Devoir de Philosophie

Les sciences de la matière. — La méthode expérimentale.

Publié le 05/10/2017

Extrait du document

Qu’est-ce à dire ? — Rien de plus, ni rien de moins que ce qui vient d’être exposé, touchant le caractère « abstrait » de toute pensée scientifique. Et si nous y insistons, quand même, c’est que trop souvent le débutant est déconcerté par cette vérité pourtant simple. Il songe que le sàvant — mis à part le mathématicien — s’occupe bien de choses réellement existantes, concrètes,... et non pas d’un vague irréel. Pour vaincre cette impression première et « instinctive », regardez autour de vous, et fixez votre attention sur n’importe quel objet particulier. Soit, dirons-nous, ce vase de cristal contenant quelques roses. Supposez maintenant que, au lieu de vous borner à la simple perception, aux sensations de couleur, de parfum, etc., vous décidez, comme par jeu, de considérer tout cela scientifiquement. Vous constaterez aussitôt (et cela nous rappellera le problème de l’éléphant, évoqué au précédent chapitre) :

La Baleine, le Tigre, la Chauve-Souris sont des Mammifères.

 

En quoi le terme Mammifère est-il abstrait ? Tout simplement parce que c’est un caractère pris à part, une notion en même temps générale, utilisée pour définir et désigner. En effet, abstraire, c’est considérer à part une qualité d’un objet, d’un être (etc.) en négligeant momentanément les autres. Et généraliser, c’est appliquer une idée abstraite à un nombre indéterminé d’êtres ou d’objets.

2° que ce sont vos savoirs, antérieurement acquis, et non votre perception toute nue, qui vous permettent ces abstractions, lesquelles sont autant de « faits scientifiques ». Imaginez maintenant que le même objet soit considéré par un homme ignare : rien ne sera discernable, pour lui, sinon l’aspect global de ce vase garni de roses...

 

Revenons à notre propos sur le fait scientifique, et résumons-nous en disant : ce n’est jamais ce qui est fourni par les seules- données des sens. C’est une « vue de l’esprit » sur les choses.

 

Sans doute, en ses lointains débuts, la connaissance a dû passer par de longs tâtonnements avant de parvenir à une conceptualisation rationnelle. Moins les savoirs sont précis, et plus on se trouve en face du fait brut.

 

Un phénomène non encore étudié, comme l’était, dans la jeunesse de Louis Pasteur, la maladie des vers à soie, se présente d’abord comme un fait brut. S’il faut en croire ce qu’a raconté l’entomologiste Fabre, Pasteur ignorait ce qu’est un cocon. Fabre (alors simple instituteur) ayant été mis à la disposition du jeune savant venu de Paris, lui apporte une corbeille pleine de cocons. Pasteur regarde curieusement ces menus objets, en prend un, le secoue près de son oreille et s’étonne : « Qu’y a-t-il à l’intérieur ? »... Fabre doit lui apprendre ce que c’est qu’une chrysalide...

 

En admettant même que l’entomologiste n’ait pas exagéré dans son récit (où perce une vague jalousie) la candeur du jeune Pasteur, celui-ci n’eut donc que plus de mérite à découvrir la cause du mal et à trouver le moyen d’y remédier. Moins de vingt jours après sa première visite à Fabre, il avait conçu les données essentielles du problème. Le fait brut était devenu un fait scientifique.

« SCIENCES DE LA MATIÈRE.

-LE FAIT SCIENTIFIQUE 85 la Chauve -Souris pour un Oiseau.

L'assimilation des choses entre elles autrement dit la conceptualisation vaudra donc ce que valent les savoirs sur lesquelles elle s'appuie.

Ce que nous apprenons dans les écoles, dans les universités, dans les livres, ce sont les notions rectifiées, précisées, augmentées par le progrès des sciences.

Naturellement, ce progrès a exigé souvent de nouveaux concepts (ex.

: électron, plasma, germen, gan1ètes, ·etc.) correspondant à la découverte de réalités autrefois ignorées.

S'instruire , c'est, en somme, acquérir la connaissance la plus riche et la plus exacte possibles des notions qui sont sous-entendues par les mots désignant des concepts.

Nous sentons bien qu'un même mot -le mot atome, par exemple ­ n'a pas la même signification quand il est employé par un profane ou par un spécialiste éminen:.

Dans la pensée d'un EP!CURE ou d'un LucRÈCE, il avait un contenu d'une extrême pauvreté, si nous le com­ parons avec ce qu'il représente de nos jours pour un Niels BoHR ou un Louis de BROGLIE.

2° L'assimilation des choses à l'esprit est étroitement liée à l'assi­ milation des choses entre elles.

Elle en est le principe, plutôt que la conséquence.

C'est ce qu'il entre de rationnel, de progressif dans l' assimilation primitive fondée sur des ressemblances ou analogies superfi cielles.

C'est aussi, dans une proportion variable, selon la complexité des objets étudiés, selon l'état d'une science à un moment donné, la possibilité de saisir ce que nous avons appelé la raison intelli gible d'un phénomène .

3° L'as simila tion des esprits entre eux.

Cela signifie que la Science n'est pas, à proprement parler, «individuelle », même si des hommes de grande valeur ont contribué à la former.

Elle est le fait de sous­ group es, d' «équipes », dans le temps et dans l'espace.

Après, parfois, des divergences, les esprits (ajoutons : compétents) se mettent d'accord sur ce qu'ils admettent pour vrai.

Les exemples seraient nombreux, à cet égard, dans l'histoire des sciences.

Citons, dans un passé rela­ tivement récent les théories de Louis Pasteur, celles d'Albert Eins­ tein, etc ...

Pour le moment, retenons surtout, puisque nous allons analyser ce qu'il faut entendre par fait scien tifiqu e, l'assimilation des choses entre elles.

Nous espérons avoir permis de bien comprendre ce que signifie abstraire (en même temps que généralise r), et par conséquent, en quoi consiste la « conceptualisation du réel » ••• II .

- QU'EST-CE QU'UN FAIT SC IENTIF IQUE ? Une boutade qui nous semble précieuse sous son allure paradoxale est celle du naturaliste Frédéric HouSSAY (186o- I920) • Un fait, cela n'existe probablement pas"··· Précieuse pour l'étudiant, car elle résume très bien ce qu'il faut avoir compris du fait scientifique.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles