L'hypothèse de l'inconscient met -elle en cause l'idée de responsabilité?
Publié le 25/02/2005
Extrait du document
«
On sait que beaucoup de personnes invoquent à l'encontre d'un déterminisme psychique absolu, leur convictionintime de l'existence d'un libre arbitre.
Cette conviction refuse de s'incliner devant la croyance au déterminisme.Comme tous les sentiments normaux, elle doit être justifiée par certaines raisons.
Je crois cependant avoir remarquéqu'elle ne se manifeste pas dans les grandes et importantes décisions ; dans ces occasions, on éprouve plutôt lesentiment d'une contrainte psychique, et on en convient : J'en suis là ; je ne puis faire autrement.
» Lorsqu'il s'agit,au contraire, de résolutions insignifiantes, indifférentes, on affirme volontiers qu'on aurait pu tout aussi bien sedécider autrement, qu'on a agi librement, qu'on a accompli un acte de volonté non motivé.
Nos analyses ont montréqu'il n'est pas nécessaire de contester la légitimité de la conviction concernant l'existence du libre arbitre.
Ladistinction entre la motivation consciente et la motivation inconsciente une fois établie, notre conviction nousapprend seulement que la motivation inconsciente ne s'étend pas à toutes nos décisions motrices.
Minima non curatpraetor (le chef ne se soucie pas des détails).
Mais ce qui reste ainsi non motivé d'un côté, reçoit ses motifs d'uneautre source, de l'inconscient, et il en résulte que le déterminisme psychique apparaît sans solution de continuité.
L'hypothèse d'un déterminisme inconscient prive-t-elle le sujet de responsabilité ?
A vouloir rapporter toutes les conduites humaines à l'expression d'un inconscient caché, et donc expliquer le clairpar l'obscur, ne risque-t-on pas d'ôter au sujet la responsabilité de ses actes ? C'est en tout cas un risque quedénonce Alain, qui s'en prend moins à l'hypothèse freudienne qu'à certaines dérives du freudisme.
Faut-il croire que l'inconscient peut être objet de science ?
Pour Freud, la psychanalyse est une science encore balbutiante, mais c'est à ses yeux une science authentique qu'ilconvient de classer non pas parmi les « sciences de l'homme », mais au nombre des sciences de la nature.
Certes,comme toute science, ses concepts fondamentaux sont nécessairement caractérisés, au moins dans un premiertemps, par une certaine indétermination.
Ce n'est qu'avec de l'expérience et la pratique de cas (la cliniquepsychanalytique) que ces concepts fondamentaux sont supposés gagner en précision et acquérir une valeuropératoire.
Freud tient d'ailleurs à souligner que ces concepts fondamentaux ne s'appliquent pas extérieurement etaprès coup à l'expérience, mais, comme pour toute science expérimentale (physique, médecine, biologie etc.) qu'ilsorganisent à l'avance le matériau propre à son domaine d'étude.
La psychanalyse, mythe ou pseudo-science ?
Mais l'expérience analytique peut-elle être assimilée à l'expérimentation reproductible qui caractérise les sciences dela nature, alors qu'elle fait appel à un type spécifique d'observation, à savoir le récit d'un cas, par définition unique ?La critique historique et précise des récits de cas conduite par les historiens de la psychanalyse a pu mener certainsà mettre en doute la possibilité de fonder une discipline scientifique sur ce type de protocole où la subjectivité del'analyste joue un rôle décisif.
C'est pourquoi Mikkel Borch-Jacobsen se demande si la psychanalyse n'est pas un «conte de fée scientifique ».
Le fait qu'on puisse interpréter tout comportement humain imaginable à partir del'hypothèse de l'inconscient tendrait à faire de la psychanalyse un système herméneutique, ou interprétatif, qui entant que tel apparaît irréfutable.
Et c'est précisément cette irréfutabilité qui, selon Karl Popper, relègue lapsychanalyse au rang de pseudo-science, au même titre que, par exemple, l'astrologie.
Une théorie véritablementscientifique doit pouvoir énoncer les conditions dans lesquelles elle devrait être tenue pour fausse.
Or lapsychanalyse est incapable d'énoncer ces conditions.
De ce fait, la doctrine freudienne de l'inconscient nonseulement ne saurait être certaine, mais encore ne devrait être considérée que comme une théorie non scientifique,une simple mythologie.
Reste que le mythe peut être considéré après tout comme une forme de pensée, qui àdéfaut d'exactitude scientifique n'est pas nécessairement dépourvue d'une certaine vérité.
« Un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience.
» POPPER
L'histoire des sciences physiques est celle de leur révolution permanente.
Les théories n'ont qu'une valeur provisoire.Des faits « polémiques » surgissent qui les contredisent, qui obligent à des révisions.
Tout succès scientifique ouvreplus de questions qu'il n'en clôt.
Faut-il pour autant sombrer dans le scepticisme et affirmer qu'il n'y a rien qui vaillevraiment ? Comment distinguer, dès lors, la véritable science de la métaphysique ou des pseudo-sciences commel'alchimie ou l'astrologie ? Et que penser des sciences humaines ? La psychanalyse, la théorie de l'histoire de Marxpeuvent-elles prétendre légitimement à la scientificité ? Popper, dans « Logique de la découverte scientifique »propose un critère de démarcation, capable d'établir, de manière concluante, la nature ou le statut scientifiqued'une théorie.
Il écrit : «C'est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d'un système qu'il faut prendre comme critère dedémarcation.
En d'autres termes, je n'exigerai pas d'un système scientifique qu'il puisse être choisi, une fois pourtoutes, dans une acception positive mais j'exigerai que sa forme logique soit telle qu'il puisse être distingué, aumoyen de tests empiriques, dans une acception négative : un système faisant partie de la science empirique doitpouvoir être réfuté par l'expérience.
»A l'époque de Popper, on affirmait généralement que ce qui distinguait la science des autres disciplines, c'était lecaractère empirique de sa méthode.
Autrement dit, en multipliant les observations et les expériences, le savant entirait, en vertu du fameux principe d'induction, des lois qu'il considérait comme nécessaires et universellementvalides.
Partant de là, les néopositivistes soutenaient que tout ce qui n'est pas vérifiable est « métaphysique » etdoit être éliminé de la science.
Or, comme le souligne Popper, l'induction, qui consiste à inférer une règle universelle.
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