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L'esprit scientifique est-il désintéressé ?

Publié le 12/01/2010

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La pensée antique donnait de la connaissance, de la science tout entière, une définition contemplative. Le savant, par destination, devait renoncer aux « apparences « du monde sensible et se consacrer à l'étude des « essences «. La science, dans cette perspective, est la recherche de ce qui existe « en soi « et « pour soi «. Elle ne peut évidemment être que désintéressée.  A vrai dire, on trouve déjà chez certains sophistes, par exemple Protagoras, et chez certains disciples de Platon, par exemple  Aristote, l'amorce d'une définition tout autre de la science. Elle est reliée à la sensation, au monde réel, que le savant cherchera â cerner par des observations attentives et répétées.

 Mais il faut attendre Descartes, et de façon encore plus nette les encyclopédistes du XVIIIe siècle, pour que cette définition de la science se trouve radicalement révoquée en doute. Dans le Discours de la Méthode, Descartes lui assigne ouvertement comme but de rendre l'homme « comme maître et possesseur de la nature «. Mais ce n'est encore là qu'une aspiration ; c'est seulement aux XVIIIe et XIXe siècles que les savants renonceront à déduire des systèmes et s'efforceront d'observer systématiquement la nature pour lui arracher ses secrets. On amorce ainsi une nouvelle -définition de la science et on met l'accent sur les rapports qui la tiennent avec l'action humaine Bien entendu, cette définition est loin d'être acceptée par tous : aussi bien, beaucoup de facteurs interviennent qui confèrent à la science les apparences d'une activité désintéressée.  A quoi tient l'idée fort répandue suivant laquelle la science serait une activité désintéressée ?

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« combattre un fléau? Par exemple, c'est le désir de lutter contre la rage qui a amené Pasteur à ses études sur levirus et les microbes dont on connaît l'immense portée théorique.Le savant qui travaille en liaison avec les problèmes pratiques posés par la vie, par les techniques, dispose parsurcroît d'une aide qu'on ne saurait négliger : les techniciens, les travailleurs de l'industrie et de l'agriculture luifournissent une masse d'observations et d'expériences qu'il ne pourrait jamais réunir seul.

Il est assurément trop tôtpour se prononcer sur la valeur scientifique des découvertes de Mitchourine ou de Lissenko dans le domaine de lagénétique, mais il est certain que ces deux savants, précisément parce qu'ils travaillaient en liaison avec ledéveloppement de l'agriculture,-- ont réussi à accumuler une extraordinaire quantité d'informations et d'expériencesqui feront de toute façon progresser la science et auront contribué à élever les possibilités créatrices de l'humanité.Il ne faudrait pas en tirer, cependant, que les lois de Mendel ne sont plus valables ou que les recherches de Morganont perdu de leur intérêt.La notion d'une science désintéressée est sans doute flatteuse ; mais elle contredit en définitive la notion même descience ; en effet, par définition, la science n'est pas connaissance pure, mais liaison entre théorie et pratique.

Elleest prévision et action.Il y a lieu ici de se souvenir du commentaire dont Kant a fait suivre l'adage : « Ceci est vrai en théorie et non enpratique ».

Dire d'un médecin qu'il est bon en théorie mais qu'il n'a pas de pratique, c'est évidemment une sévèrecritique.

Cela ne revient-il pas à affirmer qu'il ne connaît pas suffisamment la théorie de son métier ? Car si c'était lecas, il saurait l'appliquer ; la formule signifie donc qu'il ne connaît ni la pratique ni la théorie.

Inversement, dire d'unmédecin qu'il est bon praticien cela signifie qu'il connaît à la fois la pratique et la théorie.

Il a, si l'on peut dire, lathéorie de sa pratique.Cette analyse marque bien la liaison profonde entre la pensée et l'action qui caractérise la science et qui est tropsouvent passée sous silence.Comme le notait Descartes, l'esprit humain est un.

La complexité du réel est si grande qu'il a bien fallu distinguer lessciences, les ériger en disciplines particulières caractérisées chacune par leur objet et une méthode spécifique.Cette compartimentation ne doit pas nous faire oublier que, dans leurs principes comme dans leurs buts, lessciences ne sont point séparées.On pose parfois le problème des rapports entre les sciences et la morale, comme s'il s'agissait de disciplinesdistinctes.

Mais examinons le problème de plus près.

La science, c'est l'esprit de l'homme organisant l'univers,arrachant à la nature ses richesses ; et la morale, c'est encore l'homme, mais organisant sa vie dans la nature, etrépartissant équitablement les richesses ainsi conquises.

Les sciences de l'homme sont les plus tardives, car l'hommeest justement l'objet le plus complexe que puisse se proposer l'intelligence humaine.

Le but des sciences de lanature est évidemment le même que celui des sciences de l'homme.Il s'agit non seulement de connaître le monde, mais de le transformer et de le rendre plus humainPeut-on dire, dans ces conditions, que la science est désintéressée ? Oui, si l'on joue sur les mots, si l'on songe àcette soif de profit que l'on voit répandue dans notre société.Non, si l'on donne au mot intérêt son sens exact.

« Je suis homme, disait Térence, et rien de ce qui est humain nem'est étranger.

» La science, œuvre humaine, ne saurait se désintéresser de l'homme.. »

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