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L'écriture appelle la lecture de P. RICœUR

Publié le 10/01/2020

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lecture

Philosophe français contemporain, Paul Ricœur traite ici l'écriture et la lecture comme des modalités particulièrement représentatives des mécanismes de la communication et de l'action humaines en général.

Partons une fois encore de la lecture. Deux manières de lire, disions-nous, s’offrent à nous. Nous pouvons, par la lecture, prolonger et renforcer le suspens qui affecte la référence du texte à l’ambiance d’un monde et à l’audience des sujets parlants, c’est l’attitude explicative. Mais nous pouvons aussi lever ce suspens et achever le texte en parole actuelle. C’est cette seconde attitude qui est la véritable destination de la lecture. Car c’est elle qui révèle la véritable nature du suspens qui frappe le mouvement du texte vers la signification. L’autre lecture ne serait même pas possible, si d’abord il n’apparaissait pas que le texte, en tant qu’écriture, attend et appelle une lecture ; si la lecture est possible, c’est bien parce que le texte n’est pas fermé sur lui-même, mais ouvert sur autre chose ; lire, c’est, en toute hypothèse, enchaîner un discours nouveau au discours du texte. Cet enchaînement d’un discours à un discours dénonce, dans la constitution même du texte, une capacité originelle de reprise qui est son caractère ouvert. L’interprétation est l’aboutissement concret de cet enchaînement et de cette reprise.

(...) L’interprétation « rapproche », « égalise », rend « contemporain et semblable », ce qui est véritablement rendre propre ce qui d’abord était étranger.

Mais, surtout, en caractérisant l’interprétation comme appropriation, on veut souligner le caractère « actuel » de l’interprétation : la lecture est comme l’exécution d’une partition musicale ; elle marque l’effectuation, la venue à l’acte, des possibilités sémantiques du texte. Ce dernier trait est le plus important car il est la condition des deux autres : victoire sur la distance culturelle, fusion de l’interprétation du texte à l’interprétation de soi-même. En effet, ce caractère d’effectuation, propre à l’interprétation, révèle un aspect décisif de la lecture, à savoir qu’elle achève le discours du texte dans une dimension semblable à celle de la parole. Ce qui est ici retenu de la notion de parole, ce n’est pas qu’elle soit proférée ; c’est qu’elle soit un événement, un événement du discours, l’instance de discours, comme dit Benveniste. Les phrases du texte signifient hic et nunc. Alors le texte « actualisé » trouve une ambiance et une audience ; il reprend son mouvement, intercepté et suspendu, de référence vers un monde et des sujets. Ce monde, c’est celui du lecteur ; ce sujet, c’est le lecteur lui-même. Dans l’interprétation, dirons-nous, la lecture devient comme une parole. Je ne dis pas : devient parole. Car la lecture n’équivaut jamais à un échange de paroles, à un dialogue ; mais la lecture s’achève concrètement dans un acte qui est au texte ce que la parole est à la langue, à savoir événement et instance de discours. Le texte avait seulement un sens, c’est-à-dire des relations internes, une structure ; il a maintenant une signification, c’est-à-dire une effectuation dans le discours propre du sujet lisant.

Paul Ricœur, Du Texte à l'action, Seuil, 1986, pp. 151-153.

lecture

« seconde attitude qui est la vé1itable desti nation de la lecture.

Car c'est elle qui révèle la véritable nature du suspens qui frappe Je mouvement du texte vers la signification .

L'autr e lecture ne serait même pas possib le, si d'abo rd il n'apparaissait pas que le texte, en tant qu'écritu re, attend et appelle une lec ture; si la lecture est possible, c'est bien parce que le texte n'est pas fermé sur lui-même, ma is ouv ert sur autre chose; lire, c'est, en toute hypothèse, enchaîne r un discours nouveau au disco urs du texte .

Cet enchaînement d'un discours à un discours dénon ce, dan s la constitut ion mê me du texte, une cap acité origine lle de reprise qui est son caractère ou vert.

L'i nterpréta tion est l'abou­ tissemen t concre t de cet enchaîn ement et de cette reprise.

( ...

) L'in terpré tation «rap proche», «éga lise», rend «con­ tem porai n et sembla ble», ce qui est véritab lement ren dre pro­ pre ce qui d'abor d était étrange r.

Mais, surt out, en caractérisant l'interprétation comme appro ­ priation, on veut souli gner le caractère «actue l» de l'interp ré­ tation: la lecture est comm e l'e xécu tion d'une parti tion musi­ cale; elle marque l'effect uati on, la venue à l'acte , des possibi ­ lités sémantiq ues du tex te.

Ce dernie r trait est le plus impor­ tant car il est la condition des deux autres : vic toire sur la dis­ tance culturelle, fusion de l'interprétation du texte à l'interp ré­ tation de soi -même .

En effe t, ce caractère d'effectuation, pro­ pre à l'interpré tation, révèle un aspect décisif de la lecture, à savo ir qu'elle achève le discours du texte dans une dimension semb lable à celle de la parole.

Ce qui est ici retenu de la notion de paro le, ce n'est pas qu'elle soit prof érée; c'est qu'elle soit un événement, un événe ment du discours, l'instance de dis­ cours, comme dit Benveniste.

Le s phrases du tex te signifient hic et nunc.

Alors Je texte «a ctu alisé» trouve une ambiance et une audi ence ; il reprend son mouv ement, interc ept é et sus­ pendu, de référence vers un monde et des sujet s.

Ce mond e, c'es t celui du lecteur; ce sujet, c'es t Je lecteur lui-même.

Dans l'in terprétation, dirons-nous, la lecture dev ient comme une paro le.

Je ne dis pas: devient parol e.

Car la lec ture n'équiv aut jamais à un échange de paroles, à un dialogue ; mais la lecture s'achève concrète ment dans un acte qui est au tex te ce que la paro le est à la langu e, à savoir événeme nt et instance de dis­ cours .

Le texte ava it seulement un sens, c'est "à-dire des rela-. »

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