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Le souci de soi recommande t-il seulement d'être heureux ?

Publié le 06/11/2005

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Ils ne viendront pas assez tôt, leur vrai être ne nous dure pas assez ; il faut que notre esprit les étende et allonge et qu'avant la main il les incorpore en soi et s'en entretienne, comme s'ils ne pesaient pas raisonnablement à nos sens. « Ils pèseront assez quand ils y seront, dit un des maîtres, non de quelque tendre secte, mais de la plus dure [école épicurienne]. Cependant, favorise-toi ; crois ce que tu aimes le mieux. Que te sert-il d'aller recueillant et prévenant ta mâle fortune, et de perdre le présent par la crainte du futur, et être à cette heure misérable parce que tu le dois être avec le temps ? [...] Il est certain qu'à la plupart, la préparation de la mort a donné plus de tourment que n'a fait la souffrance. Il fut jadis véritablement dit, et par un bien judicieux auteur : minus afficit sensus fatigatio quam cogitation * Le sentiment de la mort présente nous anime parfois de soi-même d'une prompte résolution de ne plus éviter chose du tout inévitable. Plusieurs gladiateurs se sont vus, au temps passé, après avoir couardement combattu, avaler courageusement la mort, offrant leur gosier au fer de l'ennemi et le conviant. La vue de la mort à venir a besoin d'une fermeté lente, et difficile par conséquent à fournir. Si vous ne savez pas mourir, ne vous chaille [ndé : ne vous en souciez pas], nature vous en informera sur-le-champ, pleinement et suffisamment ; elle fera exactement cette besogne pour vous ; n'en empêchez votre soin [ne vous en embarrassez pas].

L'expression « souci de soi « renvoie à la tradition philosophique antique. Elle correspond à l'idée d'une recherche, par l'individu, de la sagesse, par différentes techniques et différents exercices qui vont lui permettre de prendre soin de son âme.

C'est la référence à cette tradition du souci de soi comme ensemble de conseils pour la conduite de la vie –  tradition qui a notamment été étudiée à l'époque contemporaine par Michel Foucault – qui permet d'expliquer l'étrangeté apparente de la formulation du sujet : qu'un souci puisse « recommander «. En fait, la question concerne toute méthode possible du souci de soi, c'est-à-dire toutes les philosophies qui entendent proposer à l'individu, en pratique, une sagesse.

L'interrogation porte sur l'objet et le but de ces recommandations visant à cette sagesse : est-ce le fait d'être heureux, est-ce le bonheur ? Le bonheur a été l'objet de définitions très diverses en philosophie, mais toutes s'accordent pour y voir une satisfaction profonde et durable, qui doit être à l'abri des accidents, des fluctuations de la vie.

Si l'on rend la formulation du sujet un peu plus conventionnelle, il s'agit ici de définir ce que toutes les pratiques visant à la sagesse conseillent de chercher à atteindre ; et, notamment, de décider si elles considèrent que cette chose à atteindre est uniquement le bonheur, ou s'il y a autre chose que le bonheur dans cette chose, puisque c'est le sens à donner à la présence ici du mot « seulement «.

Pourquoi avoir un « souci de soi «, pourquoi s'appliquer soi-même à mener une vie meilleure, plus sage ? Il est vrai que la réponse qui vient à l'esprit le plus facilement est : pour être heureux. Mais qu'appelle-t-on « être heureux « ? Est-ce être, par exemple, riche, et pouvoir avoir tout ce que l'on désire en termes de biens matériels (une belle maison, une belle voiture...) ? Cela mérite-t-il d'être appelé bonheur, sachant que toute cette satisfaction peut être troublée à tout moment par la mort, la maladie, ou même simplement la ruine matérielle ?

Il faut savoir donc de quel bonheur on parle. Or les traditions philosophiques, notamment antiques, c'est-à-dire les tradition du « souci de soi «, conçoivent un bonheur qui est celui du sage, un bonheur fait d'indifférence aux accidents du monde et d'accord avec la nature, même si les modalités de ce bonheur peuvent être différentes (le bonheur des stoïciens n'est pas exactement celui des épicuriens). Y entrent des composantes que les non sages pourraient considérer comme étrangères au bonheur – par exemple, l'indifférence aux malheurs de la vie comme aux plaisirs vains (plaisirs physiques, honneurs...), la préparation à l'expérience de la mort, l'ascèse, etc. Pourtant, ces écoles philosophiques du souci de soi considèrent que le vrai bonheur est au prix de l'intériorisation et de la mise en pratique de ces composantes.

Il faudra évaluer à quel point ces composantes relèvent du bonheur, afin de définir ce que recommande effectivement le souci de soi : uniquement le bonheur, ou le bonheur avec des ajouts qui n'ont rien de commun avec le bonheur, ou un bonheur différent du bonheur commun, ou quelque chose qui n'a rien à voir avec le bonheur ?

 

« sentiment de la mort présente nous anime parfois de soi-même d'une prompte résolution de ne plus éviter chose dutout inévitable.

Plusieurs gladiateurs se sont vus, au temps passé, après avoir couardement combattu, avalercourageusement la mort, offrant leur gosier au fer de l'ennemi et le conviant.

La vue de la mort à venir a besoind'une fermeté lente, et difficile par conséquent à fournir.

Si vous ne savez pas mourir, ne vous chaille [ndé : nevous en souciez pas], nature vous en informera sur-le-champ, pleinement et suffisamment ; elle fera exactementcette besogne pour vous ; n'en empêchez votre soin [ne vous en embarrassez pas].

[...] Nous troublons la vie parle soin de la mort, et la mort par le soin de la vie.

L'une nous ennuie, l'autre nous effraie.

Ce n'est pas contre la mortque nous nous préparons ; c'est chose trop momentanée.

Un quart d'heure de passion sans conséquence, sansnuisance, ne mérite pas de préceptes particuliers.

A vrai dire, nous nous préparons contre les préparations de lamort.

* La souffrance affecte moins les sens que l'imagination (Quintilien). Aristote Nous concevons d'abord le sage comme possédant la connaissance de toutes les choses, dans la mesure où celaest possible, c'est-à-dire sans avoir la science de chacune d'elles en particulier.

Ensuite, celui qui est capable deconnaître les choses difficiles et malaisément accessibles à la connaissance humaine, on admet que celui-là est unsage (car la connaissance sensible étant commune à tous les hommes, est facile, et n'a rien à voir avec laSagesse).

En outre, celui qui connaît les causes avec plus d'exactitude, et celui qui est plus capable de lesenseigner sont, dans toute espèce de science, plus sages.

De plus, parmi les sciences, celle que l'on choisit pourelle-même et à seule fin de savoir, est considérée comme étant plus vraiment Sagesse que celle qui est choisie envue de ses résultats.

Enfin une science dominatrice est, à nos yeux, plus une sagesse que la science qui lui estsubordonnée : ce n'est pas, en effet, au sage à recevoir des lois, c'est à lui d'en donner ; ce n'est pas lui qui doitobéir à autrui, c'est à lui, au contraire, que doit obéir celui qui est moins sage. SECONDE CORRECTION Le souci de soi est-il rivé à la seule visée de l'extase pour soi ? Se soucier de soi est-ce seulement vouloir laplénitude ? Un tel lien n'est il pas trop exclusif ? Le souci de soi ne recommande t-il pas tout autant de sortir de soi,de s'ouvrir au monde et à autrui ? Le souci de soi devrait donc concilier à la fois la plénitude (être heureux) et aussile manque, en effet par l'épreuve du manque (du réel en tant qu'il me résiste), je fais l'épreuve de l'existence, c'est-à-dire de la vie telle me sépare de moi-même.

Le souci de soi ne saurait me recommander la seule extase, sauf àsacrifier le réel au profit du seul désir. I- Le souci de soi est d'abord en deçà du désir. L'étymologie latine de « souci » nous fournit une indication précieuse, « cura, ae » signifie à la fois le souciet le soin.

Se soucier de soi est donc inséparable de l'idée de prendre soin de soi.

D'ailleurs l'expression « se faire dusouci » montre bien que le souci surgit lorsque ce dont on se souci est dépourvu de soin.

Le souci serait donc à saracine en deçà du désir que le projet d'être heureux implique.

Le souci est d'abord une préoccupation avant d'êtreune visée. Le souci de soi recommande d'abord de prendre soin de soi ; dans l'œuvre de Nietzsche la santé est l'unedes plus grandes valeurs, en tant qu'elle nous ouvre à une existence authentique c'est-à-dire grosse de possibilités.Le recouvrement de la bonne santé est semblable à une renaissance, le sujet recouvre en même temps sespotentialités.

La vision nietzschéenne s'oppose aux philosophies qui méprisent le corps, n'y voyant que le signe de lafinitude humaine.. »

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