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Les règles de l'art sont-elles des règles du jeu ?

Publié le 12/03/2009

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Il s’agit de se demander si les pratiques, les procédés opératoires, les théories de la création agissent sur la pratique artistique de la même manière que la règle du jeu (en tant qu’énoncé fondateur du jeu qui délimite un protocole immuable d’actions) engendre du jeu. Il nous faut évaluer les rapports entre d’un coté les règles de l’art qui donnent lieu à une pratique en posant les critères de l’œuvre réussie et de l’autre coté les règles du jeu qui organisent le déroulement de l’action en posant des possibles, des obligations, des buts.

L’artiste qui ne suit pas les règles de l’art joue t-il un autre jeu que celui de la création ?

La question concerne le champ de la liberté de la création. En effet si les règles de l’art sont des règles du jeu alors l’artiste doit s’y conformer et chercher à en explorer les possibles.

Tout d’abord, les règles de l’art, comme celles du jeu, sont conventionnelles, elles sont le résultat d’un accord explicite ou non sur un mode opératoire.

Mais les règles de l’art et du jeu s’opposent par leur rapport au droit, à la légitimité.

Cependant ces règles permettent d’accéder à un autre aspect de la soumission, elles permettent à l’agent d’accéder à, d’une part la liberté et d’autre part le plaisir.

 

« La règle du jeu fonctionne comme une sorte de mini code civil.

Elle est un ensemble de droits et de contraintes aveclesquelles le joueur doit s'arranger.

La règle du jeu présente comme la loi un caractère prescriptif nécessaire.

Apartir du moment où les joueurs ont convenu des règles ils ont le devoir de s'y tenir.

La règle du jeu détermine lesconditions du déroulement du jeu.

La règle de l'art, elle, est plus un objectif à atteindre qu'une loi d'action.

Si la légitimité de la règle du jeu se fonde dans le principe même du jeu (en effet le jeu n'existe que par des règlesqui en sont l'acte fondateur) les règles de l'art semblent relever simplement de ce que la tradition aurait retenucomme bon.

Picasso en peignant sans respecter la règle de la perspective n'en fait pas moins de la peinture avecune grande valeur artistique.

Aussi les règles de l'art semblent avoir un caractère moins nécessaire que celles du jeuet beaucoup d'artistes se positionnent en dehors de toute règle.

Cependant ces pratiques contemporaines quiessayent de faire de l'art sans règle sont assez mal accueillies et on les accuse souvent de n'être pas de l'art.

Restenéanmoins que l'art peut détourner les règles, jouer avec, les modifier, les nier ce qui est impossible dans le jeu oùmême la triche relève des règles, en effet le tricheur ne fait que se positionner par rapport à la règle, il ne s'enextrait pas.

La règle semble donc entrer dans la définition même du jeu alors qu'elle n'est que périphérique à celle del'art.

Cependant les règles de l'art peuvent porter l'idée du droit naturel là où les règles du jeu restent artificielles.

Eneffet le classicisme présente les règles de l'art comme l'énoncé de ce qui est naturellement beau.

Les règles deversification par exemple se présentent comme la théorisation de ce qui est naturellement beau, agréable à l'oreille.Ainsi la règle de l'art es présente comme une loi, elle serait simplement l'expression de ce qui doit être.

ErwinPanofsky explique cette façon dont se présente la règle par le fait qu'une règle en art incarne une représentationsymbolique relative à une société et une époque.

Par exemple pour l'art égyptien il explique que si les humains sontreprésentés sans relief, de face ou de profil, dans des positions figées, c'est pour exprimer une vision du tempscomme éternelle, c'est la volonté de s'inscrire dans cette éternité qui suscite cette règle.

Ainsi elle serait plutôt latraduction implicite de la façon de penser d'un groupe d'individus et le fait qu'elle soit prise pour naturelle s'explique.D'autre part cette façon de présenter la règle comme nécessaire est critiquée notamment par Victor Hugo dans lapréface de Cromwell .

Il y dit que les règles de l'unité de temps et de lieu au théâtre sont totalement arbitraires et qu'elles n'ont aucune raison d'être si ce n'est de contrôler la création artistique.

Pour lui elles sont le contraire d'uneloi de nature.

Ainsi selon Hugo la règle de l'art serait comme la règle du jeu c'est-à-dire relative aux hommes qui lesfont.

La convention s'établit entre les groupes de joueurs qui ont l'habitude de jouer avec telle ou telle règle et cesans que la règle soit pensée comme la seule ou la meilleure possible.

Nous avons donc des règles du jeu qui se légitiment par ce qu'elles fondent le jeu, qui sont arbitraires dans le but decréer du jeu.

Nous pouvons les opposer aux règles de l'art qui ainsi qu'elles ont été critiquées par le Romantismeentravent la création plus qu'elles ne la génèrent.

Mais du point de vu des académiciens les règles de l'art sontl'expression des lois de nature ce qui fonde leur légitimité, en opposition aux règles du jeu qui sont délibérémentsubjectives et arbitraires.

Mais ce coté législateur de la règle ne peut il pas être dépassé dans les deux domaines par l'ouverture qu'elle offre àl'expression de la liberté ? La règle du jeu est nécessaire au jeu en ce sens qu'elle crée un espace de possibles et de contraintes dans lequel lejoueur exerce sa liberté.

L'amusement, le plaisir qui émanent du jeu ne sont rendus possibles que par la règle.

Un jeuoù to ut est permis n'a plus d'intérêt.

Le plaisir naît de la satisfaction d'avoir accompli une cation malgré la difficulté,d'avoir été inventif, rusé, et d'avoir réussit à atteindre son but.

Il en va de même dans l'art, même si la règle a étécritiquée, rejetée, chaque artiste a des règles de création.

Aucun art ne s'exprime en dehors de toute règles.

Eneffet en essayant d'échapper à une règle l'artiste ne fait qu'en créer une autre.

L'impressionnisme naît de la volontéde se détourner d'une peinture qui représente les formes par des lignes et d'inventer une façon de peindre détachéede cette règle.

Cette idée est développée par Kant au paragraphe 46 de la Critique de la faculté de juger lorsqu'il explique l'idée du génie en art.

« Le génie donne ses règles à l'art », l'artiste génial, c'est-à-dire celui qui possède untalent, un don inné, connaît les règles de l'art et peut les dépasser pour en inventer d'autres.

Lak règle est doncnécessaire à l'art comme au jeu.

La règle de l'art fonctionne donc comme celle du jeu : elle est arbitraire, mais c'està l'intérieur de cette règle, et à l'intérieur seulement que peut se déployer la liberté créatrice et le plaisir de créer.

Dans la Poétique Aristote présente l'art comme imitation.

L'imitation de la nature est la règle de l'art.

Or si l'imitation est posée comme règle c'est parce qu'elle constitue un plaisir naturel chez l'homme.

L'homme a naturellementtendance à imiter et à apprécier les imitations.

Ainsi si la règle du jeu est là pour générer du jeu c'est-à-dire del'amusement, du plaisir, la règle de l'art fonctionne de la même manière en ce qu'elle montre où se trouve le plaisir dela création.

De même que Kant disait qu'il n'y a pas de liberté sans contrainte, il apparaît ici qu'il n'y a pas de plaisirsans règle.

La règle est donc la porte d'entrée dans la liberté et le plaisir, elle stimule l'imagination qui doit inventerdes moyens de créer ou d'agir sans pour autant déroger à la règle.

La règle ne contraint pas l'imagination, elle laforce encore plus à produire des projections, des images.

La règle de l'art serait alors, comme la règle du jeu,fondatrice d'une pratique qui bien loin de nous limiter nous ouvre la sphère des possibles.. »

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