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« l'Etat est un mal radical ». Que pensez vous de cette assertion ?

Publié le 13/10/2009

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« l'Etat est un mal radical «. Que pensez vous de cette assertion ?

 

Le terme de "mal radical" est tiré du lexique religieux où il désigne un mal qui est à la fois absolu - c'est-à-dire mauvais en soi et pour tout un chacun - et originel - c'est-à-dire à la source de tous les autres maux. "Radical" renvoie en effet à la "racine" du mal et à son essence. L'Etat, en tant que forme institutionnalisée du gouvernement politique, incarnée dans une administration et une bureaucratie rassemblant toutes les institutions d'une société peut apparaître à la fois comme ce qui contrôle toutes les sphères sociales (sphères juridique, économique, politique, culturelle, etc.) et supprime dans chacune d'elle la liberté en y instaurant des règlements coercitifs. Ainsi, toute forme d'oppression, c'est-à-dire de soumission accompagnée de violence et d'inégalité, pourrait être ramenée à l'Etat. Il serait donc bien la "racine" de tous les maux sociaux et par là un mal réel, objectif, affectant tout un chacun.

  Mais si l'Etat gère les différents domaines de la société (que l'on nomme société civile pour l'opposer précisément à l'Etat) c'est semble-t-il aussi pour lui permettre de se développer et de fonctionner. S'il assure une mission d'éducation publique par exemple, c'est pour que les inégalités de richesses dans la société civile ne se répercute pas d'une génération à l'autre et applique, sous une forme imparfaite il est vrai, une égalité des chances. De la même manière, sans une juridiction sur les finances appliquée par la force publique, les échanges de marchandise ayant lieu dans la société civile ne pourraient avoir lieu. En outre l'Etat est la seule possibilité pour une société d'exister en tant qu'unité où tous s'expriment et où tous cherchent à régler les problèmes de la société. L'Etat pourrait bien alors engendrer des maux, mais ceux-ci ne seraient qu'accidentels : il n'aurait rien alors de "radical", d'essentiel et de principiel dans les maux de la société.

  En somme, cette assertion selon laquelle "l'Etat est un mal radical" est une assertion étrange qu'aussi bien les libéraux en économie que les anarchistes en politique pourraient soutenir. Le problème n'est donc pas uniquement de la juger mais de savoir quel sens on peut lui donner, et quelle utilité elle peut avoir. Nous verrons donc d'abord comment on peut la soutenir, en quoi ensuite elle est elle-même peut-être trop radicale, et enfin quelle utilité et/ou danger elle peut avoir.

 

« Ainsi, au cœur même de la pensée libérale se trouve la nécessité de voir un Etat exister pour que se développeune société civile.

Il ne saurait donc être un "mal radical", même si son intervention peut souvent être à l'origine denombreuses catastrophes, tant sur le plan économique que politique.

Mais alors, il nous faut voir en quoi l'assertionselon laquelle l'Etat est un mal radical est exagérée, et quels effets bénéfiques et même nécessaires de l'Etat elleoublie.

II./ L'Etat comme bien radical.

A./ Ce n'est pas parce que l'on reconnaît une autonomie à la société civile vis-à-vis de l'Etat que celui-ci n'est pasnécessaire ni profitable à celle-ci.

Cela peut apparaître clairement si l'on montre que la société civile, en produisantdes richesses et de l'opulence améliorant les conditions de vie, produit aussi des problèmes qu'elle n'est pas à mêmede régler elle-même.

Or la société civile, lorsqu'elle produit trop de richesses est face à un phénomène dedévaluation de la valeur de celles-ci, selon les cycles traditionnelles de l'offre et de la demande.

Les criseséconomiques ne surviennent pas uniquement lorsqu'on fait face à de la sous-production mais aussi, et c'est le cas leplus courant aujourd'hui, lorsqu'on fait face à de la surproduction.

Dès lors que des marchandises sont produites entrop grand nombre, elles voient leur valeur chuter, et ceux qui les produisent ne peuvent plus, en les vendant,acheter d'autres produits.

La valeur de ces autres produits tombe donc aussi, et leurs producteurs se retrouventeux aussi dans la misère.

De proche en proche, on en arrive à cette conclusion paradoxale : c'est l'opulence mêmeque produit la société qui l'entraîne vers la misère.B./ Cette description, certes simplifiée, des crises de surproduction engendrées par la société civile elle-même, estrassemblée dans une formule que Hegel – un des premiers à les avoir décrites – place à la fin de la partie desPrincipes de la philosophie du droit qu'il consacre à la société civile : « parmi toute sa richesse, la société civile n'est pas assez riche pour se nourrir elle-même.

» Reconnaissant les apports de l'économie politique, notamment deSmith, qui ont permis de considérer la société civile comme un objet autonome où chaque particulier est lié auxautres selon des lois universelles et nécessaires, comme des points matériels en physique dynamique, Hegel montrenéanmoins que les crises de la société civile révèlent la nécessité pour l'Etat d'y intervenir.

En effet, dans la sociétécivile l'individu est un considéré comme un particulier : il n'a plus d'attaches à une famille ou à un cercle social quiaurait le devoir de prendre soin de lui et de le nourrir.

« En tant que fils de la société civile, la société civile doitveiller à son bien-être.

» C'est donc à la société en son ensemble de l'empêcher de mourir.

Or, comme on l'a vu, lasociété civile est à l'origine des maux qui peuvent mettre en danger son existence.

Il faut que l'Etat, à travers uneéducation publique et des structures que Hegel nomme des corporations – mais qui ressemblent plutôt à dessyndicats puisqu'elles encadrent le travail des membres de la société civile – viennent assurer au sein de la sociétécivile non seulement le respect du droit mais aussi le respect de conditions de vie décentes et dignes.

Ce sont les« racine éthiques [au sens où elles influent sur les mœurs et les comportements] de l'Etat dans la société civile.

»L'Etat est donc présent pour régler ces maux de la société civile et non en engendrer d'autres.C./ Et même si la société civile réglait par elle-même ses problèmes, l'Etat serait toujours nécessaire.

Car c'estuniquement par lui, comme il est décrit au §254 des Principes de la philosophie du droit , que l'individu sort de sa condition de particulier pour devenir une personne « universelle concrète.

» En effet, dans l'Etat, l'individu estconscient qu'il fait partie d'un tout, d'une certaine universalité.

Mais il est aussi acteur au sein de ce tout en tantqu'il produit des lois ou qu'il accomplit les devoirs de l'Etat dans la société civile.

Son action est donc concrète.

Orl'Etat est la seule des sphères de la vie en communauté où cette composante d'universalité et cette composante deconcrétude se retrouvent réunis.

A travers lui, l'être humain peut donc rendre effectif, réaliser, ce qu'il considèrecomme le bien.

Ainsi on peut dire que bien loin d'être un mal radical, l'Etat est alors le bien radical, puisqu'il est laseule source possible du bien pour une communauté politique.

Ce qu'il faut chercher à comprendre c'est pourquoi, alors qu'aucun ne peut soutenir mordicus jusqu'au boutl'assertion selon laquelle "l'Etat est un mal radical", celle-ci continue à être employer.

Cela tient probablement au faitqu'en politique, on utilise moins les phrases pour leur vérité intrinsèque que pour leurs effets politiques, leur capacitéà emporter l'avis des autres ou mettre en garde contre des dangers.

Quelle est l'utilité politique de cette assertion? III./ Utilité et danger de l'Etat comme mal radical.

A./ Lorsque l'on souligne que l'Etat est un mal, qui vise-t-on habituellement? Ceux qui, comme Hegel, donnentbeaucoup de pouvoir à l'Etat en espérant du bien.

Mais l'Etat étant avant tout une institution, et une institutiondotée du seul usage légal de la puissance publique, il peut très bien se trouver être non une force libératrice maisune force de domination, c'est-à-dire d'usage de la coercition en vue de priver les citoyens de liberté.

Danscertaines conditions historiques déterminées, l'Etat peut ainsi devenir le mal radical en étant l'instrument del'oppression d'une classe de la population sur l'autre.

C'est ainsi que Marx, dans La Critique du programme de Gotha , propose comme projet d'une société communiste où serait abolie la lutte des classes entre prolétaires et bourgeois,une société sans Etat.

C'est qu'en effet l'Etat bourgeois qu'il vise est un Etat d'oppression, car en faisant régner ledroit formel de propriété privée il prive en réalité la majeure partie de la population de toute possession des moyensde subsistance les plus primaires.

L'Etat est bien pour lui un mal, central, même si le mal fondamental et radicalréside en réalité dans la répartition des moyens de production.B./ Si l'Etat est critiqué par Marx, c'est donc parce qu'il favorise la reproduction des rapports sociaux déjà existants,et ainsi l'oppression d'une classe par une autre.

L'Etat n'est plus au service de la communauté mais d'une minorité.Autrement dit, c'est lorsque l'essence de l'Etat est d'être une administration bureaucratisée détenant la puissancepublique qu'il peut être utile d'employer cette assertion.

Quelle utilité peut-elle alors avoir? De rappeler que l'Etat,comme Rousseau l'écrit dans le chapitre IX du livre I du Contrat social , que "l'union de ses membres." L'Etat, en tant. »

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