Le temps travaille t-il pour nous ?
Publié le 07/11/2005
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TEMPS (lat. tempus, division du temps, période)
Trois sens principaux : 1. le sens le plus ancien mais aussi le plus courant selon lequel le temps se définit comme période qui va d'un événement antérieur à un événement postérieur. Tel est le chronos des Grecs, le temps qui se définit comme une époque, ainsi qu'en attestent les expressions les plus usuelles (tel « le temps des vendanges »), mais aussi le temps t des mathématiciens considéré soit comme la limite inférieure d'une période de plus en plus courte, soit comme l'instant qui la commence ou la clôt; 2. le temps comme changement, mouvement continu par lequel le présent devient passé. Devenir, ce temps fluent est le temps réel que nous vivons par opposition au temps spatialisé de l'horloge et du calendrier, ou solidifié du comptage numérique. Ce temps vécu, Bergson l'appelle la durée ; 3. le temps conçu comme milieu indéfini, analogue à l'espace, où se dérouleraient les événements, soit qu'il existe par lui-même comme le pense Newton, soit qu'il n'existe que dans la pensée ainsi que l'affirment Leibniz et Kant qui le définit comme une forme a priori de la sensibilité.
TRAVAIL (lat. tripolium, instrument de torture )
Aristote considérait le travail comme une activité par nature asservissante, n'étant pas une fin en elle-même mais le moyen de la subsistance. Activité vile qui déforme l'âme et le corps, elle est réservée aux esclaves qui s'abîment dans ce qu'ils font. Le travail, en effet, implique une spécialisation déshumanisante, car l'homme n'est pas fait pour un métier comme un marteau est fait pour planter un clou. Si la main est le symbole de l'homme, c'est précisément qu'elle n'est pas un outil, mais un organe polyvalent. Ainsi, les activités nobles développent en l'homme simultanément toutes ses facultés, tandis que l'activité laborieuse détruit cette harmonie en instrumentalisant l'une d'elles. Nous dirions aujourd'hui que, asservi aux impératifs de l'efficacité, celui qui travaille perd sa vie à la gagner : Aristote le définit simplement comme un « outil vivant » dont on pourrait bien se passer si les navettes pouvaient se déplacer toutes seules sur les métiers à tisser. Comment le travail, que les Grecs tenaient pour indigne de l'homme, a-t-il pu devenir une valeur ? Si la Bible décrit le travail comme un châtiment divin, il est aussi le moyen d'un rachat pour l'humanité qui, par ses efforts, contribue au perfectionnement du monde. Il est alors moins un mal qu'un moindre mal. Dans l'éthique protestante, il devient même un devoir si bien qu'on a pu lier cette valorisation morale du travail à l'essor du capitalisme. A partir du xix siècle, au moment même où l'Occident achève son industrialisation, le travail s'impose en philosophie comme une notion centrale, en particulier avec Hegel qui en saisit le caractère anthropogène. L'homme n'est homme que par le travail qui le rend maître de la nature, mais aussi de lui-même (en disciplinant son désir par ex.). Cependant, l'écart existant entre l'essence du travail, producteur de l'humanité, et les formes historiques du travail (aliénation et exploitation économique de la force de travail) sera dénoncé par Marx comme une dénaturation induite par le système capitaliste. Quant à la glorification du travail, elle sera analysée par Nietzsche à la fin du siècle, comme l'instrument le plus efficace, conçu par la morale chrétienne, de domestication des instincts vitaux.
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