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Les sciences construisent-elles leurs objets ?

Publié le 15/11/2005

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Ainsi les physiciens ont-t-ils découvert des photons, des champs de force ou des trous noirs qui préexistaient dans la nature indépendamment de leurs démarches intellectuelles. Problème : Si l'on choisit le réalisme, l'on est obligé pour être conséquent de soutenir que chaque nouvel énoncé effectivement intégré aux sciences est vrai et qu'il constitue un acquis définitif puisqu'il accède à la vérité et qu'il ne peut y avoir qu'une seule vérité. Les sciences iraient ainsi de découvertes en découvertes. Mais il faudrait pour cela que l'on dispose à chaque instant de critères infaillibles permettant de distinguer définitivement le vrai du faux. Sans quoi, rien n'empêche un énoncé déclaré vrai à un moment d'être ultérieurement décrété faux ou vice versa, ce qui est incompatible avec l'idée d'une accumulation des découvertes. Le réaliste devrait donc posséder un verdict absolu, mais l'histoire des sciences semble invalider une telle hypothèse d'un progrès continu de la science. Transition : L'impossibilité d'invoquer un verdict absolu en matière scientifique et les multiples remises en cause des théories scientifiques réfutent-elles le réalisme scientifique ?   La science considérée comme un outil. a) L'histoire des sciences tend à infirmer le réalisme. Si l'on prend par exemple les systèmes astronomiques, nous constatons que le système astronomique de Ptolémée, qui plaçait la Terre au centre de l'univers, était dans ses prévisions quasiment aussi efficace que celui de Copernic qui, de son côté, était basé sur le fait que le soleil était au centre du système, la Terre tournant autour.

Nous avons tendance à considérer intuitivement que les sciences constituent une connaissance éminente d’une part parce qu’elles portent sur ce qui est, sur ce donné qui est le monde réel et d’autre part parce qu’elles seraient capables d’en posséder une connaissance véritable. Aussi, considérer que les sciences pourraient construire leur objet ne va pas sans poser problème car, cela reviendrait à dénier aux sciences leur capacité à connaître la vérité du monde. En effet, si les sciences construisent leur objet, elles peuvent alors très bien déterminer des lois relatives à des choses qui n’existent pas, et elles perdraient alors leur contact avec la réalité et dans le même temps leur position privilégiée à l’égard de la vérité. Cela invite à se poser cette question : les sciences décrivent-elles dans leur loi le reflet de la réalité, ou ne constituent-elles qu’un outil efficace pour effectuer des prévisions sans posséder une véritable connaissance du réel ?

« La science considérée comme un outil.

2. a) L'histoire des sciences tend à infirmer le réalisme.

Si l'on prend par exemple les systèmes astronomiques, nousconstatons que le système astronomique de Ptolémée, qui plaçait la Terre au centre de l'univers, était dans sesprévisions quasiment aussi efficace que celui de Copernic qui, de son côté, était basé sur le fait que le soleil étaitau centre du système, la Terre tournant autour.

Tous deux permettaient de faire des prévisions sur la trajectoiredes astres.

Le système de Ptolémée s'est pourtant révélé faux par la suite et a été remplacé par celui de Copernic.Cet exemple nous prouve qu'on ne peut pas concevoir la science comme une accumulation continue deconnaissances et que la vérification des prédictions ne permet pas de confirmer qu'un système correspond au réel.Bien au contraire, le fait que deux énoncés contradictoires permettent des prédictions identiques aurait tendance ànous pousser à considérer que ces énoncés ne correspondent pas du tout au réel, puisqu'ils peuvent tout deuxdécrire une même réalité et être pourtant différents.b) Comme l'écrit Einstein : « la physique décrit la “réalité”.

Or, nous ne savons pas ce qu'est la “réalité”, nous ne laconnaissons qu'à travers la description qu'en donne la physique ! » (Lettre à Schrödinger du 19 juin 1935) L'hommene connaît en effet de la réalité que ce qu'en disent les théories, il n'a aucun accès à la réalité en soi, mais c'estlui-même qui écrit ces théories.

En réalité, il est probable que les théories scientifiques n'aient pas à êtrelittéralement comprises : ce ne sont en fait que des instruments pour classer, prédire et agir sur les phénomènes.Les entités qu'elles mentionnent ne sont que d'utiles fictions intellectuelles.

Cette position constitue celle quesoutiennent les antiréalistes, qui opposent à la thèse de la théorie-reflet soutenue par les réalistes celle de lathéorie-outil.

La science est alors ramenée à un simple instrument permettant de faire des prévisions.c) Ainsi, du point de vue de l'antiréalisme, le physicien construit voire invente des entités et des processus, en vuede prévoir et de produire des événements.

Le terme « atome », par exemple, n'est pour l'antiréaliste qu'une manièreabrégée de désigner une classe de procédures expérimentales.

Cela ne signifie aucunement que les atomes existenteffectivement dans la nature indépendamment de l'homme qui en parle.

Passant du registre scientifique au registremétaphysique, un philosophe comme Berkeley ira même jusqu'à soutenir que le monde matériel n'est qu'unereprésentation des sujets humains, qu'il n'a pas d'existence autonome et qu'il disparaîtrait en conséquence si tousles hommes disparaissaient.

On est bien obligé, dès lors qu'on considère l'antiréalisme comme une thèse valide, deconsidérer que les sciences construisent bel et bien leur objet.Problème : Toutefois, si la science construisait totalement son objet, et si la réalité n'était rien de plus que le fruitde l'imagination du sujet pensant, la science pourrait entièrement modeler la réalité.

Si le monde n'est rien de plusque la représentation que s'en font les humains, alors il suffit à ces humains de changer leur représentation dumonde pour changer le monde.

Pourtant, nous constatons bien que cela n'est pas possible, et que, par ailleurs, uneréalité extérieure contraint les théories scientifiques à certaines nécessités. Transition : L'incapacité de l'homme à changer le monde en changeant sa représentation de celui-ci ne nous invite- t-il pas à penser que ce monde existe indépendamment de nous ? La science considérée comme une interprétation humaine du réel extérieur.

3. a) « Par quoi le pouvoir de connaître serait-il éveillé et mis en exercice, si cela ne se produisait pas par des objetsqui frappent nos sens (…) ? » ( Critique de la raison pure , Introduction, I, De la différence de la connaissance pure et de la connaissance empirique) interroge Kant.

En effet, même si la science ne reflète pas absolument le réel, ilest indéniable que nous sommes touchés par des perceptions communes qui éveillent notre raison.

Si le sujet n'avaitpas d'objets à penser, il est probable qu'il ne penserait pas.

Il existe donc bien des objets réels qui viennent à nouspar la perception, et ce sont ces objets que nous interprétons pas la science.b) Cela étant, tirant profit de la critique du réalisme, nous pouvons affirmer qu'il est peu probable que ce réel quenous percevons, nous soyons capables de le percevoir tel qu'il est vraiment.

En réalité, nous percevonsnécessairement le réel à travers la structure de notre esprit (ce que Kant nomme la structure de la « subjectivité »,c'est-à-dire du sujet).

Et cette structure du sujet, Kant nous enseigne qu'elle est bornée par l'espace et le temps.L'espace et le temps constituent la structure de notre mode de connaissance, ce sont les conditions permettantune connaissance humaine, et nous ne pouvons rien connaître avec assurance en dehors d'eux.

Toutefois, rien nenous prouve que le monde extérieur soit, quant à lui, structuré selon l'espace et le temps.

Peut-être l'espace et letemps n'existent-t-il que pour l'homme, et ainsi ne connaîtrions-nous le réel qu'à travers ce prisme, et ainsi d'unemanière déformée.c) De la sorte, nous pouvons considérer que les sciences sont contraintes par la réalité extérieure et nous pouvonsaffirmer que l'objet de la science influe sur le contenu de celle-ci.

La théorie scientifique ne peut en effet pas êtren'importe quoi.

Les caractéristiques particulières du monde en soi contraignent l'élaboration théorique, même si leproduit de toutes les contraintes ne ressemble pas à la réalité indépendante.

Nous pourrions ainsi oser cetteassertion selon laquelle les sciences ne construisent pas leur objet, mais l'interprètent, et que cette interprétationest fatalement conforme à la structure de la subjectivité humaine.

Il y a donc bien un objet extérieur à la science,et la science ne peut pas s'en emparer n'importe comment, mais il est assurément possible que plusieurs outilspermettent de l'interpréter.

Conclusion : Dans une première partie, nous avons exposé le point de vue du sens commun, la position dite réaliste, et d'aprèslaquelle les sciences atteignent leur objet dans leurs investigations.

Nous avons ensuite montré en quoi cetteperspective était biaisée et avons exposé la thèse de la théorie-outil.

Suite à cela, nous avons cependant affirmé. »

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