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L'homme désire t-il le connu ou l'inconnu ?

Publié le 27/02/2008

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L'homme désire t-il le connu ou l'inconnu ?

Bien définir les termes du sujet :

- « L’homme « : le terme est très vague et n'invite pas à considérer l'être humain dans un domaine particulier, mais plutôt de la manière la plus générale possible. Il s’agit de le voir comme un vivant particulier - car doué de conscience. Le terme « homme « est donc ici un terme générique, il s'agit de regrouper tous les individus conscients.  

- « Le désir « : C'est ce que l'on ressent lorsqu'un besoin spontané s'est transformé en une tendance consciente orientée vers un but conçu ou imaginé. Le désir témoigne d'un manque, mais ce manque n'est pas tel qu'il puisse être comblé, ce pourquoi il faut distinguer entre désir et besoin. Le désir est donc inapaisable en soi, et contrairement au besoin, il s'articule à "l'imaginaire" (vs le réel), ce pourquoi il ne saurait être véritablement satisfait. La forme conjuguée invite à réfléchir non pas sur le désir en général, mais sur le fait de désirer tel ou tel objet.

- « Le connu « : c’est ce que l’on connaît, ce qui nous est familier, soit parce que nous avons déjà eu affaire à l’objet auparavant, soit parce que nous nous en sommes formé une connaissance par objets interposés. C’est ce que l’on connaît par usage, expérience ou pratique.

- « L’inconnu « : c’est l’inverse de ce qui est connu, c’est ce que l’on ne connaît pas, faute d’étude, d’expérience, d’usage ou de pratique.

 

 

Construction de la problématique :  

            Ici, il ne s’agit pas de traiter le désir en général, mais des objets sur lesquels il porte, c’est la raison pour laquelle le verbe « désirer « est conjugué : il renvoie à une personne, à une individualité. Le but est de savoir sur quels types d’objets le désir de l’homme peut porter, le connu ou l’inconnu. Ce qui peut sembler paradoxal, c’est le fait que l’homme puisse désirer quelque chose d’inconnu ; en effet, comment son désir peut choisir un objet qu’il ne connaît pas ? L’homme qui désire a conscience de ce désir – sans quoi il ne pourrait même pas le nommer comme tel ; le désir se porte nécessairement sur un objet, et l’individu qui éprouve un désir de quelque chose semble devoir évidemment connaître l’objet de son désir. Autrement dit, mon désir est toujours désir d’un objet.  

            Mais si le sujet cherche à savoir si on peut désirer l’inconnu, c’est-à-dire un objet qui n’existe pas, c’est que cela ne va peut-être pas de soi. En effet, lorsque mon désir est assouvi par la possession de l’objet désiré, il ne disparaît pas pour autant : je désire toujours autre chose. Cela pourrait signifier que l’objet désiré n’est qu’un leurre, qu’à travers lui mon désir vise autre chose d’inconnu.

            Se pose donc la question de savoir comment en toute logique l’homme peut désirer quelque chose qu’il ne connaît pas, et si cela est possible, peut-on déterminer la nature de cet inconnu ? Quels points communs le connu et l’inconnu ont ils pour que le désir porte sur eux ?  

« Pour Schopenhauer, nous désirons essentiellement des objets que nous connaissons parce que nous savons les plaisirs qu'ils vont nous apporter, ou nous les imaginons.

Ce ne sont donc pas réellement les objets du désir quisont visés, mais la valeur symbolique qui leur est attachée, ou ajoutée.

Autrement dit, c'est un peu comme si l'objettraversait sans cesse l'étant qu'il vise en vue d'un horizon inaccessible.

Cette façon de transcender l'objet esttributaire d'une culture, et est structurée par des représentations.

Même si le désir n'est pas réellement désir del'objet mais simplement désir de ce qui est fantasmé sur l'objet, le désir ne peut pas se passer d'objets constitués.Autrement dit, il serait difficile de désirer de l'inconnu, car ce dernier est trop vague, trop abstrait.

Le désir del'homme ne peut pas porter sur une idée abstraite, il a besoin d'être matérialisé, il faut que l'objet du désir soitconnu, sans quoi le désir ne peut jamais s'actualiser, il ne peut jamais être comblé.

Le désir a besoin d'un objetconcret pour se cristalliser et pour que tous les fantasmes y soient projetés.

II/ Le désir doit porter sur ce qui est connu : Si il est logique que le désir porte sur quelque chose qui soit connu, cela n'est pas suffisant.

Le désir doitporter sur quelque chose de connu, et cette connaissance ne doit pas être superficielle, elle ne doit pas se réduireà la connaissance de la simple apparence de l'objet.

Il faut que l'homme qui désire ait une connaissance adéquatede son objet.

C'est ce que pense Spinoza dans L'Ethique.

En effet, selon lui, le désir est l'essence de l'homme, et il nepeut donc s'empêcher de désirer.

Cela a pour conséquence que le désir de l'homme peut porter sur n'importe quelobjet sans distinction.

Or, cette façon de désirer est, selon Spinoza, la moins bonne manière de désirer, parcequ'elle peut amener à la souffrance.

Spinoza distingue 3 ordres de connaissance : la connaissance du premier genreest celle par ouï-dire, c'est l'opinion commune : cette connaissance est la moins bonne des trois parce qu'elle nerepose pas sur un examen du réel, ou une réflexion, mais sur une idée préconçue que nous aurions des choses.

C'estla moins fiable, elle est fausse et faites « d'idées inadéquates ».

L'homme qui désire des objets qu'il ne connaît qued'une connaissance du troisième genre est en souffrance parce qu'il croit que les objets qu'il désire, s'il lespossédait, lui apporteraient le bonheur, alors que ce n'est pas le cas.

Si il les examinait mieux, il se rendrait comptequ'ils ne sont pas aussi bien que ce qu'il imagine, et surtout, il s'apercevrait qu'il ne peut pas les posséder, et queles désirer lui apporte de la souffrance.

Se rendant compte que son désir est malsain, il cesserait de désirer cesobjets.

Le fait même de désirer nous permet d'exprimer notre nature, ce qui, par voie de conséquence peut nousprocurer de la joie.

Pour l'individu, désirer ce qu'il ne peut obtenir, ou ce qui le fait souffrir l'empêche d'être dans lajoie : sa force vitale – conatus – est en baisse.

Spinoza établit donc à quelle condition l'individu peut désirer un objet sans faire baisser son conatus – sanstomber dans la tristesse.

Pour que le désir soit positif, qu'il apporte la joie, et pour éviter la tristesse, il faut étudierl'objet sur lequel il porte, et en avoir une connaissance juste.

Désirer un objet que l'on ne connaît pas réellement,est une source de malheur, parce que le désir de l'homme porte sur une chose qui n'existe pas vraiment, mais qu'ilimagine exister comme étant telle ou telle.

Sa puissance d'agir est réprimée, et l'homme devient passif, triste,malheureux, car l'homme est soumis à une force extérieure.

Il faut donc, pour être heureux, que mes désirs soientpassés au crible de la raison.

Celle-ci détermine alors ce qui m'est utile, et ce qui m'amène à une plus grandeperfection ; elle fait un tri des désirs pour savoir ce qui est réellement bon pour moi.

Pour que la raison puisse ainsitrier mes désirs, il faut que la connaissance de l'objet de ces désirs soit du troisième genre.

Il faut donc apprendre àconnaître son désir, à le maîtriser car selon la chose sur laquelle il porte, il peut provoquer soit la joie –accroissement de la puissance d'exister, soit la tristesse – rend l'homme passif, il subit au lieu d'agir, et n'a plus depuissance.

L'homme doit donc désirer uniquement ce qu'il connaît, il doit s'en faire une règle, sans quoi il sera voué àsouffrir.

En effet, en désirant un objet fantasmé qu'il ne connaît pas, l'homme est soumis à son désir, et ne sait pasquoi entreprendre pour le satisfaire : son conatus baisse, il est triste.

A travers le désir, c'est la joie qui est visée ;cette dernière ne peut être atteinte que si l'individu a une connaissance précise de l'objet qu'il désire.

III/ Le désir est lié à l'inconnu : Les hommes ont beau connaître mieux les objets qu'ils désirent, orienter leur désir pour qu'ils en souffrentmoins, il n'en reste pas moins qu'ils continuent de désirer.

En effet, le désir pourrait posséder tous les objets, ilpourrait s'assouvir à chaque fois, il resterait toujours le même.

Si les objets n'assouvissent jamais le désir del'homme, et si celui-ci est sans cesse déçu par eux, c'est peut-être parce que ce désir ne peut être assouvi paraucun objet que nous connaissons.

C'est ce qu'explique Sartre dans L'être et le Néant.

Selon lui, il est évident que lorsque nous désironsquelque chose, nous sommes, une fois la chose consommée, insatisfait, et de retour au point de départ.

Ainsi, nousavons beau connaître ou croire connaître l'objet que nous désirons, ce que nous désirons nous est au fond,inconnu : nous ne savons pas pourquoi nous désirons cette chose.

Nous croyons désirer cette chose parce qu'ellenous semble bonne, mais si on pousse l'analyse plus loin, nous ne savons pourquoi nous désirons cette chose qui estbonne.

Que cherche t-on à combler avec ce « bon » que nous espérons avoir de cette chose ? Autrement dit, nousdésirons quelque chose que nous ne savons pas déterminer, quelque chose que nous ne connaissons pas, quelquechose qui est inconnu.

Il faut entendre par « inconnu » que ce que nous désirons n'a jamais été expérimenté parpersonne.

En effet, si nous trouvions dans les objets que nous désirons la chose que nous cherchons, nousarrêterions de désirer.

Il suffirait de se procurer la chose, et nous serions comblé.

Or, ce n'est pas le cas, l'hommedésire toujours, ce qui signifie bien que les objets qu'il désire et qu'il connaît ne le satisfont pas.

Dans ce cas,l'objet que l'homme désire est nécessairement inconnu, et il le cherche à travers tous les objets qu'il connaît.

Si les objets de notre désir sont si nombreux, c'est parce que, selon Sartre, nous visons à travers cesobjets quelque chose que nous ne connaissons pas, nous visons l'inconnu.

Cet inconnu nous paraît être la chose. »

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