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L'homme et l'animal

Publié le 01/06/2011

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Exorde. — Lorsqu'on étudie le monde de la réalité, il faut bien se garder de vouloir y découvrir des différences nettement accusées entre les genres et les espèces; comme l'a dit Leibniz, « la nature ne fait pas de sauts. C'est surtout le cas pour cette question si importante et si souvent traitée des rapports de l'homme et de l'animal. C'est pour avoir méconnu la vérité de cette maxime que les savants du dix.. septième siècle et ceux du dix-huitième se sont égarés : les uns ont mis un abîme entre l'homme et la bête, les autres ont exagéré les ressemblances. Ainsi Descartes ne voit dans les animaux que des automates privés d'instinct, de sensibilité et d'intelligence; et Condillac, par un excès opposé, accorde à l'animal les mêmes facultés qu'à l'homme. Tous ont été entraînés par l'esprit de système, quelques-uns par des préoccupations théologiques. La science moderne, plus exacte et plus précise, se met en garde contre les exagérations, réagit contre l'esprit de système et ne demande, pour résoudre ces questions, que les lumières de l'observation.

« syllogisme le plus compliqué; qui ne connaît l'histoire du renard de Montaigne ? On voit sans doute dans l'animalquelque chose qui ressemble au raisonnement ; un cheval qui a subi quelque souffrance à un certain endroit refused'y repasser; l'instinct est aidé ici par un raisonnement qui ressemble à l'analogie ; mais le véritable raisonnement,qui consiste à aller du général au particulier, ne doit être attribué qu'à l'homme; l'animal ne pouvant s'élever augénéral puisqu'il n'a pas la parole, les bases lui manquent pour le raisonnement.

De plus, le raisonnement consiste àpasser d'un jugement à un autre jugement à l'aide d'un troisième jugement intermédiaire, ce qui implique desrapports à saisir, ce que ne peut faire l'animal ; car il semble bien, avons-nous dit, qu'il ne conçoit pas nettementles rapports des choses; cette dernière raison explique l'absence du rire chez l'animal, le rire étant provoqué par uncontraste saisi par l'intelligence.

En somme, le raisonnement chez l'animal n'est qu'une vague association d'idées etd'images, il peut combiner des moyens pour une fin, mais il ne généralise pas, « ce n'est qu'une ombre deraisonnement, a dit Leibniz.

— Les animaux ont-ils un langage? Ils peuvent sans doute exprimer leurs besoins physiques, leurs désirs, par ces cris, par ces mouvements qui constituent lelangage naturel que l'on parle sans l'avoir appris; nous comprenons ce langagechez les animaux et ils le comprennent chez l'homme; mais le véritablelangage, c'est le langage artificiel, qui est un ensemble de signesconventionnels ; or, il y a un rapport entre le signe et la chose signifiée, ilfaut donc une intelligence pour saisir ce rapport; par conséquent l'animal nepeut avoir le langage artificiel, étant incapable de saisir les rapports entre leschoses.

De plus, le langage naturel est synthétique, c'est-à-dire exprime lapensée d'une façon obscure; au contraire, le langage artificiel exprime lapensée d'une façon analytique et claire, c'est la pensée analysée par laréflexion; et c'est là un nouveau motif pour que l'animal n'ait pas ce langage,puisque son intelligence est inconsciente et ne réfléchit pas, tandis quel'homme a conscience de sa pensée, ce qui constitue entre eux unedifférence essentielle et irréductible ; l'homme seul est un être raisonnable,seul il a la conscience morale.

Li résumé, a l'animal pense sans le savoir, maisil pense.

» Deuxième partie.

— La volonté consiste essentiellement clans la faculté deprendre une résolution, une détermination; or, dans la plupart des cas, ladétermination est précédée d'une délibération, c'est-à-dire que nous pesonsles motifs qui se présentent à nous et examinons ceux qui ont une importance particulière.

Voyons-nous cette délibération chez un animal? Quelquefois chez un chien, chez un cheval, onconstate une hésitation entre deux partis qui ressemble à une délibération; un chien, par exemple, que son maîtreappelle avec colère, paraît se demander s'il doit obéir ou s'enfuir; mais c'est plutôt ici un instinct qui le domine, lacrainte d'un châtiment; car si son hésitation était une véritable délibération, il se dirait que sa désobéissance rendrasa faute plus grave et, la punition plus sévère; il n'y a donc qu'une ombre de délibération.

Ce fait a une importancecapitale : tandis que l'homme a le pouvoir de se déterminer sous l'influence de tel ou tel motif et se trouve ainsil'arbitre de sa destinée, l'animal obéit à un instinct fatal.

L'homme peut seul se dominer, commander à ses passions,s'imposer une règle de conduite ; seul aussi, ayant du mérite et du démérite, suivant qu'il a bien ou mal agi, il a droità une récompense ou à un châtiment et peut entrevoir une autre vie, complément de celle-ci.

L'animal, inconscient,est par cela même irresponsable, et, s'il y a pour lui une immortalité, ce ne peut être qu'une immortalité desubstance, tandis que l'homme est immortel à la fois comme substance et comme personne.

Le mot châtiment n'apas de signification pour l'animal qui tend fatalement à sa fin ; et quand nous lui infligeons une peine, elle n'est pascomme pour l'homme une expiation qui regarde le passé pour une violation volontaire de la loi, c'est unavertissement, un moyen préventif qui regarde l'avenir et qui a pour but d'empêcher l'animal de commettre ànouveau la même faute. Troisième partie.

— Les animaux sont doués de sensibilité, ils souffrent ou éprouvent du plaisir, ce ne sont pas desmachines, comme l'a dit Descartes ; l'animal est sensible comme l'homme, parce que la sensibilité est inhérente à lavie, et un illustre physiologiste, Claude Bernard, a pu dire qu'elle se manifestait, dans une certaine mesure, mêmechez les plantes.

Mais une différence essentielle entre l'homme et l'animal, c'est que l'homme réfléchit sessensations et les analyse : c L'animal mange, l'homme seul sait manger, » dit avec raison Brillat-Savarin.

De plus lasensibilité de l'animal n'est guère que physique; sans doute, à côté des sensations, on voit chez lui des mouvementsqu'on pourrait presque appeler des sentiments, l'inaltérable fidélité du chien pour son maître, la reconnaissance pourles soins dont il a été l'objet, la haine persistante pour ceux qui l'ont maltraité; mais ces sentiments semblent êtreen partie communiqués par l'homme à la bête qui prend les habitudes et les allures du milieu où il vit : « Le chien, ditBuffon, prend le ton de la maison qu'il habite, comme les autres domestiques; il est dédaigneux chez les grands etrustre à la campagne.

» Il faut donc reconnaître à l'animal certaines affections ; mais elles ne sont guèrequ'inconscientes, et de plus l'animal ne peut avoir le sentiment moral par excellence qui accompagne la pratique dubien ni le remords qui punit le mal fait avec préméditation.

On ne voit pas non plus chez l'animal ce sentiment desociabilité inhérent à la nature humaine qui fait que les hommes se sentent presque responsables les uns des antreset vivent d'une vie commune.

Quant aux plaisirs intellectuels, la bête les ignore complètement; elle ne connaît ni lasatisfaction qui accompagne la découverte de la vérité, ni le malaise que nous cause l'ignorance. Résumé et conclusion.

— Ainsi, il y a entre l'homme et l'animal de frappantes analogies, mais il y a aussi des. »

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