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LES VOYAGES DE DESCARTES ET SA MORALE PROVISOIRE

Publié le 15/03/2011

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   En 1617, à l'âge de vingt et un ans, poussé par son goût naturel pour le métier des armes et pour la vie aventureuse autant que par sa curiosité scientifique et son désir de voir le monde, Descartes s'engage dans l'armée de Maurice de Nassau. Il commence par passer deux années à Bréda (1617-1619), pendant la trêve conclue entre les Espagnols et les Hollandais. Il se livre alors à des occupations qui n'ont rien de proprement militaire; mêlé à la société des savants dont aimait à s'entourer le prince de Nassau, il a l'occasion de se faire remarquer par son habileté à résoudre les problèmes de mathématiques les plus compliqués. C'était à cette époque la mode des tournois scientifiques : chaque fois qu'un mathématicien avait résolu une nouvelle question, il annonçait qu'il avait fait une découverte, mais sans la faire connaître, et il mettait ses rivaux au défi de trouver à leur tour la solution qu'il possédait déjà. Dans ces luttes de l'esprit, Descartes étonna souvent ses contemporains par la rapidité de ses victoires : ce fut à Bréda qu'il remporta ses premiers succès. Il entra en relations très suivies avec un mathématicien de Dordrecht, M. Beckmann, et il écrivit à son intention un petit traité sur la Musique où il explique les principales règles de l'harmonie en les fondant sur les lois de l'acoustique. Il commençait en même temps à rassembler des expériences et des réflexions sous forme de notes ou de courts chapitres.

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« agir, c'est laisser agir pour nous la nature et les autres hommes, c'est abandonner la direction de notre vie aucaprice de forces ou de volontés étrangères à nous; c'est s'exposer aux pires infortunes.

S'il n'y a aucuninconvénient à prolonger indéfiniment des doutes purement spéculatifs, combien les réflexions intempestivespeuvent nuire à notre action! Ainsi, en attendant qu'il ait reconstruit la science et, avec la science, la morale,Descartes conformera sa vie à un certain nombre de règles pratiques qui constitueront une morale provisoire. Malgré toutes les précautions dont il va s'entourer pour ne point faillir à sa tâche, Descartes se rend compte del'audace de son dessein et des dangers qu'il court.

S'il ne recule pas, c'est qu'il se sent l'âme forte.

Il ne conseilleraitpas au premier venu de suivre son exemple.

Tous les hommes ne sont pas en mesure de parvenir jusqu'à lacertitude, après avoir ouvert leur pensée au doute.

Quand on a renoncé aux croyances qui n'ont d'autre fondementque l'habitude et que l'on se met en quête d'affirmations certaines, il faut procéder avec méthode.

Mais la méthodeimplique une certaine modération de la volonté.

Nous ne devons pas nous laisser emporter par trop d'ardeurdogmatique et juger avant que la raison le permette.

D'autre part, une volonté trop faible ne donnera pas àl'intelligence cette impulsion sans laquelle la pensée, inerte, reste perpétuellement identique à elle-même.

Presquetous les esprits pèchent, soit par excès, soit par défaut d'initiative.

Les uns affirment impétueusement ce qu'ils necomprennent pas, les autres craignent toujours d'affirmer.

Aussi la majorité des hommes doit-elle se contenter desuivre les indications qu'une élite lui fournit, sans les discuter.

Il serait dangereux que tous renouvellent le libreexamen des opinions traditionnelles.

Combien d'entre nous ne sont faits que pour la croyance, non pour la science !Ceux-là ne gagnent rien à s'affranchir de l'autorité des grands esprits.

Si la science ne se passe pas de liberté, ilfaut bien que la plupart des hommes se passent de science. Descartes croit, pour sa part, pouvoir échapper au double péril du jugement téméraire et du scepticisme.

Mais il estun autre inconvénient de son entreprise qu'il n'envisage pas sans quelque inquiétude.

La limite qui sépare la sciencede l'action est indécise.

Toute réflexion de l'intelligence se traduit en quelque mesure par une réforme de la vie.

Est-il possible de renoncer à toutes les opinions traditionnelles en matière spéculative sans toucher en même temps nonseulement à la morale, mais à la politique et à la religion? Le principe du libre examen une fois posé, commentjustifier une seule exception à cette règle qui n'a de sens que si elle est absolue? Ici Descartes s'effraie : soittimidité de caractère, soit timidité d'esprit, il ne veut pas étendre aux questions religieuses et sociales les bienfaitsde sa méthode.

Il ne veut se brouiller ni avec l'Église, ni avec les gouvernements.

Il met à part les mérités de la foi;il reste catholique fervent; il accepte sans les discuter tous les dogmes de sa religion.

Il prend également le parti dene rien innover en politique : les États sont de grands corps trop malaisés à relever étant abattus ou même à retenirétant ébranlés, et leurs imperfections sont toujours plus supportables que ne serait leur changement.

Si même saphilosophie implique une certaine conception de la vie, une certaine morale, il ne cherche pas à l'imposer aux autreshommes ; bien plus, il se gardera de l'exposer nettement, de peur qu'on ne puisse l'interpréter comme contraire auxprescriptions de la religion ou aux lois de l'État.

Si Descartes eut une faiblesse, ce fut à coup sûr celle-là : il sesoucia de son repos et de son indépendance plus que du bonheur de ses semblables et du triomphe de la vérité. D'ailleurs il est probable que Descartes se fil à lui-même illusion sur les motifs de sa prudence en matière politique oureligieuse : il ne crut pas avoir peur d'être inquiété, il se persuada que son respect pour l'autorité légitime de l'Égliseou du Roi lui faisait un devoir de limiter sa réforme à la science et à sa conduite privée.

Ce fut sincèrement et debon cœur qu'il resta loyal sujet et fidèle chrétien.

Ce qui tend à le prouver, c'est la façon dont il raconte lui-mêmecomment s'acheva cette fameuse journée du 10 novembre 1619, si féconde pour lui en réflexions décisives.

Le soirvenu, il se coucha et il eut un songe étrange, qu'il interpréta, au réveil, comme une révélation divine.

« J*1 futassez hardi, nous dit un de ses biographes, pour se persuader que c'était l'Esprit de Vérité qui avait voulu lui ouvrirles trésors de toutes les sciences; » et il fit vœu d'aller en pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, pour remercier Dieude la grâce qu'il lui avait accordée.

L'enthousiasme philosophique dont le savant déborde éveille chez le croyant unsentiment profond de reconnaissance religieuse et d'humilité. A partir de cette journée mémorable du 10 novembre 1619, Descartes ne songe plus qu'à réaliser son projet : fonderune science certaine sur les ruines de la science traditionnelle.

Mais il n'a que vingt-trois ans ; il se sent bien jeunepour mener à bout une entreprise aussi considérable; il en remet l'exécution à plus tard ; et, en attendant, ils'entoure de toutes les précautions qu'il a jugées nécessaires au succès de son œuvre.

Il cherche à définir saméthode et à en acquérir la pratique par un exercice continuel ; il se hâte avant tout de constituer la moraleprovisoire dont il a besoin pour vivre, jusqu'à ce qu'il ait réformé ses pensées. Déterminer les règles d'une morale provisoire, c'est la partie la plus facile de sa tâche : car il ne se propose pas icide découvrir des vérités nouvelles ni même de s'assurer que les opinions traditionnelles sont des vérités, il ne se meten quête que de vraisemblances et de probabilités.

La science ne se fonde pas sur la tradition, sur l'habitude ; lavérité doit être sans cesse remise en question ; la certitude n'est jamais que la solution d'un doute.

L'action aucontraire, qui précède nécessairement la science (car nous vivons avant de savoir ce qu'est la vie, nous agissonsavant de connaître le Bien), l'action se fonde tout d'abord sur l'habitude, sur la coutume, sur la tradition, enattendant qu'elle trouve dans la pensée réfléchie son véritable fondement.

Pour le moment, Descartes devantemprunter les préceptes de sa morale à la sagesse commune, rien ne lui paraît plus aisé que d'en former un système: «Les maximes des sages « peuvent être ramenées à un très petit nombre « de règles générales.

» Dans toute action nous devons distinguer la part de l'intelligence qui nous fait connaître des buts à poursuivre et lesmoyens de les atteindre, celle de la volonté qui décide et exécute, celle enfin de la sensibilité qui jouit ou qui souffreet qui réclame le bonheur.

La morale doit régler notre action: elle doit donc imposer une règle à notre intelligence,une règle à notre volonté, une règle enfin à notre sensibilité.. »

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