l'imagination s'oppose-t-elle a la raison ?
Publié le 27/11/2005
Extrait du document
Peut-on affirmer de droit que l’imagination et la raison sont dans un rapport d’exclusion l’un par rapport à l’autre, de sorte que l’imagination viendrait saboter systématique le travail rationnel ? Ne peut-on pas au contraire penser dialectiquement l’imagination et la raison en vue d’y découvrir une relation fructueuse quant à l’efficience cognitive ? L’imagination, en un sens qu’il faudra préciser, n’est-elle pas, par renversement complet, la faculté qui rend possible toute action de la raison, de sorte que leur relation soit non seulement complémentaire, mais surtout nécessaire ?
«
Introduction. — Pascal condamne sévèrement l'imagination, « cette partie décevante [c'est-à-dire trompeuse] dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté (...).
Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui seplaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme uneseconde nature ».Faut-il se rallier à cette opinion et voir dans l'imagination l'ennemie de la raison ?
I.
— DE QUELLE IMAGINATION PEUT-IL S'AGIR ?
On entend par raison la faculté de raisonner, c'est-à-dire d'établir des rapports nécessaires entre des faits ou desnotions.
Le mot ne prête guère à confusion.Il n'en est pas de même d'imagination qui est pris en divers sens.A.
Ce mot dérivant d' « image », on peut définir l'imagination comme la faculté de former des images, c'est-à-diredes représentations sensibles dont le contenu est analogue à celui des sensations correspondantes, bien que lessens n'y interviennent pas.
Mais ces images sont de nature assez diverse.Les unes ne sont qu'une sorte de copie, aux contours plus ou moins indécis, de la donnée sensorielle : simplessouvenirs, mais souvenirs plus concrets.
Elles sont le fait d'une mémoire imaginative plutôt que de l'imaginationproprement dite.D'autres, quoique de même nature, n'ont pas la même origine : au lieu de reproduire purement et simplement desdonnées sensorielles, elles supposent que celles-ci ont été plus ou moins élaborées ou combinées.
C'est ainsi qu'onpeut se représenter imaginativement des êtres qui n'existent pas, comme le centaure, ou qu'on n'a jamais vus.
Dansces cas, la mémoire imaginative fournit les éléments de la combinaison, mais c'est l'imagination qui combine.Considérée comme la faculté de former des images — qu'elle les forme par simple reproduction ou par combinaison —l'imagination ne saurait être tenue pour ennemie de la raison.
Elle n'établit pas les rapports susceptibles de heurterle bon sens et de violer les règles fondamentales de la logique.
Elle n'affirme rien comme réel.
Il arrive seulement queses constructions ont tant de vie que le réel en est parfois oublié.
Mais dans ce cas commence à intervenir uneforme supérieure de cette faculté, la seule que, en dehors du vocabulaire des psychologues, évoque le mot «imagination ».B.
En effet, il est plus juste de définir l'imagination : la faculté d'imaginer.Imaginer ne consiste pas simplement à former des images : je n'imagine pas une bagarre dont je fus témoin hier, jela revois ; sur le quai de la gare, je n'imagine pas le train s'immobilisant sous le hall, je le vois d'avance.Qui imagine construit par la pensée quelque chose qui n'existe pas ; cette imagination est créatrice ou, plusprécisément, inventive.Dans cette invention interviennent sans doute des images, mais elle ne se réduit pas à une combinaison d'images.Elle comporte aussi le recours à tout un savoir comportant notions générales, termes abstraits, symbolesconventionnels, etc.
Le philosophe qui disserte et même le mathématicien qui cherche la solution d'un problèmeimaginent comme l'architecte ou le peintre, quoique d'une manière un peu différente.
Aussi, bien qu'il soit classiqued'opposer concept et image, « imaginer » est souvent synonyme de « concevoir », c'est pour cela encore que nousavons pu dire : « Qui imagine construit par la pensée ».C'est de l'imagination inventrice, forme particulière de la pensée, que l'on peut se demander si elle n'est pasl'ennemie de la raison.
II.
— LA FACULTÉ D'IMAGINER EST-ELLE ENNEMIE DE LA RAISON ?
A.
La prédominance de la fonction imaginative aboutit souvent à une pensée irrationnelle ou déraisonnable.
Nous lesavons par expérience.On pourrait citer ici l'observation que Pascal emprunte à Montaigne : « Le plus grand philosophe du monde, sur uneplanche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, sonimagination prévaudra » (PASCAL)..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L'imagination s'oppose-t-elle à la raison ?
- La raison s'oppose-t-elle à l'expérience ?
- Kant : Une propriété de la raison consiste à pouvoir, avec l’appui de l’imagination
- L'imagination, qui semble défier la raison par sa puissance, peut-elle être absolue, c'est-à-dire se libérer des obstacles qu'elle peut rencontrer, et se déployer indéfiniment en toute liberté ?
- Romantisme Dans sa quête éperdue de l'émotion et de la libre expression de la personnalité, le romantisme s'oppose à la raison toute-puissante de la philosophie des Lumières.