Devoir de Philosophie

L'époque classique

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Peu à peu, vers 1600 l'instrument s'était libéré complètement de sa situation subordonnée à l'égard du chant à plusieurs voix. L'élaboration d'une "musique instrumentale" autonome, indépendante de la parole, qui découvrait ses motifs et ses formes d'après ses lois propres, est une des grandes réalisations dans l'histoire de l'esprit humain. Il fallait que ce pas fût accompli pour que le seuil du royaume illimité de l'art musical libre nous apparaisse franchi, et frayée la voie qui aboutit au superbe épanouissement de la musique moderne. Une tâche non moins importante de ce XVIIe siècle constructif, sera le façonnement d'un autre mode d'expression, le nouveau "drame musical" et l'universelle adoption de la "basse continue" qui a donné son nom à cette époque. Mais tandis que l'opéra, déjà même au cours de ce siècle, atteignait un haut degré de perfectionnement, la musique instrumentale eut encore à subir un long travail préparatoire avant de revêtir ses multiples formes particulières ­ la sonate avant tout ­ destinées à soutenir l'essor de pensées plus élevées. C'est vers la fin du siècle seulement, alors que le souffle de la phrase musicale revêtait plus d'ampleur, sa force expressive plus de souplesse et d'élan, que les grands maîtres apparurent dans les pays d'Europe où l'on exerçait la musique ­ en Italie, en France, en Allemagne ­ comme s'ils obéissaient à un décret du destin. Leur esprit allait remplir d'une vie luxuriante ces formes parvenues à maturité ; leur art forger, avec une précision durable en ses effets, ce qui n'avait été jusqu'alors que tâtonnements.

« musique méridionale, dont les mélodies faciles de la Serva padrona, et les sonates à trois voix débordantesd'imagination et de force juvénile, devaient par conséquent faire une grande impression ; les talentueux fils de Jean-Sébastien Bach, Wilhelm-Friedemann (170-1784) et Philipp-Emmanuel (1714-1788) dans l'Allemagne du Nord, avanttout le dernier né des Bach, Jean-Christian (1735-1780).

Une singulière conjoncture conduisit ce dernier par Milan, àce beau cantabile du style instrumental que l'on trouve conservé en sa fraîcheur immortelle dans "l'allégro chantant"de la symphonie de Mozart.

C'est aussi par Milan que passe l'itinéraire de Christoph-Willibald Gluck (1714-1787),disciple de Sammartini.

Pour la dernière fois chez les musiciens allemands, c'est dans cette ville même et à Bologneque le jeune Mozart recueille des impressions décisives. Un autre courant puissant d'art nouveau prenait sa source dans le vieux sol musical de la Bohême.

Les principauxmaîtres de "l'École de Mannheim" en sont originaires : à leur tête, le fougueux Johann-Wenzel Stamitz (1717-1757),Franz-Xaver Richter (1709-1789), Anton Filtz et d'autres ; pour le milieu cultivé de Berlin, l'activité des frères Franzet Georg Benda venus du Vieux-Benatek tchèque est considérable ; en Italie Joseph Mysliweczek, dit "il Boemo" ou"Venatorini", acquiert une juste réputation ; à Vienne les Tchèques Johann Baptist Wanhal et Leopold-AntonKozeluch réussissent auprès du public à le disputer avec succès, même à des Haydn et des Mozart.

L'histoire del'évolution de l'art, l'importance de maîtres comme Johann-Wenzel Spourny à Paris et de Franz Mischa, qui de trèsbonne heure introduisit un second thème dans sa phrase symphonique, attendent encore d'être tirées au clair par lacritique musicale. Plus solide que l'éclosion de l'École de Mannheim, avec ces contrastes expressifs de sentiments, avec sondynamisme et sa technique orchestrale éblouissants, le génie du jeune Haydn construit lentement, et sans jamaisperdre de vue le but à atteindre, la forme symphonique par une heureuse adaptation des primitifs autochtonesviennois pour en faire le réceptacle choisi du nouveau style classique, qui nous enchantera toujours comme une desfleurs les plus merveilleuses de la culture humaine.

Un exposé systématique et détaillé de ce mouvement, l'histoirede l'évolution de la symphonie chez Haydn, de ses quatuors à cordes et de ses sonates pour piano, restent encoreà écrire.

Mais la voie tranquille et sûre parcourue par le maître, depuis les tout premiers débuts du nouveau stylejusqu'aux Oeuvres culminantes des symphonies londoniennes et des grands quatuors à cordes, font partie des plushautes réalisations du génie humain.

Quatre ans après son premier quatuor à cordes, en 1759, l'année même oùHaendel mourut, Haydn écrivait sa première symphonie.

Lorsqu'en 1795, il eut achevé la dernière de la grandiosesérie de plus de cent créations symphoniques, Mozart était déjà entré dans l'immortalité.

Et quand Haydn, en 1809,eut terminé sa carrière terrestre, Beethoven avait déjà écrit la Pastorale.

Quelle abondance dans ce court espaced'un demi-siècle ! Au milieu de cette période, avec les quatuors russes de Haydn et les six fameux quatuors àcordes de Mozart dédiés à son ami paternel Haydn, une génération après le décès de Bach, l'élaboration de lanouvelle forme classique de la sonate était enfin achevée et les lois fondamentales du style symphonique moderne,désormais établies, serviraient de modèle. Au cours de ces brillantes dix années, entre 1782 et 1792, Mozart achevait l'incomparable et magistrale série de sesopéras, et, passant par le Beggars-Opéra anglais, l'Opéra-comique français, et le théâtre chanté de l'Allemagne duNord inauguré par Hiller, il crée avec son Enlèvement au Sérail le type immortel du théâtre allemand, avec la Flûteenchantée, il indique au siècle à venir la voie du grand opéra ; avec Figaro et Don Juan, il transforme le genre de"l'opéra-bouffe" déjà pâlissant et en fait l'expression classique et immortelle du drame musical.

Désormais, dansl'atmosphère glaciale d'un vieil opéra où circule un souffle shakespearien, ce sont des créatures de chair et de sangqui se substituent aux types conventionnels de la Commedia dell'arte. N'oublions pas que vers la même époque, avec circonspection, le lied s'efforçait aussi d'arriver à maturité, ce qu'il nelui sera donné d'atteindre, naturellement, qu'au siècle suivant.

Au nord de l'Allemagne, c'était Johann-FriedrichReichardt et Karl-Friedrich Zelter, l'ami de Goethe, au sud Johann-Rudolph Zumsteeg, qui à travers l'aria et lacantate, prêtait l'oreille à la simple mélodie parlée dans les strophes des poètes afin de la mettre en musique, tandisque les Viennois, en premier lieu Mozart, Haydn, plus tard Beethoven, témoignaient de plus hautes exigencesartistiques.

Le Roi de Thulé de Zelter, La Violette de Mozart, l'Adélaïde de Beethoven sont les plus hautesréalisations de cet art original du lied avant Schubert. Avec Beethoven commence une nouvelle forme d'expression de la musique, le langage de l'humanité libérée par laRévolution française.

L'annonciation d'une haute idée morale, voilà ce qu'est devenue pour Beethoven la fin suprêmede la musique.

Les formes grandissent jusqu'au gigantesque.

Une prodigieuse tension s'amasse dans leur contenu.Mais elle ne saurait en altérer les traits fondamentaux.

L'artiste est bien trop puissant et trop conscient de saresponsabilité pour ne pas la maintenir dans le cadre qu'il lui a tracé.

Nulle part l'élan de l'idée poétique n'empiète surla logique de la trame musicale qui dessine les formes avec rigueur.

La voie créatrice de Beethoven conduit l'artisteavec une admirable conséquence hors du milieu mondain et social de Haydn.

Son émancipation, qui lui permetd'échapper à la situation subordonnée de ses prédécesseurs au point de se rendre la personnalité la plus libre detout son entourage, n'est que le symbole extérieur de cette manifestation artistique, l'attestation définitive du longacheminement de l'art musical, qui se libère ainsi de sa tâche servile au sein de la société, au point de devenir lecentre spirituel de cette dernière. La grandeur dominante de l'époque classique tout entière, de 1680 à 1830, ou nous avons coutume de ranger desmaîtres baroques tels que Haendel et Bach, cette grandeur, disons-le, n'a pas seulement consisté dans l'importancemusicale de leur énorme production, mais encore et bien plus, dans le fait que leurs Oeuvres expriment d'unemanière en quelque sorte métaphysique leur existence même, et en même temps la puissante évolution de leurépoque : Bach, lui aussi, comme Beethoven, parvient à une représentation pour ainsi dire abstraite des lois. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles