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L'État est-il l'ennemi de la liberté ?

Publié le 17/01/2022

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La société organisée, dotée d'un gouvernement et d'organes administratifs, est-elle l'adversaire de la liberté, du mode d'être de celui qui agit indépendamment des contraintes externes, qui jouit des institutions de la cité, qui se détermine rationnellement ? L'État permet-il d'accéder à la rationalité ? Est-il, au contraire, lié à un mal qui affecterait le pouvoir politique ? Dans ce dernier cas, l'État est-il capable ou incapable d'incarner l'universel ? Dès lors, est-il possible d'accéder, en dehors de tout État, à une société réconciliée avec elle-même ? Autant de questions soulevées par l'intitulé. Le problème central est celui de savoir si l'État est lié à l'idée d'un mal affectant le pouvoir politique, de manière intrinsèque et quasi nécessaire.
  • A. L'État est l'ennemi de la liberté.
a) Défini comme ordre, système et autorité (Proudhon), l'État s'oppose à la liberté individuelle. b) Lié au Droit sur lequel Il repose (Stirner), l'État est l'ennemi du dynamisme du moi, de la libre activité de l'« unique « (le Je Irréductible). c) Lié à la religion, forme passagère de la société (Bakounlne), l'État est l'ennemi des masses et des esclaves, mais aussi des gouvernants, donc l'ennemi de toute liberté (Marx).
  • B. État et passage à la libre Raison : l'État n'est pas l'ennemi de la liberté.
S'il s'oppose à la libre activité de l'« unique «, l'État est, en réalité, moyen d'accès à une rationalité libre (Spinoza, Hegel), à une véritable autonomie.
  • C. État et passage à la moralité.
L'État fait accéder à l'objectivité de la loi, parce qu'il incarne la Raison : signifiant le passage à la moralité, il n'est pas l'ennemi de la liberté définie comme autonomie.

« a) Rappel sommaire de la conception hégélienneHegel considère que l'Etat ne résulte pas d'un contrat passé entre lesindividus, mais qu'il est une entité autonome, qui leur préexiste.

Les individusne prennent conscience d'eux-mêmes qu'au sein du groupe, ils n'existent quedans et par l'Etat.

Mieux même, l'Etat qui incarne la « Raison en acte », estl'horizon indépassable ; c'est en son sein que peut prendre tout son sens laquestion de la liberté.

Elle ne résulte que de l'évolution de l'humanité, et nond'une quelconque nature de l'homme.

Elle n'est pas une donnée, mais undevenir, qui se relie étroitement à la progressive maîtrise que l'humanitéacquiert sur le monde et, par conséquent, sur elle-même.

L'Etat est doncproducteur de liberté, mais on voit que le sens du terme liberté est trèsdifférent de l'analyse précédente. Il n'y a de liberté véritable que dans et par l'État. «L'État, comme réalité en acte de la volonté substantielle, [...] est lerationnel en soi et pour soi [...] dans lequel la liberté obtient sa valeursuprême.

» Hegel, Principes de la philosophie du droit (1821). • Hegel se situe ici dans la lignée d'Aristote, pour qui l'homme ne réalise sanature d'homme que dans la cité: c'est dans l'État que l'esprit de l'hommes'objective, sort de sa subjectivité restreinte pour se hausser au niveau de la collectivité et de l'histoire.

Par l'État, l'homme parvient au-delà de sa simple individualité.• C'est pourquoi ce n'est que dans et par l'État que l'homme réalise vraiment sa liberté.

Cela peut paraître paradoxal,puisque l'État impose ses lois à l'individu.

Mais le rôle de l'État n'est pas seulement répressif: c'est l'État qui fait del'individu un sujet de droit. b) Remarque sur la conception hégéliennePour admettre une telle vision, il faut admettre la thèse centrale de Hegel : l'accomplissement progressif de l'hommeau cours de l'Histoire.

Mais une telle hypothèse peut conduire à légitimer toute forme d'Etat pourvu qu'il soitinstrument de cet accomplissement, même au détriment d'individus particuliers.

On se référera ici à un excellentexemple de ce débat : De la tyrannie de Léo Strauss, et particulièrement à la discussion de l'auteur avec A.

Kojève,philosophe disciple de Hegel. c) Les dangers de l'Etat omnipotentDans la pratique, de nombreuses conceptions modernes de l'Etat ont voulu subordonner totalement les initiativesindividuelles à la réalisation des desseins de l'Etat.

Les différentes doctrines fascistes, par exemple, nientl'importance de l'individu et souhaitent le voir se fondre dans la collectivité, au nom d'une ambition supérieure.

Sansvouloir établir un lien précis, ce qui serait erroné, entre les thèmes hégéliens et les formes extrêmes que furent, parexemple, les systèmes fascistes, il est certain, cependant, qu'une prééminence de l'Etat soumet l'individu à unedomination qui peut apparaître comme contraire à sa liberté.

Même dans les formes dites « libérales » ou «démocratiques », ce danger n'est pas absent, d'autant plus que, dans ce cas, ces caractéristiques ne sont peut-être qu'un leurre. 3 - L'Etat, ennemi absolu ? a) Le refus libertaireLes théories libertaires du xixe siècle récusent tout à la fois l'héritage libéral et l'idée d'un état instrument de laliberté.

Pour un homme comme Proudhon, l'Etat, quelle qu'en soit la nature, est un facteur d'oppression parce qu'ilenferme l'individu dans un ensemble de règles et de contraintes qui l'empêchent de s'affirmer.

Le discoursantiétatique s'affirme avec des variantes dans différentes formes d'anarchisme, chez Stirner ou Bakounine.

Ici, lerejet est total : l'Etat est au service des propriétaires dans la société capitaliste, il deviendrait l'origine de nouveauxprivilèges dans une société nouvelle, il faut donc le détruire sans retour. b) La critique de MarxConvergente avec les précédentes sur le souhait d'une disparition de l'Etat, l'analyse de Marx en diffère dans l'étudede sa nature.

Pour lui, l'Etat n'est que le reflet d'un rapport plus profond, situé au plan économique.

Il n'est quel'écho politico-administratif d'une domination économique.

Il exprime donc nécessairement un rapport d'oppression,qui disparaîtra avec le fondement économique qui le sous-tend.

C'est pourquoi Marx et Lénine (l'Etat et laRévolution) prévoient sa dégénérescence.

Pour préciser les formes d'oppression de l'Etat dans une perspectivemarxiste, il faut relire les analyses de Louis Althusser sur les appareils répressifs et les appareils idéologiques d'Etat,recueillies dans son livre intitulé Positions. c) La réflexion contemporaineEmpruntant ses thèmes aux analyses précédentes, mais aussi à Nietzsche, la contestation contemporaine (Marcusepar exemple, ou l'Ecole dite de Francfort, avec Adorno ou Horkheimer) s'efforce de démonter les mécanismesd'oppression de l'Etat, sans parvenir à sortir de la contestation.

Si l'Etat est conçu aujourd'hui comme contraignant,rien ne paraît pouvoir se substituer à lui.. »

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