Les passions sont-elles aveugles ?
Publié le 14/11/2005
Extrait du document
«
b. L'amour est signe d'une dépendance.
C'est Schopenhauer qui étayera l'idée selon laquelle la passion amoureuse, l'élection de tel ou tel individu est loin d'être accessoire.
L'objetest aimé avant même d'être connu, c'est le paradoxe du coup de foudre.
Lechoix correspond à un but universel, à la procréation, car, selonSchopenhauer, « le type de l'espèce doit se perpétuer, aussi pur etauthentique que possible ».
Mais ici le sujet qui entraîne l'illusion a horreur dubut qui seul le mène (la procréation), et voudrait même faire obstacle à cetteréalisation.
La vérité de la passion est donc la transcendance de sa fin, unefin inconnue et infinie.
L'homme s'imagine « qu'il consacre tous ses efforts ettous ses sacrifices à son plaisir personnel, alors que tout cela n'a lieu quepour conserver le type normal de l'espèce » (Schopenhauer, Métaphysique de l'amour ). III.
Passion, volonté et responsabilité a.
La passion caractérise une forte dépendance en l'homme.
Ce dernier est le plus souvent ignorant de ce qui l'affecte, c'est-à-dire de son objet etdes fins que ça implique.
La passion diffère du désir puisqu'elle est constanteet ardente, ce qui empêche le sujet d'en être maître, et de s'en débarrasservolontairement.
Dès lors la passion peut mener le sujet à une sorte de délireou d'ensorcellement.
Et c'est bien ce que nous fait comprendre St Augustinlorsqu'il alla à Carthage, et qu'il recherchait un objet à cette passion qui ledévorait, l'amour : « Je n'aimais pas encore mais j'aimais l'amour […].
Aimantl'amour, je cherchais un objet à mon amour » (Les confessions, III, 1).
b.
L'homme a une conscience morale, or la morale n'a de sens que s'il y a la liberté.
Selon Sartre , parce qu'on est des consciences (des « cogito »), on est toujours responsables.
En effet, l'homme juge généralement qu'il estresponsable que lorsqu'il agit consciemment et librement.
C'est pourquoi on tend à penser qu'un homme aveuglé parses passions ne serait pas responsable, alors que pour Sartre il l'est : « nous sommes seuls, sans excuses »(L'existentialisme est un humanisme ).
L'homme, une fois jeté dans le monde, est responsable de tout ce qu'il fait, ainsi, « l'homme est condamné à être libre ».
L'homme est responsable de ses passions, de ce qui l'affecte.
«On ne fait pas ce que l'on veut et cependant on est responsable de ce qu'on est».Cette affirmation paradoxale est au centre de la philosophie sartrienne qui s'efforce de concilier deux approchespartielles de la réalité humaine que l'opinion commune juxtapose sans en dégager la portée véritable : conscience detoutes les déterminations auxquelles il est difficile, voire impossible d'échapper, et affirmation pourtant de laresponsabilité pleine et entière de ce que l'on est.Il ne faut pas interpréter cette formule dans un sens stoïcien.
Pour le stoïcisme, l'esclave peut être beaucoup pluslibre que le maître ; certes, il ne fait rien de ce qu'il veut, mais il connaît la plénitude de la liberté intérieure ; il estmaître des choses par le jugement qu'il pose sur elles.
Or ce n'est pas ainsi que Sartre pose le problème ; d'abord, ilrefuse à l'existence humaine tout fondement métaphysique (Dieu, les Idées, l'Inconditionné) ; il se place d'emblée auniveau de la conscience dans sa réalité subjective.
Mais il considère que la conscience n'existe pas en soi : « Touteconscience est conscience de quelque chose » et « l'existence pour l'homme précède l'essence » ; le terme mêmed'existence révélant ce mouvement de sortie de soi (de l'intériorité).Il n'y a pas d'âme, pas d'essence qui tantôt imagine, tantôt veut, tantôt agit, tantôt perçoit : l'homme n'est passon âme (sa pensée), il n'est que ce qu'il fait.
Ce n'est pas dans le rapport de l'être et de la volonté que se situe laliberté humaine, puisque l'être peut se définir comme projet.
Si l'on n'est que ce que l'on veut, ce que l'on projetted'être, comment ne pas faire ce que l'on veut?
L'esclave, pour Sartre, est libre mais pas du tout au sens où l'entendent lesStoïciens, car il est absurde d'opposer la liberté intérieure et la liberté del'action.
L'esclave a dans l'action même, un choix à effectuer : il peut selancer dans la révolte, il peut choisir de se donner la mort, tenter l'évasion.
Ilpeut aussi choisir la servitude.Pourtant, l'objection paraît évidente ; l'esclave ne choisit pas sa conditiond'esclave.
«On ne fait pas ce que l'on veut».
C'est-à-dire que nous sommescontingents ou que la vie est absurde.
Nous sommes en effet façonnés par unmonde historique que nous ne choisissons pas ; nous sommes nés à uneépoque donnée dans un contexte social donné, et nous n'y pouvons rien.
S'ila 20 ans quand la mobilisation générale l'envoie au front combattre l'ennemi,pèse sur lui une série de contingences : c'est un homme, on ne mobilise pasles femmes dans son pays, il est citoyen d'un pays en guerre, doncmobilisable et à ce titre, tous ses projets sont suspendus, et il court même lerisque absolu : celui de sa mort.
Si tu avais été juif en 1936 en Allemagne, c'est en tant que juif que tu auraisété, que tu le veuilles ou non, déterminé au pire sens du terme, objet demenaces, de pressions...
là aussi jusqu'à la mort.
D'une manière plusprofonde, plus insidieuse parce que plus intérieure, je ne me choisis pas : jesuis petit ou grand, laid ou beau, intelligent ou stupide, je ne peux rien.
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