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LE TRAVAIL ET LE PROGRÈS TECHNIQUE

Publié le 12/06/2011

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   Le vieux rêve de l'humanité : affranchir l'homme du travail manuel, est en train de se réaliser. Les esclaves d'Athènes et de Rome, ceux de toutes les puissances coloniales modernes seraient-ils oubliés ? Et la navette d'Aristote fonctionnerait-elle toute seule ? Le progrès technique va-t-il faire le bonheur de l'humanité ?  La réalité est, à l'évidence, moins simple et moins euphorique. La mise en place brutale de toute cette technologie nouvelle et les premiers effets produits font naître beaucoup de réflexions. Car si, sur les plans scientifique, technique et industriel, le progrès ne peut être mis en doute, sera-t-il aussi incontestable sur le plan purement humain ? De quel prix faudra-t-il payer le travail industriel ?

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« fonctionnement de la machine sans risque de la freiner ni de la bloquer.Les conséquences immédiates de l'application de cette nouvelle organisation sont, d'abord, de modifierprofondément la nature même du travail sur deux points principaux :— la cadence ;— la parcellisation.Se préoccupant moins de ce que l'homme peut faire pour s'adapter le moins mal possible aux nouvelles conditions detravail, que de définir ce qu'il doit obligatoirement faire pour soutenir les rythmes de production, Taylor et sessuccesseurs vont définir, avec une précision qui va jusqu'au centième de minute, les cadences auxquelles lesdifférents gestes devront être exécutés, en essayant chaque fois de gagner du temps, aux limites même dupossible.Des cadences infernales seront atteintes, transformant l'homme lui-même en une machine articulée sur la machine,dans une nouvelle forme de servitude encore inconnue.

L'enchaînement des gestes que l'artisan accomplissait « àson rythme et à sa main », pour parvenir à l'achèvement de son oeuvre, se transforme en une décompositionabstraite de chacun des gestes qui forment la totalité du travail, et qui devront se dérouler dans un temps donttoutes les parties sont égales et mesurées avec l'implacable régularité des chronomètres et des horloges-pointeuses.

C'est ainsi que le travail cadencé devient le lot ordinaire et généralisé de tous les travailleurs del'industrie pendant toute la deuxième moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle. Le travail à la chaîne Mais cette prise en compte du fractionnement du temps dans l'exécution du travail engendre un découpagetotalement artificiel des actes à accomplir.

Là aussi, à la différence du travail artisanal, pour lequel l'artisan, secomportant comme un véritable auteur, commence et finit ce qu'il entreprend de faire, l'ouvrier de la manufacturen'accomplira qu'un seul des très nombreux gestes qui se succèdent tout au long du cycle de fabrication d'un mêmeobjet.

Dans une usine de confection anglaise, on a, par exemple, dénombré 65 postes de travail différents pour laréalisation du seul gilet d'un complet masculin.C'est ainsi que s'impose partout le « travail à la chaîne », ainsi nommé parce qu'il prend la forme d'une longue chaînedont chaque ouvrier, rivé à son poste de travail (on parle aussi du « travail posté »), ne voit qu'un maillon sur lequelil doit intervenir par un geste rudimentaire et rapide.Cadencé, posté, parcellisé, répétitif, le travail à la chaîne montre bien l'importance du changement qualitatifintervenu dans la nature du travail : alors que, jusqu'ici, nous pouvions considérer que le travail humain étaitl'association indéfectible de la main et du cerveau, qu'il était un tout, fait d'intelligence et d'habileté manuelle, voicimaintenant le travail totalement dissocié.

D'un côté, l'intelligence qui conçoit et organise, qui mesure et ordonne :celle du technicien, de l'ingénieur, du chef d'entreprise ; de l'autre, la main du manoeuvre (on l'appellera plus tardimproprement « OS » : ouvrier spécialisé), à laquelle on ne demande que le geste « bête » et automatique.

Cettemanière de penser, selon laquelle la conception d'un travail peut être dissociée de son exécution, s'atténuera maisdemeurera cependant, jusqu'à nos jours, dans l'organisation et la division du travail, pour continuer de distinguer, enles hiérarchisant, les personnels d'exécution des cadres de conception et de direction.Il est certain, par ailleurs, que le travail à la chaîne et le taylorisme sont efficaces : les productions explosent et lesprofits s'envolent.En revanche, la société craque.

Un écart croissant se creuse entre les détenteurs de capitaux, possesseurs desoutils de travail, et les instruments de la production ; entre une bourgeoisie florissante, qui va devenir la nouvellearistocratie des « chevaliers d'industrie » du XIXe siècle ou des trusts du XX' siècle, et les masses ouvrières,formant un vaste prolétariat, par définition démuni, maintenu sans aucune formation professionnelle et la plupart dutemps socialement marginalisé. Un milieu de travail artificiel Dans ces conditions, le milieu de travail se trouve profondément bouleversé.

Désormais totalement déconnecté dumilieu naturel dans lequel son travail n'avait cessé de s'exercer, l'homme se voit, tout à coup, plongé dans un milieuindustriel, entièrement créé, un milieu artificiel qui est rapidement perçu comme inhumain.En effet, le travailleur n'est plus sollicité d'intervenir, en tant qu'individu original, capable d'initiatives, en un mot :libre.

De plus, les conditions et le cadre du travail ne répondent même pas aux exigences élémentaires de l'hygiène,de la santé et de la sécurité.

La chaleur, l'atmosphère oppressante, le bruit, la promiscuité subits pendant les quinzeheures de la durée moyenne du travail quotidien au XIX' siècle rendent les journées harassantes, exténuantes.

Sil'on y ajoute l'absence de congés, de protection sociale et de retraite, le climat général baigne dans l'insécurité et ledésespoir.Simultanément, des voix vont alors commencer à s'élever pour dénoncer la naissance d'un nouvel esclavage quiconduit à l'« aliénation* du travailleur ».Par ailleurs, la concentration excessive des ouvriers dans les mêmes lieux de travail, loin de contribuer à créer ou àresserrer les relations humaines, à réchauffer l'ambiance, à susciter plus de solidarité, engendre, au contraire, unphénomène de masse renforçant l'anonymat et l'indifférence de travailleurs finalement isolés dans leur côte à côte,sur la chaîne.L'image de l'ouvrier-manoeuvre, sans âme ni espoir, numéro parmi d'autres numéros, rouage parmi les rouages d'unegrande machine qui l'engloutit, s'installe dans toute l'Europe et l'Amérique industrielles (voir Les Temps modernes, lecélèbre film de Chaplin* ou lire le non moins célèbre livre de Aldous Huxley*, Le Meilleur des mondes).. »

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