Le travail est-il une sertivude ?
Publié le 24/04/2025
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«
Dissertation
Le travail est-il une servitude?
Introduction
1) Mise en situation
«Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front !».
Ainsi, dans la Genèse, Dieu annonce t’il à Adam sa nouvelle destinée
hors du paradis.
Le paradis : terre d’abondance où, dans l’innocence, tous les besoins sont comblés avant même de
pouvoir s’exprimer.
Le paradis : image de la parfaite cohérence, de l’adéquation totale du désir et du monde.
Parce qu’il
a goûté à l’arbre de la connaissance qui le sépare à jamais de l’animalité, de cette heureuse adéquation de soi à la nature
– parce que maintenant l’homme se connaît, qu’il n’est plus un avec la nature et sa propre nature - parce que l’homme a
perdu l’innocence de l’animal, Dieu le punit.
Et cette punition, qui scelle la naissance mythique de l’humain, s’exprime
par la condamnation de l’homme au travail : contrairement à l’animal qui jouit immédiatement des fruits de la nature,
toi, homme, «tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ! ».
Ainsi le travail apparaît-il comme une malédiction
inhérente à la nature de l’homme.
Nous, hommes, serions, en vertu de notre essence, condamnés au travail – à la dure
nécessité de produire et de reproduire par nous-mêmes nos conditions d’existence.
Aussi comprenons-nous la sourde
plainte qui du fond des âges monte et espère en une fin des temps, temps de la séparation, temps de l’effort et de la
souffrance, temps de la servitude, temps du travail.
Mais une telle sortie du règne de la nature, n’est-elle que chute et perte? Le travail qui fait la peine de l’homme ne fait-il
pas aussi sa fierté? Ne s’enorgueillit-il pas de cette différence qui le distingue de toutes les créatures de la Terre, de ce
caractère propre qui semble le condamner à une vie conquérante? « Nombreuses sont les merveilles, s’écrie ainsi
Sophocle, mais de toutes, la plus grande merveille, c'est l'homme.
À travers la mer blanchissante, poussé par le vent du
sud, il s'avance et passe sous les vagues gonflées qui mugissent autour de lui.
La divinité supérieure à toutes les autres,
la Terre immortelle et inépuisable, il la fatigue avec les charrues qui, d'année en année vont et reviennent, quand il la
retourne avec des bêtes de race chevaline » (Sophocle, Antigone).
De synonyme de chute et de malédiction, le travail
prend ici les couleurs de la conquête libératrice et créatrice.
2) Problématisation
Or de tels jugements contradictoires concernant le travail se retrouvent en nos opinions communes.
Tantôt – dans le
jugement du cadre, de l’employé, de l’ouvrier ou de l’écolier harassés- il apparaît comme une contrainte s’opposant à
une liberté que nous posons au-delà de lui, dans les loisirs, le jeu, les vacances.
Tantôt – dans le jugement de l’éducateur,
de l’artisan qui aime son travail, de l’artiste qui peine sur ses notes ou sur sa pâte colorée- il apparaît comme un moyen
de « réalisation », l’exercice même d’une liberté dont nous concevons bien qu’en dehors d’une cette confrontation
formatrice à la résistance d’une matière elle ne saurait avoir d’effectivité.
« Le travail est-il, donc, en soi, une servitude »
pour l’homme ou bien peut-il être conçu, et à quelles conditions, comme l’instrument de sa liberté? On conçoit qu’à
répondre à une telle question, les enjeux ne sont pas minces, engageant le choix même de la vie de chacun (Métier ou
non - et quel métier? Quelle part de loisir - et quel loisir? Travail ou non – tout travail n’étant pas un métier – et quel
travail?) ainsi que les options politiques qui guident nos actions collectives (Quelle société - et avec quel travail –
devons-nous vouloir?).
Quelle est donc la nature du travail pour apparaître sous le visage d’une telle dualité?
3) Présentation du plan
Si le travail apparaît contradictoire avec l’idée de liberté (première partie), n’est-ce pas parce que nous nous faisons une
fausse idée de cette dernière? Ne la confondons-nous pas avec la spontanéité de la nature (tout, tout de suite,
immédiatement), oubliant que sans travail il ne saurait y avoir de liberté, le travail étant le mode même du processus de
notre humanisation - c'est-à-dire de notre distanciation vis-à-vis de la nature (seconde partie).
Comment alors
comprendre, à partir de la mise en lumière d’une telle essence du travail, les figures concrètes que ce dernier revêt à
partir desquelles il peut légitimement apparaître sous le visage de la servitude (troisième partie)?
I) Le travail comme servitude
Un état de servitude est un état de soumission forcée à une force extérieure.
Ainsi l’esclave est-il soumis par la force du
maître, étant forcé de travailler pour ce dernier, sous le risque de perdre sa vie.
A quoi s’oppose l’état de celui qui n’est
nullement contraint.
Un tel état définit, en un premier sens, la liberté négativement – ne pas être contraint.
Positivement,
la liberté apparaît, à son tour, selon l’acception commune, comme «faire ce que je veux ».
On conçoit ainsi que toute
contrainte, tout ce qui s’impose à moi sans que je l’ai voulu et choisi soit un obstacle à ma liberté.
Or le travail n’est-il
pas un tel obstacle?
1) La liberté comme spontanéité et le travail comme contrainte
Si être libre c’est, en un premier sens, « faire ce que je veux », la liberté est à comprendre comme l’immédiate
réalisation de mes désirs.
C’est ainsi que la représentation d’un soleil, de cocotiers, de femmes à foison (ou d’hommes,
peu importe) et d’une belle voiture peuvent m’apparaître comme les images mêmes de la liberté – ainsi qu’ils se
présentent dans les téléfilms et les publicités.
Là, comme en mes rêves la nuit, nulle étrangeté, nulle résistance d’une
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quelconque extériorité vis-à-vis de l’ordre de mes désirs ne viendrait s’immiscer.
Nos désirs s’épancheraient de façon
spontanée, se réalisant dans le moment même de leur apparition.
Une telle conception de la liberté – dont on retrouve
l’image dans l’idée de paradis (voir introduction) - est celle d’une spontanéité naturelle de mon être (qui se déploie de
soi-même, immédiatement et sans contrôle) qui dans l’adéquation totale du monde à ses désirs, jouit de sa propre unité.
L’idéal d’une telle liberté c’est «tout, tout de suite, immédiatement» - soit l’absorption de la réalité du monde dans
l’identité de mon désir.
Nous comprenons ainsi que tout délai entre le désir et sa réalisation va être saisi comme un obstacle à cette liberté.
Or
tel est le dur obstacle de la réalité qu’elle pose à distance de moi les objets du désir.
Cette voiture, ce voyage, ces
femmes à foison… je les imagine, certes, je peux les espérer, mais ils ne sont pas là.
Pour acquérir tout cela, il va me
falloir travailler – c'est-à-dire opposer un délai à mon désir et un effort à mon corps contraire à ma volonté immédiate
spontanée (je préférais autre chose, précisément l’objet de mon désir).
Mais pourquoi travailler? Certes, dans le cadre
d’un emploi, pour obtenir l’argent qui va me permettre d’acheter puis consommer les produits achetés.
Mais une telle
consommation suppose la production de tels produits qui, eux, ne poussent pas spontanément dans la nature : la voiture,
le bateau ou l’avion qui vont me permettre de faire le voyage, l’épilation des corps qui va me faire aimer ces beautés,
l’élagage des cocotiers… tout cela il va falloir le produire.
Or telle apparaît la fonction première du travail – en dehors
de toute considération d’emploi (c'est-à-dire de rémunération) – d’être un agent transformateur de la nature en vue de sa
conformation aux désirs humains.
Si le travail peut ainsi apparaître sous la figure de la servitude c’est qu’il n’est pas une fin en soi – je ne travaille pas
pour travailler - mais un moyen nécessaire dont la fin est la consommation c'est-à-dire l’absorption et la réduction de
l’objet à l’ordre de mon désir (cette voiture c’est ma voiture, ces femmes ce sont mes femmes… c'est-à-dire les objets de
ma jouissance).
Le travail est ainsi ce qui me sépare de la jouissance immédiate.
S’il me sépare d’une telle jouissance
c’est encore parce qu’il m’impose fatigue et effort, contraignant mon corps à des actions s’opposant à l’immédiateté de
mon désir (je désirerais faire autre chose, précisément : jouir de mes biens).
A la difficulté et à l’effort demandés par le
travail, m’imposant la médiation de la fatigue et du temps, s’oppose ainsi comme son envers, le jeu, grâce auquel, sans
effort, je peux savourer par l’imagination un monde non résistant – qui n’a pas cette résistance qui caractérise la réalité immédiatement adéquat à l’ordre de mes désirs (jeux vidéos, jeu de rôle…).
Enfin, si le travail m’apparaît contraignant
c’est que je suis, par lui, obligé de rentrer dans des relations sociales que je ne désire pas.
Si, en effet, je ne peux par
moi-même fabriquer le bateau, la voiture, épiler toutes ces femmes, élaguer les cocotiers… il me faudra acquérir de
telles valeurs d’usage par l’échange.
De là la division sociale du travail c'est-à-dire la spécialisation de chacun dans un
métier particulier.
L’échange....
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