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Les autres peuvent-ils faire mon bonheur ?

Publié le 18/01/2005

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L'homme, pour Épicure, est un être rationnel, qui se doit d'agir conformément à la raison. L'accomplissement de cette nature propre passe notamment par l'usage réglé des désirs, qui permet à l'homme d'atteindre l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles dans son âme ou, en d'autres termes, le bonheur. En effet, selon Épicure, le bonheur s'atteint dès que l'âme quitte l'état d'anxiété naturelle dans lequel elle se trouve. Il s'agit alors d'éloigner les troubles qui lui sont liés en distinguant, par exemple, les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels non nécessaires et les désirs ni naturels ni nécessaires. En se pliant aux premiers (comme boire de l'eau) et en refusant les derniers (comme chercher la richesse ou la gloire), l'homme accomplit alors ce qui est vraiment en son pouvoir. Il poursuit des buts raisonnables, et ce faisant il exprime sa vertu, ce qui lui permet d'accéder au bonheur compris comme quiétude, absence de troubles, ataraxie. De ce point de vue, la conception que l'on se fait du bonheur comme entretien d'une qualité propre ou développement d'une vertu, c'est-à-dire comme recherche, pour l'homme, d'une vie réglée et sans troubles, commande la position qu'autrui adopte vis-à-vis de nous. En effet, autrui ne peut pas faire mon bonheur, puisque celui-ci dépend de l'idée que mon âme se fait des choses (dois-je rechercher la gloire ou non ?). Au pire, autrui peut même être celui qui me distrait, me détourne de mon but qu'est la paix de l'âme.

Notre sujet nous interroge sur la nature du bonheur dans son rapport avec autrui ; autrement dit, le bonheur est-il fait par les autres ou bien se réduit-il à une entreprise individuelle ? D’emblée, c’est notre conception du bonheur qu’il faut mettre à l’épreuve : comment pouvons-nous définir le bonheur et qu’est-ce que cela implique par rapport aux autres ? En d’autres termes, le bonheur est-il un état que l’on atteint dans l’isolement ou une activité qui se développe au contact des autres ? C’est, de ce point de vue, la nature politique du bonheur qu’il faut envisager : celui-ci éclôt-il dans l’enceinte de la Cité (polis, en grec) ou bien dépend-il d’autre chose ? Dès lors, si les autres peuvent faire mon bonheur, est-ce en m’aidant à atteindre un état de béatitude, en m’offrant quelque chose (sens courant de l’expression : « faire le bonheur de quelqu’un) ou bien en disposant les conditions d’une vie politique comme souhait d’une vie heureuse ?

« Nous venons de voir que la conception que l'on forme du bonheur influedirectement sur le rôle qu'autrui peut jouer vis-à-vis de celui-ci.

Or, il nousfaut remarquer qu'Épicure envisage le bonheur de manière statique : lebonheur est un état, c'est l'absence de troubles dans l'âme, autrement ditl'ataraxie.

Contre cette idée, Aristote montre, dans l'Éthique à Nicomaque,que le bonheur réside dans une activité que l'on pratique pour elle-même.Aristote en dénombre trois, qui sont autant de genres de vie : en effet, jepeux 1° dédier ma vie aux plaisirs corporels (que je recherche pour eux-mêmes), 2° consacrer ma vie aux actions vertueuses ou 3° me livrer à larecherche de la vérité.Cependant, Aristote montre qu'aucun de ces genres de vie ne se suffit à lui-même ; il s'agit donc de les fondre en un seul genre de vie, qui intègrera, enles modifiant, leurs caractéristiques propres.

Aristote définit alors un nouveaugenre de vie où le plaisir n'est plus lié au corps, mais aux actions belles etjustes que nous accomplissons ; où les actions vertueuses ne sont plusuniquement le moyen de trouver la gloire, mais indique une excellence decaractère ; où la recherche de la vérité n'est plus une simple quêteintellectuelle, mais un discernement quant aux actions justes à accomplir.Ainsi, le bonheur se trouve défini comme une activité qui dépend des autres,puisque je trouve le bonheur dans le plaisir que je prends à agir avec vertu,dans l'excellence de caractère que je dois cultiver, dans le discernement dontje fais preuve à agir bien.

De ce point de vue, le bonheur trouve un ancrage politique, c'est-à-dire dans la Cité.

Iln'est plus un état que j'atteins dans l'isolement, mais une activité qui se développe au contact des autres hommes.

Pour Aristote , le bonheur est la fin suprême, au-delà de laquelle on ne saurait penser d'autres fins.

Il a donc une valeur de bien en soi.

Mais il ne réside ni dans la recherche effrénée de plaisirs, ni dans la bonne fortune (la chance), mais dans l'activité raisonnable et maîtrisée qui prendcomme fin l'accomplissement plénier de soi-même en accord avec la vertu.

La plupart des hommes ne pouvant mener une vie conforme à lavertu intellectuelle de la sagesse et atteindre ainsi dans la vie contemplative le Souverain Bien, doivent agir selon la vertu de prudence(« phronésis »), en évitant les deux extrêmes de la démesure et de l'inertie.

Il s'agit donc de discerner dans chaque situation où est le juste milieu (médiété) de manière à combiner harmonieusement le souhaitable et le possible.

Le juste milieu doit se rechercher aussi bien pour lesétats affectifs ou passions (ainsi le courage est le juste milieu de la témérité et de la peur) que pour les actions (ainsi la libéralité est le justemilieu de la prodigalité et de la parcimonie).Une telle sagesse pratique unit étroitement l'aspiration au bonheur et la vertu.

Prendre comme fin suprême une amélioration de soi, viser desactions les meilleures possibles, n'exige pas le renoncement à tous les plaisirs.

A première vue, l'existence d'un objet suprêmement désirable qui serait la cause finale des activités humaines ne fait pas de doute.

Tous leshommes désirent être heureux , constate Aristote dans l' « Ethique à Micomaque ».

Le bonheur constitue le souverain bien, car il est recherché comme une fin absolue et non relative.

Chaque activité particulière tend vers quelque bien : la médecine vers la santé, l'art militaire vers la victoire,l'art financier vers la richesse.

Ces biens, cependant, ne sont pas poursuivis pour eux-mêmes, mais seulement comme des moyens en vue d'une finplus haute qui est le bonheur.

Toutes les fins particulières se subordonnent à cette fin suprême unique qui n'est plus un moyen en vue d'une finultérieure, mais qui est recherché en elle-même et pour elle-même.

Nous désirons être heureux pour être heureux.Toutefois, constate Aristote , s'il y a convergence sur le nom de ce bien suprêmement désirable, il y a divergence concernant sa nature.

Quel est cet objet mystérieux qui appelle tous nos vœux ? Le stagirite recense les objets possibles et définit sur cette base trois grands types de vie : la viede jouissance, plus particulièrement propre à la foule, la vie politique, à laquelle aspirent surtout les gens cultivés soucieux de l'honneur, et la viecontemplative prisée par les sagesIl examine d'abord la vie de jouissance et s'interroge sur la question de savoir si le désir tend au plaisir comme à sa fin ultime.

Aristote ne rejette pas l'hédonisme, car il concède que toute activité sensible ou intelligible s'accompagne de plaisir lorsqu'elle s'exerce dans des conditionsfavorables, mais il ne saurait consentir à l'assimiler au bien suprême pour plusieurs raisons.

La foule qui aspire à une vie de jouissance ne vise pasles plaisirs raffinés de l'intellect, mais les débauches grossières et les ripailles d'un Sardanapale .

Or, chaque être vivant a une « hexis », une vertu propre, et l'excellence pour chacun consiste à remplir au mieux la fonction qui convient à sa nature.

Une vie de plaisir revient à développer et àporter à son degré maximal la partie sensitive ne nous distingue en rien des bêtes qui éprouvent comme nous des sensations de plaisir et de peine.Grossière et partielle, la satisfaction hédoniste ne saurait convenir à un animal raisonnable.Le plaisir, par ailleurs, n'est jamais la fin dernière de nos activités, mais une fin surajoutée qui les couronne lorsqu'elles sont menées à bien.

Ainsil'acte de voir, lorsqu'il unit une vue parfaite et un objet parfait, produit une jouissance esthétique.

Mais l'acte pourrait se réaliser sans plaisir, car labut de la vision est la perception de l'objet.

Le plaisir n'est donc pas la cause finale de l'acte, mais il résulte d'une bonne adaptation de la faculté àson objet.

Il apparaît donc comme un luxe, une fin qui s'ajoute à l'acte, qui le perfectionne et le rend plus désirable.

« Le plaisir achève l'acte non pas comme le ferait une disposition immanente au sujet, mais comme une sorte de fin survenue par surcroît, de même qu'aux hommes dans la forcede l'âge vient s'ajouter la fleur de la jeunesse. » Le plaisir est une sorte de surplus gracieux qui parachève le but. Outre les raisons développées par le stagirite, il faut remarquer que le plaisir ne peut constituer le suprême désirable en vertu de sa natureponctuelle et éphémère.

L'homme après le coït est un animal triste, disent les théologiens.

Sans vouloir réduire comme Pascal la besogne à unéternuement, il faut reconnaître que le chatouillement du plaisir sensuel est locale et fugace… Il comporte des risques d'aliénation dans la mesureoù une partie du corps peut devenir centre de tout et se développer au détriment des autres.L'idéal timocratique, en revanche, paraît plus relevé dans la mesure où il convient davantage à cet animal politique qu'est l'homme.

L'honneur est lenerf de l'activité politique et s'avère le bien prisé par les gens cultivés soucieux des affaires de la cité.

Néanmoins, Aristote confesse que « l'honneur apparaît une chose trop superficielle pour être recherchée » (I,3) Il est en effet bien fragile et périssable dans la mesure où il met l'homme à la merci de l'opinion inconstante de la foule qui adore aujourd'hui ce qu'elle brûlera demain.

Un bien qui ne dépend pas de nous et quipeut être ravi selon les caprices de la fortune n'est pas un bien véritable.. »

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