Devoir de Philosophie

L'éducation nest t-elle faite que d'interdits ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

L'éducation est l'art de former une personne de manière à développer ses qualités physiques, intellectuelles et morales. Bien que cette formation dure tant que nous sommes en vie (nous ne finissons en effet jamais de nous former), le terme d'éducation s'applique tout particulièrement aux premières années de notre vie, l'enfance et l'adolescence, lorsque c'est un autre - le plus souvent nos parents - qui nous forme. Or, la plupart du temps, nous avons le souvenir d'une éducation qui se fait par la négative, c'est-à-dire par les interdits : l'enfant n'a pas le droit de toucher aux produits ménagers, de rester éveiller au-delà d'une certaine heure, de parler aux inconnus et ainsi de suite. Même lorsque quelque chose nous est imposé, par exemple finir son assiette de légume, cela n'apparait que comme un interdit inversé : il nous est interdit de ne pas finir notre repas. Autrement dit, l'éducation semble passer par un ensemble de contraintes et d'interdits qui ne sont que les envers les uns des autres. Pourtant, le but de l'éducation n'est pas seulement de faire en sorte qu'à l'instant T l'enfant mange des légumes ou se couche de bonne heure, mais bien qu'il le fasse pour tout le reste de sa vie, même lorsque plus personne n'aura l'autorité légitime pour lui imposer ou lui interdire quelque chose. Tout le but de l'éducation, c'est donc d'inculquer des interdits que l'enfant continuera d'exercer même lorsqu'il sera libre. La notion de liberté est donc essentielle, puisqu'elle est la fin de toute éducation : apprendre à l'enfant à user au mieux de sa liberté. Peut-on dans ces conditions considérer que l'éducation n'est faite que d'interdits ?

« A.

Kant, dans son Traité de pédagogie résume la fin de l'éducation en ces quelques mots : « un des plusgrands problèmes de l'éducation est de concilier sous une contraintelégitime la faculté de se servir de sa liberté.

Car la contrainte estnécessaire! Mais comment cultiver la liberté par la contrainte? ».

C'estdonc là que réside tout le paradoxe de l'éducation.

Mais on peut d'oreset déjà remarquer que Kant parle de « contrainte légitime », c'est-à-dire qu'il ne suffit en aucun cas d'interdire haut et fort, mais bel etbien faire preuve de « légitimité » : il faut donc que les interdits soientcompris comme des interdits justifiés, proférés par une personnereconnue par l'enfant comme une autorité.

B.

Pour parvenir à cela, Kant prescrit d'accoutumer « son élève à souffrir que sa liberté soit soumise à une contrainte, et qu'en mêmetemps [on] l'instruise à faire bon usage de sa liberté.

Sans cela il n'yaurait en lui que pur mécanisme; L'homme privé d'éducation ne saitpas se servir de sa liberté ».

Il faut donc que l'enfant fasse, par lavoie des contraintes, un apprentissage de la liberté, qui apparait alorscomme délimitée : pour cela, il faut habituer l'enfant à être libre, dansla juste mesure où il n'empiète pas sur la liberté des autres.

Parexemple, il ne doit pas crier ou rire de façon trop bruyante.

Il convientégalement de lui montrer qu'il ne peut parvenir à ses fins qu'en laissantles autres parvenir également à leurs fins.

Il s'agit donc de lui montrerque la liberté des autres, qui pour lui représente une somme d'interdit,converge avec sa propre liberté.

Autrement dit, les interdits dessinent le cadre auquel il doit se conformer pour assouvir ses désirs.

Et enfin, pour que la contrainte (versant del'interdit) apparaisse comme légitime, il faut « lui prouver que la contrainte qu'on lui impose a pour but de luiapprendre à faire usage de sa propre liberté, qu'on le cultive afin qu'il puisse un jour être libre, c'est à dire sepasser du secours d'autrui.

» C.

La nature légitime des interdits est donc essentielle dans l'éducation.

C'est le chainon manquant qui permet de relier interdits et exercice de la liberté.

Or, Rousseau, dans Émile ou de l'éducation présente une théorie de l'éducation des plus originale, puisqu'elle est avant tout basée sur un ensemble d'expériencesordonnées et préparées auquel l'instructeur confronte Émile afin de l'éduquer.

Le principe de cette éducationest donc de ne pas dire ce qu'il faut faire ou contraindre l'enfant à le faire, mais de mettre l'enfant dans dessituations où il est amené à savoir par lui-même ce qu'il doit faire.

« Celui d'entre nous qui sait le mieuxsupporter les biens et les maux de cette vie est à mon gré le mieux élevé ; d'où il suit que la véritableéducation consiste moins en préceptes qu'en exercices.

Nous commençons à nous instruire en commençant àvivre.

» écrit Rousseau au livre I.

L'éducation n'est donc pas composée d'interdits formulés, mais d'exercices.Elle est basée sur des expériences, et l'enfant pourra lui-même tirer les conclusions nécessaires à sonéducation.

Ainsi, au livre IV, le précepteur dit à Émile que Sophie est morte (alors qu'elle ne l'est pas), cepassage précède le départ d'Émile, qui doit se séparer de Sophie afin de se former par les voyages.

Leprécepteur, au lieu d'expliquer à Émile qu'il va devoir s'éloigner de Sophie et apprendre le détachement, lemet de but en blanc devant l'expérience de la mort, afin qu'il puisse de lui-même s'en détacher ensuite. III.

l'éducation nécessite le conservatisme. A.

Pour autant, il faut faire attention à bien distinguer deux acceptions possibles du mot éducation : l'éducation peut être tirée d'expériences de vie.

Cette éducation là n'est en somme jamais achevée.

Flaubertdonne par exemple à l'un de ses romans le titre L'éducation sentimentale , s'inscrivant ainsi dans la tradition des romans d'apprentissage, dans lequel on peut lire les événements de la vie de Frédéric Moreau.

Cetteéducation là, parce qu'elle repose sur l'expérience, ne saurait être composée d'interdits, mais bien aucontraire de l'inexistence d'interdits, inexistence qui s'apparente à la liberté absolue et qui invite le sujet àfaire des erreurs (tandis que les interdits reposent sur le principe inverse : on évite à l'enfant de commettredes erreurs).

Le sujet apprend alors de ses propres échecs.

Pourtant, il serait naïf de croire que l'on retienttoujours la leçon de ses échecs : tout le roman de Flaubert n'est finalement qu'une suite de déception,d'erreurs et d'échecs, une éducation toujours en formation, mais dont on peut douter qu'elle se solde par unevéritable progression (et dans ce sens, le titre de Flaubert est à la limite de l'ironie).

B.

Une éducation entièrement fondée sur l'expérience ne la vie ne peut donc suffire, bien qu'elle soit toujoursnécessaire et de toute façon inévitable.

Au contraire, nous pourrions dire avec Hannah Arendt quel'éducation nécessite toujours une part de conservatisme, parce que l'éducation consiste aussi à protégerl'enfant, et pas seulement de l'exposer à tous les dangers pour qu'il en comprenne l'importance.

« Il mesemble que le conservatisme, pris au sens de conservation, est l'essence même de l'éducation, qui a toujourspour tâche d'entourer et de protéger quelque chose, - l'enfant contre le monde, le monde contre l'enfant, lenouveau contre l'ancien, l'ancien contre le nouveau » écrit-elle dans La crise de l'éducation .

Elle ne dit donc absolument pas que l'éducation doit être conservatrice au sens où les mêmes valeurs doivent êtreperpétuellement reconduites dans chaque enfant, mais au contraire qu'elle doit être conservatrice « pourpréserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant […]; elle [l'éducation] -doit protéger cettenouveauté et l'introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux qui, si révolutionnaire quepuissent être ses actes, est, du point de vue de la génération suivante, suranné et proche de la ruine.

» Le. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles