L'ignorant est-il libre?
Publié le 26/01/2005
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• Si l'ignorance met la liberté en danger, c'est qu'elle est synonyme de crédulité.
Lorsqu'on ne sait pas, toutdiscours émanant d'une autorité, notamment politique, est perçu comme une vérité.
De plus, l'ignorance n'est passeulement l'absence de connaissance, mais également un ensemble de connaissances fausses ou incomplètes, despréjugés, ou ce que les grecs appelaient la doxa .
Un discours habile peut tirer partie de la doxa , flatter son auditoire et le rallier à sa cause.
• Dans ce contexte de liberté politique et de manipulation, la notion à opposer à celle d'ignorance est l'éducationplutôt que la connaissance.
L'éducation est ce qui permet de comprendre le fonctionnement d'une théorie, d'undiscours, d'une thèse et, même si le sujet nous est peu connu, de distinguer ce qui relève de la démonstration et cequi relève de l'idéologie ou de la rhétorique.
L'ignorance n'est donc un mal que si elle n'est pas consciente d'elle-même et mène à la crédulité.
II – Ignorance et liberté morale
• L'ignorance des causes internes s'oppose également à la liberté, mais il s'agit alors d'une liberté morale oumétaphysique.
Méconnaître nos mécanismes psychologiques, nos passions, c'est se leurrer sur les véritables motifsde nos actions.
On n'agit pas librement mais suivant un déterminisme interne (obéissant à des motifs inconscientspar exemple, ou à l'exemple familial etc.).
Connaître ces causes internes au contraire permettrait de s'en détacheret d'agir librement.
• Ce que l'on oppose ici à l'ignorance, c'est la conscience.
L'ignorance ôte la conscience de nos déterminations etdonne l'illusion de la liberté : mais comme le montre Spinoza , il s'agit bien d'une illusion :
Mais descendons aux choses créées qui sont toutesdéterminées par des causes extérieures à exister et à agird'une certaine façon déterminée.
Pour rendre cela clair etintelligible, concevons une chose très simple : une pierrepar exemple reçoit d'une cause extérieure qui la pousse,une certaine quantité de mouvement et, l'impulsion de lacause extérieure venant à cesser, elle continuera à semouvoir nécessairement.
Cette persistance de la pierredans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elleest nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie parl'impulsion d'une cause extérieure.
Et ce qui est vrai de lapierre il faut l'entendre de toute chose singulière, quelleque soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, sinombreuses que puissent être ses aptitudes, parce quetoute chose singulière est nécessairement déterminée parune cause extérieure à exister et à agir d'une certainemanière déterminée.
Concevez maintenant, si vous voulezbien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir,pense et sache qu'elle fait effort, autant qu'elle peut, pourse mouvoir.
Cette pierre assurément, puisqu'elle aconscience de son effort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elleest très libre et qu'elle ne persévère dans son mouvement que parce qu'elle le veut.
Telle estcette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que leshommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent.
Un enfantcroit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s'il est poltron, vouloirfuir.
Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu'ensuite, revenu à la sobriété, ilaurait voulu taire.
De même un délirant, un bavard, et bien d'autres de même farine, croient agirpar un libre décret de l'âme et non se laisser contraindre.
Spinoza, Lettre LVIII Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre, mais privée de raison,est une volonté perdue.
Plus nous connaissons, plus notre liberté est grandie et fortifiée.
Si nousdéveloppons notre connaissance au point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationneldes causes et des effets, nous saisirons d'autant mieux la nécessité qui fait que telle chose arriveet telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors que tel autre ne viendra jamais àl'existence.
Pour Spinoza, une chose est libre quand elle existe par la seule nécessité de sa proprenature, et une chose est contrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.Au sens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissance absolue de la réalité, etqu'il la fait être et exister suivant sa propre nécessité.
Pour Spinoza et à la différence deDescartes, la liberté n'est pas dans un libre décret, mais dans une libre nécessité, celle qui nousfait agir en fonction de notre propre nature.
L'homme n'est pas un empire de liberté dans unempire de nécessité.
Il fait partie du monde, il dispose d'un corps, d'appétits et de passions parlesquelles la puissance de la Nature s'exerce et s'exprime en nous, tant pour sa propreconservation que pour la nôtre.
Bien souvent nous croyons être libres, alors que nous ne faisonsqu'être mus, par l'existence de causes extérieures :la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de notre éducation, denotre passé, de notre culture.
Nul homme n'étant coupé du milieu dans lequel il vit et se trouve.
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