l'homme est-il plus libre en obéissant aux lois de la cité qu'en obéissant a lui seul ?
Publié le 22/11/2005
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L'homme est un être politique, c'est-à-dire que, au sein du vivre-ensemble, il est contraint d'obéir à des lois. Or, cette obéissance même à des lois constitue un choix (même s'il est tacite ou implicite) pris par l'individu, au sens où il choisit de lui-même de rester au sein de la cité et de se soumettre à ses lois, même quand celles-ci sont injustes : ainsi, dans le Criton, Socrate préfère obéir à la loi athénienne, qui le condamne à boire la ciguë, plutôt que de s'enfuir. Or, quel est précisément ce lien entre la liberté individuelle et la contrainte sociale ou politique à laquelle s'astreint cette liberté même autant qu'elle y contribue ? Obéir à la loi de la cité, est-ce renoncer à sa propre liberté, ou bien est-ce épanouir cette liberté dans la modalité spécifique du vivre-ensemble ? La liberté individuelle ne suppose-t-elle pas, en elle-même, d'obéir à des lois, intérieures autant qu'extérieures à sa propre activité ?
«
en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est la guerre de chacun contrechacun.
»Les éléments fondamentaux sont mis en place :— parce que l'homme est poussé par un insatiable appétit de domination et qu'il cherche aussi à se protégercontre les agressions d'autrui par des actions préventives, la situation (« état de nature ») qui précède la vieen société se ramène à une guerre perpétuelle ;— la paix entre les hommes ne peut être obtenue que si tout le monde se soumet à une autorité (« un pouvoircommun ») qui contraint (« les tient en respect ») les hommes à ne plus attenter à la vie d'autrui.Le passage de l'état de nature à la société se présente comme le remplacement d'une crainte par une autre.Dans l'état de nature, l'homme craint son semblable qui peut à chaque instant le tuer ou le déposséder.
Dans lavie en société, l'individu craint un pouvoir fort qui garantit sa sécurité mais qui lui demande une obéissancequasi absolue.Pour que ce passage de l'état de nature à la société puisse avoir lieu, il est donc nécessaire que soit mis fin à« la guerre de chacun contre chacun » par un contrat « de chacun avec chacun ».Dans le système de Hobbes, l'autorité du souverain (individu, assemblée ou totalité du peuple) ne repose passur une délégation d'autorité par Dieu, mais sur une convention, un contrat.Ce contrat n'est pas, comme cela se trouve chez certains prédécesseurs de Hobbes ou comme chez Rousseau,un contrat liant gouvernant(s) et gouvernés.
Le contrat hobbesien est un contrat qui ne lie que les gouvernésentre eux.
Chacun de ceux-ci dit à l'autre en substance : j'accepte de ne pas attenter à ta vie et, enéchange, tu t'engages à faire de même.
Pour garantir cet accord, nous acceptons d'obéir à une autorité dontla fonction sera d'imposer le respect des termes du contrat.La seule limite de cette autorité, et en même temps de cette obéissance, va découler de la «fin » de cetteconvention, c'est-à-dire de son objectif.
Chacun abandonne l'essentiel de sa liberté au profit de sa sécurité.Chacun réfrène sa volonté de puissance (Freud dirait ses pulsions agressives) pour ne pas être tué ou blessépar autrui.
En conséquence, pour Hobbes, si le pouvoir souverain veut attenter à ma vie (ou me blesser,m'emprisonner et autres actions qui peuvent entraîner la mort), je me trouve en état de légitime défense et j'aile droit de résister.
Certaines nuances sont apportées à ce droit de résistance ; ainsi, s'il y a promesse depardon, je dois m'incliner.
De plus, ses modalités de mise en oeuvre pourraient être mieux précisées.
Maisl'essentiel est qu'il demeure un droit de résistance se rattachant à l'idée que l'organisation sociale a pour butde protéger le corps de l'homme et qu'elle perd son sens si, portant atteinte à ce corps, elle recrée la situationde l'état de nature qu'elle avait pour mission de supprimer.
L'individu concerné pourra alors protéger sa vie dela même manière qu'il l'aurait fait à l'état de nature.Nous ne sommes pas dans un système totalitaire qui exige l'anéantissement de l'individu au profit de lacollectivité.
L'organisation sociale a pour but de protéger l'individu.
Le pouvoir qui fait régner l'ordre est quasiabsolu à seule fin d'éviter la guerre civile qui n'est, en fait, qu'un retour à l'état de nature.
Mais quasi absoluseulement, car ce pouvoir souverain est limité par un principe de cohérence qui veut qu'il ne fasse pas ce qu'ila pour fonction d'empêcher.On voit donc apparaître ici, conjointement au souhait d'un pouvoir concentré et fort, l'idée de droitsinaliénables de l'être humain, la nécessité d'un respect de l'individu dans son corps, éléments qui peuvent êtreperçus comme les prémisses des droits de l'homme.Le meilleur résumé de la façon dont s'établit le contrat est à chercher dans Léviathan, l'oeuvre majeure deHobbes.
Au chapitre 17, celui-ci écrit :« La seule façon d'ériger un tel pouvoir commun, apte à défendre les gens de l'attaque des étrangers, et destorts qu'ils pourraient se faire les uns aux autres, et ainsi à les protéger de telle sorte que par leur industrie etpar les productions de la terre, ils puissent se nourrir et vivre satisfaits, c'est de confier tout leur pouvoir ettoute leur force à un seul homme, ou à une seule assemblée, qui puisse réduire toutes leurs volontés, par larègle de la majorité, en une seule volonté.Cela revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée, pour assumer leur personnalité ; et que chacuns'avoue et se reconnaisse comme l'auteur de tout ce qu'aura fait ou fait faire, quant aux choses quiconcernent la paix et la sécurité commune, celui qui a ainsi assumé leur personnalité, que chacun, parconséquent, soumette sa volonté et son jugement à la volonté et au jugement de cet homme ou de cetteassemblée.Cela va plus loin que le consensus, ou concorde : il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et mêmepersonne, unité réalisée par une convention de chacun avec chacun passée de telle sorte que c'est comme sichacun disait à chacun : "J'autorise cet homme ou cette assemblée, et je lui abandonne le droit de megouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et que tu autorises toutes ses actionsde la même manière."Cela fait, la multitude ainsi unie en une seule personne est appelée une REPUBLIQUE, en latin CIVITAS.
Telleest la génération de ce grand LEVIATHAN, ou plutôt, pour en parler avec plus de révérence, de ce dieu mortel,auquel nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre protection.
»
Pour Hobbes, le propre de cette souveraineté est qu'elle est indivisible.
Sur ce point, il s'oppose auxtendances, défendues à son époque, qui aboutiront à cette distribution des pouvoirs mise en oeuvre dans laconstitution anglaise et dont Montesquieu s'inspirera.Hobbes refuse que le parlement détienne une partie de la souveraineté.
Ce parlement est seulement auprès duroi pour un rôle de conseil.
Lui allouer ne serait-ce qu'une parcelle de pouvoir reviendrait à introduire le germede la guerre civile dans l'État.
Il importe avant tout que la souveraineté ne soit pas divisée, car les troubles commencent quand le citoyen «.
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- Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au dessus des lois : dans l'état même de nature l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous.
- Dans la République, VII, 540 d-541 b, Platon dit que le vrai philosophe est un homme libre qui, à la tête de la cité, voit la justice « comme la chose la plus importante et la plus nécessaire ». Or, on sait que la cité est organisée selon un ordre hiérarchique clairement défini et contraignant et que « l'homme lui ressemble ». Comment démêler ce paradoxe apparent ?
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- l'homme juste et libre est celui qui connaît la vraie raison des lois. Spinoza, Baruch. Commentez cette citation.