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L'exercice de la philosophie contribue-t-il au développement de la démocratie ?

Publié le 17/01/2022

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Le philosophe serait un être à part, séparé du reste du monde, isolé, etc.. C'est bien ce que nous saisissons à travers la lecture du célèbre portrait du philosophe, dans le Théétète, de Platon : « Ainsi Thalès observait les astres, Théodore, et, le regard aux cieux, venait choir dans le puits. Quelque Thrace, accorte et plaisante soubrette, de le railler, dit-on, de son zèle à savoir ce qui se passe dans le ciel, lui qui ne savait voir ce qu'il avait devant lui, à ses pieds. Cette raillerie vaut contre tous ceux qui passent leur vie à philosopher. C'est que, réellement, un tel être ne connaît ni proche ni voisin, ne sait ni ce que fait celui-ci, ni même s'il est homme ou s'il appartient à quelque autre bétail. [...] Tel est donc, mon ami, dans le commerce privé, notre philosophe ; tel il est aussi dans la vie publique, je le disais au début. Quand, dans le tribunal ou ailleurs, il lui faut, contre son gré, traiter de choses qui sont à ses pieds, sous ses yeux, il prête à rire non seulement aux femmes thraces, mais à tout le reste de la foule, de puits en puits, de perplexité en perplexité se laissant choir par manque d'expérience, et sa terrible gaucherie lui donne la figure de sot ». (Platon, Théétète, Budé-Belles Lettres) Dans ces conditions, nulle contribution de la philosophie à une actualisation politique quelconque.D'ailleurs, à prendre les choses par l'autre bout, à savoir l'élucidation du sens du gouvernement du peuple par le peuple, on tend à penser également qu'il n'est pas d'interaction nécessaire entre démocratie et philosophie.
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« B.

Antithèse : la philosophie, exercice pratique, contribue, par la médiation du langage, au développementde la démocratie. Reprenons l'analyse des rapports de l'exercice de la philosophie et de la démocratie sous un angle plus historique : lacité démocratique se constitue en Grèce, à la fin du VI et au V siècle av.

J.-C.; or, c'est à ce moment que lapratique du discours philosophique rationnel et la sophistique contribuent à la formation de la démocratie.Ce qu'il faut noter dès l'abord, c'est que la démocratie grecque ne naît pas ex nihilo.

Elle s'organise dans la cité,dans la polis, dans la cité classique où émerge la prééminence de la parole et du discours efficace.

Ici l'exercice del'argumentation et de la discussion joue un rôle majeur.

En Grèce, Discours est un grand roi : Socrate va dans lesrues d'Athènes questionner chacun et c'est dans cette cité ouverte au langage que la démocratie s'instaure (maisaussi se trouve menacée).Examinons bien la naissance de la démocratie qui, incontestablement, s'instaure en un lieu où la philosophiedéveloppe les puissances du discours argumenté et cohérent.

À Athènes, naît un système politique où le pouvoirémane du peuple et où l'Assemblée (Ecclesia) détient le pouvoir.

Or, c'est la mutation du statut de la parole quiapparaît ici décisive, puisque, devant tout projet porté à l'ordre du jour, le citoyen peut tenir un discours (àAthènes, la démocratie était directe).Ici, la sophistique contribue au développement de la démocratie: le sophiste est un professeur de rhétorique et unprofesseur d'éloquence.

Ce n'est pas tout à fait un philosophe mais il contribue à édifier la rationalité et à bienpersuader.

Dès lors, il favorise le développement démocratique.

Philosophie, rhétorique, sophistique et démocratiesont en lien étroit et on ne saurait, historiquement, les concevoir séparées.

L'exercice de la philosophie construit lediscours rationnel qui permet à la démocratie de s'édifier.De même, à notre époque, c'est l'exercice de la philosophie qui contribue au développement de la démocratie.Qu'est-ce, en effet, que la démocratie, au sens fort du terme? Décrite au XIXe siècle par Tocqueville comme lapassion ardente et pernicieuse de l'égalité aboutissant trop fréquemment à un pouvoir immense et tutélaire (cf.notre moderne « État-providence », qui, trop souvent, infantilise le citoyen), la démocratie doit retrouver son vraisens : une puissance dynamique issue du peuple, un espace public de discussion.

Or toute délibération publiqueimplique un exercice de la philosophie, une recherche libre par le discours.

Pas de démocratie sans exercicephilosophique.

« Plaçons-nous dans le cadre des démocraties occidentales modernes, caractérisées par un État dedroit dont les règles du jeu font l'objet d'un assentiment large.

On peut dire que, dans un tel État, le langagepolitique est essentiellement impliqué dans des activités de délibération publique qui se déploient dans un espacelibre de discussion publique.

La notion de publicité est ici la notion cardinale, non au sens de propagande, mais ausens d'espace public.

» (Paul Ricoeur, Lectures I.

Autour du politique) Transition Toutefois, la démocratie se définit-elle bien comme un espace public de discussion édifié par la recherche critique dela philosophie? Nous sommes ici en face d'une thèse et d'une antithèse qui exigent une unification.

Ne faut-il pascreuser le concept même de démocratie ? C.

Synthèse : la démocratie n'est pas un régime, mais un combat permanent où la philosophie joue un rôledéterminant. Pour édifier la démocratie (qui n'est pas un régime, qui n'est pas une formule politique, mais un mouvement sanscesse remis en question par les totalitarismes et despotismes divers), ne faut-il pas un accord dans lacommunication, un consensus, un procès d'intercompréhension, en bref ce que Habermas nomme une raisoncommunicationnelle, une faculté de développer discursivement sa pensée en un libre débat ? «J'appellecommunicationnelles les interactions dans lesquelles les participants sont d'accord pour coordonner en bonneintelligence leurs plans d'action ; l'entente ainsi obtenue se trouve alors déterminée à la mesure de lareconnaissance intersubjective de validité.

» (Jürgen Habermas, Morale et communication) Ici l'exercicephilosophique joue un rôle essentiel et il contribue au développement d'une démocratie qui est un combat sanscesse réitéré.

Par la philosophie, le discours se construit et la raison communicationnelle s'actualise pleinement.

Carphilosopher, c'est édifier une raison commune.

Or cette raison commune ouverte crée un espace public dediscussion.

Une démocratie exige négociation, discussion, débat et donc le travail de la raison communicationnelledestinée à mieux édifier ce combat démocratique et cette lutte toujours nécessaires : la démocratie est fragile.Pour la préserver et la construire, il faut le discours et la raison, il faut la délibération née de la pratique du dialoguephilosophique.

L'exercice de la rhétorique et de la philosophie confie à notre garde le difficile combat démocratique.Ainsi la philosophie interroge, elle se fait dans le langage et, du même coup, elle contribue au développement de ladémocratie, grâce à un discours purifié, transparent, grâce à un vrai débat.

Pas de démocratie sans exercice de laphilosophie.

D'ailleurs, nous le savons, les régimes totalitaires n'aiment guère la philosophie, qu'ils transforment ouasservissent.

De preuve ou d'argument rigoureux, la philosophie se transmute au sein de ces régimes enmanipulation ou en idéologie.

Ainsi le régime soviétique baptisait-il philosophie la triste caricature d'un « matérialismedialectique », transformé en religion d'État, destinée à perpétuer le totalitarisme.

De même que le terme dedémocratie doit être clarifié, de même la philosophie ne saurait être confondue avec des formes batardes quipervertissent son exercice.. »

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