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L'entreprise autobiographique est elle un repli sur soi ou une ouverture aux autres?

Publié le 31/03/2005

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Ce qu'il cherche profondément à étudier, c'est moins son individualité propre, son ipséité, qu'un individu en tant qu'il est représentatif de la nature humaine dans son ensemble. Ainsi, l'entreprise autobiographique manifeste une ouverture aux autres beaucoup plus qu'un repli sur soi, puisque l'autobiographe étudie scrupuleusement un être qui est lui-même, mais en tant que sujet d'expérimentation privilégié pour connaître l'humanité. b.      L'autobiographe donne à partager une expérience pour qu'elle profite aux autres hommes Par ailleurs, dans un sens complémentaire, nous dirons que l'autobiographe s'ouvre aux autres non seulement pour connaître l'humanité à travers lui-même, mais aussi pour servir cette dernière. Ainsi, l'autobiographe donne à connaître son expérience pour qu'elle serve aux autres hommes, pour que ceux qui le liront suppléent à leur inexpérience à la faveur du récit instructif qui leur est fait. Tous les autobiographes insistent sur leurs erreurs de jeunesse, sur les fautes qu'ils ont commises dans une perspective morale : il s'agit de servir les autres hommes en leur faisant un récit qui identifie les causes efficientes de leur malheur. Ou alors, il s'agit pour l'autobiographe de donner l'idée des folies qu'il a faites, des instants heureux qu'il a connu, pour que son lecteur décide de l'imiter et de recommencer sa vie.  Il semble donc, à la lumière de ce nouvel argument, que l'entreprise autobiographique manifeste avant tout une ouverture aux autres beaucoup plus qu'un repli sur soi de l'autobiographe. III.             Ni un repli sur soi, ni une ouverture aux autres, l'entreprise autobiographique est intrinsèquement littéraire et fictionnelle   a.

Par entreprise autobiographique, nous entendons une démarche littéraire qui consiste pour un sujet à faire le récit rétrospectif de sa propre vie en s’engageant à dire la vérité. Philippe Lejeune, spécialiste français de ce genre littéraire, définit l’entreprise autobiographique comme la démarche littéraire fondée sur un pacte passé entre l’autobiographe et son lecteur : ce pacte consiste à identifier le narrateur et le héros à la personne empirique de l’auteur. Ainsi, l’entreprise autobiographique se défend d’être une entreprise fictionnelle et s’efforce au contraire de raconter la vérité la plus pure, « intus et in cute «, « à l’intérieur et sous la peau «, pour citer l’épigraphe de l’œuvre fondatrice du genre, les Confessions de Rousseau.

Nous appelons repli sur soi l’attitude d’un sujet qui consiste à s’intéresser exclusivement à ce qui le concerne et à consacrer beaucoup de temps à mirer, étudier, considérer sa propre intériorité. C’est ainsi que l’homme qui se replie sur lui-même en vient à abdiquer toute forme d’intérêt pour autrui ou pour tout autre sujet de préoccupation que son passé, son vécu présent ou ses projets d’avenir.

L’ouverture aux autres est l’attitude strictement inverse à celle que nous venons d’évoquer. Elle consiste à considérer avec attention ceux qui nous entourent, à se préoccuper de leurs vies et de leurs activités, à manifester un altruisme, à savoir un amour des autres, absolument contraire à l’attitude de celui qui se replie sur lui-même. Allant plus loin, l’ouverture aux autres manifeste également une disponibilité plus large à l’altérité, à savoir une disposition à accepter ce qui n’est pas conforme à nos usages ou à nos habitudes, à refuser de les juger axiologiquement. En un sens complémentaire, l’ouverture aux autres n’est pas que ma disponibilité à leur égard, mais aussi ma volonté de leur laisser accès à ce que je suis, à leur dévoiler la vérité de mon être. Alors que celui qui se replie sur lui-même est inaccessible aux autres, celui qui s’ouvre à ces derniers se donne au contraire à connaître.

Lorsque nous nous demandons si l’entreprise autobiographique est un repli sur soi ou une ouverture aux autres, nous nous demandons si la démarche de l’autobiographe est essentiellement réflexive, c'est-à-dire si elle consiste à porter un regard sur lui-même au moyen de l’écriture ; ou si au contraire elle représente une ouverture aux autres, c'est-à-dire une capacité à livrer son passé et le rapport subjectif qu’il a soutenu aux évènements de ce dernier, de manière à se donner au regard d’autrui et à faire partager ce qu’il est.

La question au centre de ce travail sera de déterminer si l’entreprise autobiographique est une démarche réflexive ou une entreprise altruiste.

 

« privilégié pour connaître l'humanité. b.

L'autobiographe donne à partager une expérience pour qu'elle profite aux autres hommes Par ailleurs, dans un sens complémentaire, nous dirons que l'autobiographe s'ouvre aux autres non seulement pourconnaître l'humanité à travers lui-même, mais aussi pour servir cette dernière.

Ainsi, l'autobiographe donne àconnaître son expérience pour qu'elle serve aux autres hommes, pour que ceux qui le liront suppléent à leurinexpérience à la faveur du récit instructif qui leur est fait.

Tous les autobiographes insistent sur leurs erreurs dejeunesse, sur les fautes qu'ils ont commises dans une perspective morale : il s'agit de servir les autres hommes enleur faisant un récit qui identifie les causes efficientes de leur malheur.

Ou alors, il s'agit pour l'autobiographe dedonner l'idée des folies qu'il a faites, des instants heureux qu'il a connu, pour que son lecteur décide de l'imiter et derecommencer sa vie.

Il semble donc, à la lumière de ce nouvel argument, que l'entreprise autobiographiquemanifeste avant tout une ouverture aux autres beaucoup plus qu'un repli sur soi de l'autobiographe. III. Ni un repli sur soi, ni une ouverture aux autres, l'entreprise autobiographique est intrinsèquement littéraire et fictionnelle a.

Recomposition rétrospective et déficiences mémorielles Cependant, nous considérerons sous un angle nouveau la question qui nous est posée, en mettant en cause lavéracité des récits autobiographiques.

En effet, dans toute entreprise autobiographique, il y a une dimensionfallacieuse irréductible qui émane de deux causes principales : la recomposition rétrospective et les déficiencesmémorielles.

D'une part, l'autobiographe a tendance à idéaliser rétrospectivement les évènements de son passé :Casanova, qui écrit son œuvre dans des conditions de vie déplorables, vieux, malade et méprisé dans le château deDux en Bohême, a une tendance incontestable et avérée à se prêter plus de succès qu'il n'en a eu, plus d'argentqu'il n'en a effectivement possédé et à enjoliver son passé pour le faire correspondre à l'idée flatteuse qu'il a de lui-même. b.

La fictionnalisation des textes autobiographiques Par ailleurs, il y a dans tout texte autobiographique un fort degré de fictionnalisation qui tient à l'écriture littéraireelle-même.

En écrivant les évènements bien réels de sa vie, l'autobiographe a tendance à user de matériaux et deprocédés littéraires appartenant à des genres variés tels que le théâtre et le roman.

Ce faisant, il gauchitinsensiblement son récit, s'éloigne de cette vérité de lui-même et des faits qu'il s'était engage à nous donner.

Parexemple, Rousseau décrit sa première rencontre avec Madame de Warens dans les Confessions en utilisant lesmoyens rhétoriques et stylistiques du roman, de telle sorte que cette scène décrivant un évènement réel a pu êtrecomparée à la première rencontre du Prince de Nemours et de la Princesse de Clèves dans le roman qui porte sonnom.

De tous ces procédés qui concourent à biaiser la vérité des faits, à gauchir ce qui s'est bel et bien passé dansla vie du biographe, nous tirerons que l'entreprise autobiographique ne saurait être comprise comme un repli sur soiou une ouverture sur les autres exclusivement.

En effet, ces deux caractérisations font de l'entrepriseautobiographique une narration entièrement réelle d'un sujet qui choisit de mirer sa propre intériorité ou au contrairede servir les autres.

Nous l'avons vu, ces deux dimensions cohabitent effectivement dans l'entrepriseautobiographique.

Néanmoins, celle-ci ne doit pas se lire uniquement comme un récit respectueux de la vérité desfaits, puisque sa dimension littéraire la tire insensiblement du côté de la fausseté et de l'inexactitude. Conclusion A première vue, l'entreprise autobiographique peut nous apparaître principalement comme un repli sur soi du sujetqui choisit une activité réflexive nécessitant de se couper des autres.

Mais la dimension altruiste, d'ouverture sur lesautres de cette entreprise nous est apparue comme le corollaire du repli sur soi qui nous semblait lacaractériser uniquement : l'autobiographe cherche l'humanité en s'étudiant lui-même et offre son exemple aux autrespour qu'ils en profitent et ne réitèrent pas ses erreurs.

A la fois repli sur soi et ouverture aux autres, l'entrepriseautobiographique doit se lire également comme une démarche littéraire ou la narration prétendument exacte dupassé entre dans l'ère de la fictionnalisation.. »

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