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Les rapports de l'âme et du corps

Publié le 19/03/2011

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     Bergson a posé le problème : Que dit le bon sens? Nous avons un corps, et une âme qui est, dit-on, indépendante, mais liée au corps.

   Que dit la science? L'âme elle-même n'est que le résultat d'une certaine conformation du cerveau : mais cette affirmation n'a rien de scientifique, puisque ceux qui la posent n'ont pas le moyen de la vérifier.    « Que dit en effet l'expérience? la vie de l'âme, ou de la conscience, est liée à la vie du corps : il y a solidarité entre la vie de l'âme et la vie du corps, rien de plus; mais ce point n'a jamais été contesté par personne, et il y a loin de là à soutenir que le cérébral est l'équivalent du mental, qu'on pourrait lire dans un cerveau tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. Un vêtement est solidaire du clou auquel on l'a accroché, il tombe lorsqu'on arrache le clou, il ne s'ensuit pas que chaque détail du clou correspond à un détail du vêtement, ni que le clou soit l'équivalent du vêtement, encore moins s'ensuit-il que le clou et le vêtement soient une seule et même chose. Ainsi, la conscience est incontestablement accrochée à un cerveau, mais il ne résulte nullement de là que le cerveau dessine tout le détail de la conscience, ni que la conscience soit une fonction du cerveau; tout ce que l'expérience et la science nous permettent d'affirmer, c'est l'existence d'une certaine relation entre le cerveau et le corps. «

« Si l'on veut écarter tous les préjugés, ne se baser que sur des faits connus, on arrive à une probabilité de plus enplus ferme : « il y a infiniment plus dans une conscience humaine que dans le cerveau correspondant » (Bergson).Le bon sens a donc raison : celui qui regarderait un cerveau travailler ne connaîtrait donc que peu des pensées dela conscience; il n'en connaîtrait, en fait que ce qui se traduirait facilement en gestes, en attitudes : « et laconnaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pièce ».

Voici exactement ce que dit Bergson : « Celui qui pourrait regarder à l'intérieur d'un cerveau en pleine activité, suivre le va-et-vient des atomes etinterpréter tout ce qu'ils font, celui-là saurait sans doute quelque chose de ce qui se passe dans l'esprit, mais il n'ensaurait que peu de choses.

Il en connaîtrait tout juste ce qui est interprétable en gestes, attitudes, et mouvementdu corps, ce que l'état d'âme contient d'action en voie d'accomplissement, ou simplement naissante : le reste luiéchapperait.

Il serait, vis-à-vis des pensées et des sentiments qui se déroulent à l'intérieur de la conscience, dansla situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur la scène, mais n'entend pas unmot de ce qu'ils disent.

Sans doute, le va-et-vient des acteurs, leurs gestes et leurs attitudes, ont leurs raisonsd'être dans la pièce qu'ils jouent; et si nous connaissons le texte nous pouvons prévoir à peu près le geste; mais laréciproque n'est pas vraie, et la connaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pièce, parce qu'il ya beaucoup plus dans une fine comédie que dans les mouvements par lesquels on la scande.

Ainsi, je crois que sinotre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner cequi se passe dans le cerveau pour un état d'âme déterminé; mais l'opération inverse serait impossible, parce quenous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d'états d'âme différents, égalementappropriés.

Je ne dis pas, notez-le bien, qu'un état d'âme quelconque puisse correspondre à un état cérébral donné: posez le cadre, vous n'y placerez pas n'importe quel tableau; le cadre détermine quelque chose du tableau enéliminant par avance tous ceux qui n'ont pas la même forme et la même dimension; mais pourvu que la forme et ladimension y soient, le tableau entrera dans le cadre.

Ainsi pour le cerveau et la conscience.

Pourvu que les actionsrelativement simples, — gestes, attitudes, mouvements — en lesquels se dégraderait un état d'âme complexe,soient bien celles que le cerveau prépare, l'état mental s'insérera exactement dans l'état cérébral; mais il y a unemultitude de tableaux différents qui tiendraient aussi bien dans ce cadre; et par conséquent le cerveau nedétermine pas la pensée; et par conséquent la pensée, en grande partie du moins, est indépendante du cerveau.

» « La pensée est orientée vers l'action; et quand elle n'aboutit pas à une action réelle, elle esquisse une ou plusieursactions virtuelles, simplement possibles.

Ces actions réelles ou virtuelles, qui sont la projection diminuée ou simplifiéede la pensée dans l'espace et qui en marquent les articulations motrices, sont ce qui en est dessiné dans lasubstance cérébrale.

La relation du cerveau à la pensée est donc complexe et subtile.

Si vous me demandiez del'exprimer dans une formule simple, nécessairement grossière, je dirais que le cerveau est un organe de pantomime,et de pantomime seulement.

Son rôle est de mimer la vie de l'esprit, de mimer aussi les situations extérieuresauxquelles l'esprit doit s'adapter.

L'activité cérébrale est à l'activité mentale ce que les mouvements du bâton dechef d'orchestre sont à la symphonie.

La symphonie dépasse de tous côtés les mouvements qui la scandent : la viede l'esprit déborde de même la vie cérébrale.

Mais le cerveau, justement parce qu'il extrait de la vie de l'esprit toutce qu'elle a de jouable en mouvement d'insertion de l'esprit dans la matière, assure à tout instant l'adaptation del'esprit aux circonstances, maintient sans cesse l'esprit en contact avec des réalités.

Il n'est donc pas, àproprement parler, organe de pensée, ni de sentiment, ni de conscience; mais il fait que conscience, sentiment etpensée restent tendus sur la vie réelle et par conséquent capables d'action efficaces.

Disons, si vous voulez, que lecerveau est l'organe de l'attention à la vie.

» Ainsi, quand un fou déraisonne, son raisonnement peut être logique ; son tort est de raisonner à côté de la réalité.Ce qui manque n'est pas la pensée, la pensée n'est pas dérangée, mais c'est l'insertion de la pensée dans le réel quise trouve dérangée.

L'hypothèse d'une équivalence entre le mental et le cérébral est d'ailleurs contradictoire avecelle-même :. « Réfléchissez maintenant à ce qu'on observe dans l'aphasie progressive, c'est-à-dire dans les cas où l'oubli desmots va toujours s'aggravant.

En général, les mots disparaissent alors dans un ordre déterminé, comme si la maladieconnaissait la grammaire : les noms propres s'éclipsent les premiers, puis les noms communs, ensuite les adjectifs,enfin les verbes.

Voilà qui paraîtra, au premier abord, donner raison à l'hypothèse d'une accumulation des souvenirsdans la substance cérébrale.

Les noms propres, les noms communs, les adjectifs, les verbes, constitueraient autantde couches superposées, pour ainsi dire, et la lésion atteindrait ces couches l'une après l'autre.

Oui, mais la maladiepeut tenir aux causes les plus diverses, prendre les formes les plus variées, débuter en un point quelconque de larégion cérébrale et progresser dans n'importe quelle direction : l'ordre de disparition des souvenirs reste le même.Serait-ce possible, si c'était aux souvenirs eux-mêmes que la maladie s'attaquait? Le fait doit donc s'expliquerautrement.

Voici l'interprétation très simple que je vous propose.

D'abord, si les noms propres disparaissent avantles noms communs, ceux-ci avant les adjectifs, les adjectifs avant les verbes, c'est qu'il est plus difficile de serappeler un nom propre qu'un nom commun, un nom commun qu'un adjectif, un adjectif qu'un verbe : la fonction derappel à laquelle le cerveau prête évidemment son concours devra donc se limiter à des cas de plus en plus faciles àmesure que la lésion du cerveau s'aggravera.

Mais d'où vient la plus ou moins grande difficulté du rappel? Etpourquoi les verbes sont-ils, de tous les mots, ceux que nous avons le moins de peine à évoquer? C'est toutsimplement que les verbes expriment des actions, et qu'une action peut être mimée.

Le verbe est mimabledirectement, l'adjectif ne peut l'être que par l'intermédiaire du verbe qu'il enveloppe, le substantif par le doubleintermédiaire de l'adjectif qui exprime un de ses attributs, et du verbe impliqué dans l'adjectif, le nom propre par letriple intermédiaire du nom commun, de l'adjectif, et du verbe encore; donc, à mesure que nous allons du verbe aunom propre, nous nous éloignons davantage de l'action tout de suite imitable, jouable par le corps; un artifice de. »

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