qu'apparente. Je me souviens de telle personne veut dire : je me souviens d'avoir vu telle personne. La vision de la personne est donc l'objet commun de la conscience et de la mémoire; pour celle-ci, la vision est l'objet immédiat, la personne l'objet médiat. «

De là vient la formule : on ne se souvient jamais que de soi-même, qui fait de la mémoire une conscience prolongée.

« et volontaire.

Seul le déclenchement, dans la mémoire involontaire, est automatique.

Mais, si on ne reconstitue pasle passé autour de ce souvenir surgi involontairement par un effort intellectuel et volontaire, ce souvenir involontairerestera une simple réminiscence, négation de la vraie mémoire.

Donc toute mémoire est intellectuelle et volontaire. Il y a mémoire lorsqu'une image est identifiée comme telle, distincte de la perception et de l'imagination novatrice,comme une image-souvenir se rapportant à ma propre personne : on ne se souvient que de soi-même (Royer-Collard). La répétition d'une date comme « Marignan 1515 » peut être soit la répétition de l'acte d'esprit que j'ai fait lapremière fois qu'on m'a dit cette date, soit le déclenchement d'un dispositif moteur que j'ai emmagasiné.

Larépétition peut être aussi bien l'effet de la mémoire-habitude que de la mémoire-intelligence. La perception n'existe que par l'encadrement de la pensée : cet acte de pensée se répète dans la mémoire.

Laconservation du souvenir est donc liée en fait à la fixation, c'est-à-dire à l'acte de penser ce que je fais : l'absencede pensée de mes actes entraîne l'absence de mémoire; de même l'aliénation de la pensée entraîne aussi l'absencede mémoire.

L'amnésie antérétrograde entraîne l'impossibilité de se souvenir à partir d'un certain moment, à partird'une date précise; il n'y a pas de fixation de souvenir postérieure à cette date.

L'amnésie antérétrograde diffère del'amnésie rétrograde qui est l'impossibilité de retrouver ce qui est antérieur à une date.

La conservation elle-même ne s'explique que par cette pensée du temps qui maintient dans le présent, par le jeudes relations qui les constituent, le système des états passés, et ignore « le temps perdu ».

Gabriel Marcel explique: « Le souvenir survit-il en tant qu'il n'est pas revécu? On dit : oui, à l'état de possibilité.

En somme, on serait tentéde penser que je ne peux retrouver, disons un état, que si cet état a duré autant que moi et avec moi, que ce soitou non en moi.

Mais à la réflexion, cela peut paraître absurde.

« Alors » reste « alors » et ne devient pasmaintenant.

Certainement, c'est moi qui rejoins mon passé, et non pas mon passé qui m'a suivi et a en quelquesorte fait route avec moi.

Le souvenir ne vieillit pas, il n'a qu'un âge qui est le sien proprement.

Dès lors, l'expériencequ'un fait contingent (la bouchée de madeleine de Proust) vient délivrer en nous est en principe identiquement cellequi a été primitivement vécue par nous, sans qu'on puisse dire en aucune manière qu'elle s'est conservée, puisquese conserver est encore une manière de vieillir, de changer.

» 3° L'évocation ou rappel. La mémoire, normalement, vaut par son usage.

Il importe moins d'avoir des souvenirs abondants que de savoir tirerparti de ses acquisitions, si réduites soient-elles.

« La supériorité de la mémoire nous apparaît dans une évocationsûre des souvenirs à chaque moment et de fait un souvenir conservé est inutilisable, il est pratiquement inexistant,s'il n'apparaît point quand il est nécessaire.

» (Piéron.) Ce qu'on admire chez les gens qui ont de la mémoire, c'est en effet l'évocation sûre du souvenir utile.

L'évocationrêveuse s'oppose à l'évocation utile car elle est libre, spontanée, automatique, globale, parfois importune et peutdevenir obsédante. Au contraire, l'évocation utile est réfléchie, volontaire : elle opère entre les souvenirs une sélection orientée pour nelaisser paraître que le souvenir approprié à la circonstance.

Est-ce un phénomène de l'habitude? Oui et non : c'estaussi un phénomène d'intelligence.

W.

James a montré que l'aptitude à la mémoire des faits est moins liée à unmécanisme nerveux du type de l'habitude motrice qu'à une habitude intellectuelle de classification qui permet demaîtriser la multitude des faits : « L'étonnante mémoire pour les faits d'un Darwin ou d'un Spencer n'est pas incompatible avec un degré moyen demémoire physiologique.

Qu'un homme se donne la tâche de vérifier une théorie comme celle de l'évolution et les faitsviendront se grouper et s'enchaîner dans son esprit comme les raisins à une grappe : leur relation à la théorie lesretiendra facilement...

» et en facilitera le rappel.

Le prodige de la mémoire qui n'est pas purement visuelle n'estpossible que grâce à l'encadrement intellectuel : « Une science forme donc la plus efficace de combinaisons d'épargne de travail.

Elle décharge la mémoire d'unnombre immense de détails en remplaçant des associations purement contiguës par des associations logiquesd'identité, de similarité, d'analogie.

Si vous connaissez une loi, vous pourrez débarrasser votre mémoire d'une massed'exemples particuliers, car la loi les reproduira pour vous quand vous en aurez besoin.

Un système philosophiquedans lequel les choses trouvent leur explication et sont reliées les unes aux autres comme les causes à leurs effetsserait le système mnémonique parfait, où la plus grande économie d'efforts produirait la plus grande richesse derésultats.

Si donc nous avons une pauvre mémoire, tirons-nous-en par la systématisation philosophique.

» (W.James.) Le travail de reconstruction intellectuelle ne se rencontre pas seulement dans l'évocation des souvenirsintellectuels, mais aussi dans l'évocation du « souvenir involontaire » chez Proust, souvenir qui n'est involontairequ'en son départ affectif, et qui requiert, pour se parachever, tout un travail d'interprétation intelligente.. »

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