Le travail et l'œuvre chez ALAIN
Publié le 06/01/2020
Extrait du document

Si, par le travail, l'homme s'inscrit dans l'histoire, la durée des produits et des moyens de travail est pourtant fondamentalement différente de celle des œuvres. Ils disparaissent ou perdent sens en perdant leur fonction. Cette caractéristique tant des produits que des moyens de travail incite à une réflexion sur le sens et la valeur de cette activité.
Je crois utile de distinguer les travaux et les œuvres. La loi du travail semble être en même temps l’usage et l’oubli. Qui pense à la récolte de l’autre année ? La charrue trace les sillons ; le blé les recouvre ; le chaume offre encore un autre visage ; mais cet aspect même est effacé par d’autres travaux et par d’autres cultures. Le chariot, la machine, l’usine sont en usure ; on en jette les débris, sans aucun respect ; on reprend ces débris pour d’autres travaux. Rien n’est plus laid qu’un outil brisé et jeté sur un tas ; rien n’est plus laid qu’une machine, rouillée, une roue brisée au bord de la route. Les choses du travail n’ont de sens que dans le mouvement qui les emporte ou les entoure, ou bien dans leur court repos, quand tout marque que l’homme va revenir. C’est pourquoi les signes de l’abandon, les herbes non foulées, les arbustes se mêlant aux outils et aux constructions industrielles, font tout autre chose que des ruines vénérables. (...)
Par opposition on comprend que l’œuvre est une chose qui reste étrangère à ce mouvement. Cette résistance (...) est sans doute le propre des œuvres d’art, et passe même bien avant l’expression, car un tas de débris exprime beaucoup. Aussi voyons-nous qu’un aqueduc ou un rempart, par la seule masse, sont monuments. Et l’on peut décider qu’il n’y a point de forme belle, si elle ne résiste.
Alain, Les Idées et les Âges (1927), 4, chapitre II, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1960, tome III, p. 105.

«
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
Travail et œuvre s'opposent du point de vue de la durée,
qu'il s'agisse du produit du travail ou de l'outil, moyen de
travail.
Pour le produit du travail, c'est clair: une fois consommé
i.1 disparaît et est oublié.
La nécessité vitale, qui oblige au tra
vail, se renouvelle sans cesse et contraint à un perpétuel
recommencement.
Le produit du travail n'est jamais laissé
tel quel mais toujours consommé ou utilisé comme matière
première pour un autre travail.
L'outil, lui, semble durer davantage, pourtant il est fait pour
être utilisé jusqu'à l'usure.
Sa disparition par usure est ins
crite dès l'origine.
Seul son usage importe; dès qu'on ne peut
plus en user, on le jette.
Le sens de l'outil ne repose pas
en lui-même, mais hors de lui, dans son utilité.
D'où l'idée que des vestiges d'objets techniques ou des
hangars désertés peuvent bien signifier (> du travail.
En ce sens, même si le travail est un critère
d'humanité, il ne saurait être le lieu de l'accomplissement
de l'essence de l'humanité..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- TRAVAIL DE L’œUVRE, MACHIAVEL (LE), 1972. Claude Lefort (résumé & analyse)
- BELLE DAME SANS MERCY (La) Alain Chartier - résumé de l'œuvre
- DIEUX (LES), 1934. Alain (Émile Auguste Chartier, dit) - résumé de l'œuvre
- D’après votre lecture de La Princesse de Clèves et des autres textes du parcours associé, les passions sont-elles condamnables ? Vous répondrez à cette question dans un développement structuré. Votre travail s’appuiera sur l’œuvre de Mme de Lafayette, ainsi que sur les textes que vous avez étudiés en classe dans le cadre du parcours associé à cette œuvre.
- Le travail peut-il engendrer une ?uvre d'art ?