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l'ennui est-il caractéristique de l'être humain ou de certaines époques de l'histoire ?

Publié le 05/08/2005

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histoire

HISTOIRE

Gén. Terme équivoque qui désigne à la fois le récit du passé humain, et la réalité historique elle-même, le cours des événements. En ce dernier sens, l'histoire se distingue de la simple évolution car elle suppose plus qu'un changement. Un arbre, par ex., peut croître ou un papillon se métamorphoser, mais ils n'ont pas d'histoire dans la mesure où l'histoire suppose la conscience d'un changement et la possibilité, pour celui qui change, de se représenter la finalité de son évolution en faisant du présent le sens du passé et du futur le sens du présent. Quant au récit, il cesse d'être légendaire pour devenir scientifique dès lors qu'il veut expliquer et non plus simplement raconter en se contentant de recueillir des anecdotes pittoresques. Phi. Les philosophies de l'Histoire posent la question du but poursuivi par les hommes dans l'Histoire, et postulent en même temps que l'Histoire des hommes est celle de leur liberté. Or, si la connaissance du but permet en retour de comprendre la cohérence du processus historique, il semble bien difficile de concilier le double postulat de la rationalité historique et du développement de la liberté. Telle est l'aporie sur laquelle achoppe toute philosophie de l'Histoire. En effet, s'il est possible de dégager par avance une cohérence historique, alors tout se passe comme si l'Histoire était déjà faite, de sorte que l'idée même de liberté humaine se trouve niée. A l'inverse, si l'on suppose que les hommes sont libres, alors il est impossible de saisir le sens d'une Histoire que les hommes font « sans savoir l'histoire qu'ils font » (R. Aron).

Certitude

"État de l'esprit qui adhère fermement à ce qu'il juge être vrai" (J. Lagneau).

ENNUI: Expérience sans expérience ou plutôt, si l'on prend le risque de résumer les analyses développées par Schopenhauer, état d'attente sans objet et sans contenu tout comme dans certaines pièces de Beckett. Dans un entretien qu'il consacre à Fernando Savater, en 1977, Cioran apporte ces précisions sur l'ennui même d'exister : Il ne s'agit pas de l'ennui que l'on peut combattre par des distractions, la conversation ou des plaisirs, mais d'un ennui, pourrait-on dire, fondamental, et qui consiste en ceci : plus ou moins brusquement, chez soi ou chez les autres, ou devant un très beau paysage, tout se vide de contenu et de sens. Le vide est en soi et hors de soi. Tout l'univers demeure frappé de nullité. Et rien ne nous intéresse, rien ne mérite notre attention. L'ennui est un vertige, mais un vertige tranquille, monotone ; c'est la révélation de l'insignifiance universelle » (OEuvres, p. 1748). Les Pères de l'Église avaient jadis finement analysé ce dégoût provisoire ou constant d'exister ; ce péché d'ennui (la tristitia-acedia) n'est-il pas la source d'autres maux qui rendraient toute vie calamiteuse en transformant l'odieux néant en bonheur de ne point exister ? L'ennui génère donc la rancor (la mauvaise conscience) mais également la pusillanimita (la petitesse d'esprit), la desperatio (ou certitude de la vanité de toute chose et de l'inanité de toute entreprise) et enfin une evagatio mentis (fuite de l'âme dans le rêve) qui s'exprime dans la verbositas (pur verbiage de celui qui meuble le vide par des mots). On peut retrouver sous des formes littéraires cette phénoménologie de l'ennui dans certaines oeuvres majeures du XIXe siècle, dans toute la littérature décadente (chez Huysmans, avec le personnage central de À Rebours, Des Esseintes), mais encore chez Baudelaire dont Les Fleurs du mal sont essentiellement rongées de l'ennui même d'exister. C'est toujours Baudelaire qui parle ainsi de l'ennui : « Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu'il guérirait à côté de la fenêtre » (Le Spleen de Paris, Éditions du dauphin, 1955, p. 94), et qui va tenter d'esthétiser ce sentiment délétère en faisant du dandy un poète qui maîtrise l'art d'accorder sens à ce qui en est privé, en ne négligeant cependant rien pour donner l'impression que tout est négligeable ! S'il est vrai, comme le soutient encore Schopenhauer, que « la vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui » (Le Vouloir-vivre, p. 174), toute l'oeuvre de Maupassant peut être lue comme la mise en abyme de cette conscience douloureuse née du désespoir d'exister. Cet ennui n'est pas seulement théorique ou littéraire et, dans un texte peu connu, Sur l'eau, le romancier, qui avait lu Schopenhauer avec une délectation morbide, saisit la jointure de cette contradiction vitale et invivable tout à la fois qui pousse les hommes de la souffrance vers l'ennui, puis de nouveau vers la souffrance: Certes, en certains jours, j'éprouve l'horreur de ce qui est jusqu'à désirer la mort. Je sens jusqu'à la souffrance suraiguë la monotonie invariable des paysages, des figures et des pensées. La médiocrité de l'univers m'étonne et me révolte, la petitesse de toutes choses m'emplit de dégoût, la pauvreté des êtres humains m'anéantit. En certains jours, au contraire, je jouis de tout à la façon d'un animal. Si mon esprit inquiet, tourmenté, hypertrophié par le travail, s'élance à des espérances qui ne sont point de notre race, et puis retombe dans le mépris de tout, après en avoir constaté le néant, mon corps de bête se grise de toutes les ivresses de la vie » (Sur l'eau, Gallimard, 1992, p. 78). L'ennui chronique alors se nomme aussi mélancolie.

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