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L'erreur, sa structure logique et ses conditions psychologiques.

Publié le 27/02/2008

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La connaissance n'est pas l'enregistrement passif des impressions venues du dehors. La représentation résulte de la collaboration de l'objet connu et du sujet connaissant. Quidquid recipitur, disaient les scolastiques, ad modum recipientis recipitur : tout ce que l'esprit reçoit, il le reçoit à sa manière ou à sa mesure. C'est pourquoi des individus différents n 'auront pas du même objet une représentation identique, et chez le même individu la représentation variera si son état subjectif est modifié. Nous sommes souvent trompés par notre état organique. Prenons une salle dans laquelle on a fermé les persiennes pour atténuer l'éclat de la lumière d'un soleil d'été en plein midi : celui qui remonte d'une cave obscure jugera qu'il fait très clair; celui qui vient du dehors trouvera qu'il fait bien noir. Au point de vue mental comme au point de vue sensoriel, les choses sont perçues à la façon de celui qui les perçoit. Chaque esprit a une manière d'être propre, 'des habitudes de voir et de juger qui orientent sa pensée. Parfois ces habitudes sont si enracinées qu'elles l'entraînent à affirmer ou à nier sans qu'il ait pris la peine ou le temps d'examiner et d'observer : un grand nombre de nos erreurs tiennent à nos préjugés. Ces préjugés sont souvent collectifs : nous avons reçu et nous recevons tous les jours de notre milieu des idées toutes faites qui nous épargnent la peine de la recherche et la gêne du doute; la conscience du grand nombre de ceux qui partagent notre opinion nous donne de l'assurance, et l'assurance d'être dans le vrai nous rend imperméables aux enseignements de l'expérience, qui, suscitant en nous le doute, pourrait nous amener à rectifier notre jugement.
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« d'examiner et d'observer : un grand nombre de nos erreurs tiennent à nos préjugés.

Ces préjugés sont souventcollectifs : nous avons reçu et nous recevons tous les jours de notre milieu des idées toutes faites qui nousépargnent la peine de la recherche et la gêne du doute; la conscience du grand nombre de ceux qui partagent notreopinion nous donne de l'assurance, et l'assurance d'être dans le vrai nous rend imperméables aux enseignements del'expérience, qui, suscitant en nous le doute, pourrait nous amener à rectifier notre jugement.

Il est aussi despréjugés personnels : parfois ils consistent dans une sorte de système intellectuel qui s'est figé comme une sorte deroutine; le plus souvent, ils s'expliquent par des forces d'ordre affectif : « ce que le désir engendre, dit Paul VALERY(Variété, p.

111), est toujours ce qu'il y a de plus clair.

»Ainsi des objets trompeurs se rencontrent parfois sur notre chemin.

Mais bien plus souvent nous sommesprédisposés à ne pas voir ou à mal voir le réel qui s'offre loyalement à nous.

Sans cesse et de multiples côtés, noussommes guettés par l'erreur.

Comment nous en préserver ? * * *D'après les sceptiques de l'antiquité, il n'y aurait qu'un moyen d'éviter l'erreur : suspendre son jugement et sedéfendre de toute affirmation.Mais cette thèse, théoriquement fausse et même contradictoire, est totalement impraticable.

Même si l'on admettaitqu'il n'y a rien de certain, il resterait cependant que certaines affirmations sont plus probables que d'autres et, parsuite, la raison demanderait de s'arrêter aux premières plutôt qu'aux secondes : ainsi par le probabilisme onéchapperait au scepticisme.

D'ailleurs le sceptique lui-même l'abandonne par le seul fait qu'il énonce sa thèsefondamentale : en affirmant qu'il ne faut rien affirmer, ne pose-t-il pas une affirmation comme certaine ? et s'il ne latient pas pour certaine est-il sceptique ?D'autre part, théoriquement contradictoire, l'attitude sceptique est pratiquement impossible.

La vie nous accule àprendre parti et à juger, serait-ce sur de simples apparences.D'ailleurs, il n'y a qu'un moyen de parvenir à la vérité : affirmer ce que les faits et une première réflexion suggèrent;puis, progressivement, par l'observation d'autres faits et le contrôle de la raison, éliminer la part d'erreur impliquéedans la première affirmation et rectifier notre conception des choses.

C'est par une sorte de saut dans l'incertainque se conquiert la vérité.

Le savant qui émet une hypothèse s'expose à l'erreur, mais afin de l'éliminer et d'aboutirà la certitude : c'est la crainte ou la conscience d'avoir énoncé une proposition erronée qui stimule au travail, et ona pu dire qu' « il n'y a pas de démarche objective sans la conscience d'une erreur intime et première » (BACHELARD,La formation de l'esprit scientifique, Vrin 1938, p.

242).Seulement, le savant ne donne pas ses hypothèses pour des propositions évidentes ou démontrées.

Il ne leurreconnaît qu'une certaine probabilité, et, méthodiquement, il se maintient à leur égard dans l'attitude du doute,cherchant toutes les occasions de les contrôler.

C'est le doute méthodique, si recommandé par DESCARTES et parClaude BEBNARD, qui le garantit de l'erreur.En dehors de la recherche scientifique, dans la vie pratique, cette attitude est plus difficile, mais n'est pasimpossible.

Comme le répète DESCARTES dans le Discours de la Méthode, on peut très bien, dans la conduite de savie, adopter l'opinion la plus probable et s'y tenir avec autant de fermeté que si elle était certaine, sans jamaisaffirmer sa certitude.

De même, nous pouvons adhérer à un parti politique dont les idées nous paraissent plusjustes, bien que nous n'ayons pas l'évidence de leur vérité.

Mais que de discussions et que d'erreurs seraientévitées si nous proposions comme plus probablement justes, et non plus comme certaines, les idées pour lesquellesnous bataillons !Cette loyauté intellectuelle suppose de hautes vertus morales : détachement de ses propres intérêts, mort de lavanité qui nous pousse à l'emporter sur les autres et à paraître avoir raison contre tous; maîtrise de soi, de sesparoles et même de ses pensées, en sorte que les affirmations ne dépassent jamais le degré de certitude réellementatteint.

Ce sont surtout les vertus morales qui nous feront éviter l'erreur. ***Un proverbe latin résume bien le jugement que nous devons porter sur l'erreur: errare humanum est; perseverare,diabolicum.Se tromper est humain.

Tout d'abord, l'erreur s'explique par la constitution de notre nature et de la nature deschoses : « L'erreur n'a rien d'étrange, dit ALAIN (Minerve, p.

9) : c'est le premier état de toute connaissance.

» Deplus, elle entre comme élément actif dans notre vie intellectuelle.

C'est le choc de l'erreur qui déclenche le travail del'esprit; c'est l'élimination progressive de l'erreur qui constitue le travail essentiel du penseur et du savant.Ce qui est mauvais, c'est de rester dans l'erreur : persévérer est diabolique.

Qui se contente de l'incertain quand ilpourrait atteindre la certitude n'a pas le sens de la dignité de la raison; mais qui retient sciemment le faux pèchecontre l'esprit, ce péché est inévitablement accompagné de beaucoup d'autres et toute sa vie est faussée.

Ayonsle culte de la vérité; mais que ce culte ne nous trompe pas sur le rôle de l'erreur dans la vie : nous devons en faireun moyen d'arriver à la vérité.. »

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