Devoir de Philosophie

l'intelligence donne-t-elle des droits ?

Publié le 27/11/2005

Extrait du document

Psychologie et philosophie s'accordent pour définir l'intelligence par l'aptitude à surmonter une difficulté pour laquelle ne préexiste aucune solution connue. Il faudra donc l'inventer dans un acte original, « sui generis » (créé par soi-même). Ici l'intelligence est donc distinguée de l'instinct qui est inscrit dans l'héritage de l'espèce et des automatismes de l'habitude (Cf. Bergson, L'Évolution créatrice). L'intelligence sera donc mise en parallèle avec les capacités de l'évolution de l'espèce humaine et trouvera son « paradigme » (modèle) dans la promotion de la culture humaine au dépend de l'état brut, naturel, primitif, instinctif. Cette promotion est également soutenue par la philosophie. Aristote considérait l'homme dans sa contradiction, à la fois animal et politique (l'homme est un « animal politique », disait-il). La philosophie servira alors à promouvoir cette facette politique de l'humain, y voyant la source de l'intelligence sociale propre à pérenniser l'espèce dans une vie en groupe réglée. La loi étant alors la manifestation de cette intelligence sociale humaine capable d'assurer l'ordre, la paix et donc la survie de l'espèce humaine dans une nature hostile. Idéalement cette intelligence sociale, cette nature politique de l'homme, nous dit Aristote, est la caractéristique d'une volonté universelle de bonheur : « Tous les arts, toutes les recherches méthodiques de l'esprit, aussi bien que tous nos actes et toutes nos décisions réfléchies semblent toujours avoir en vue quelque bien que nous désirons atteindre ; et c'est là que nous avons parfaitement défini le bien quand on a dit qu'il est l'objet de tous les voeux.

Au premier abord nos sociétés semblent accorder du crédit à l'intelligence. Sera reconnu méritant socialement celui qui fait preuve d'intelligence et déprécié celui qui aura fait preuve de bêtise ou qui se sera conduit comme une brute. Mais au regard du vieil adage romain « beati pauper espiritu « (« heureux le simple d'esprit «), une contradiction subsiste entre reconnaissance de l'intelligence et privilège de l'ignorance. Le sens courant définit l'intelligence comme compréhension, médiate ou immédiate, s'exerçant aussi bien dans les situations concrètes de la vie que dans le domaine des connaissances abstraites. Celui qui fait preuve de cette aptitude aura certes plus de chances de se départir d'une situation difficile mais il sera également la victime de cette conscience aigüe de la souffrance, du malheur et de la mort qu'implique nécessairement l'existence.

La philosophie, bien qu'emblématique de toute volonté de vivre et de penser intelligemment, reconnaît à la fois une inégale répartition et une polysémie de cette aptitude. Nous ne sommes pas tous également intelligents et l'intelligence peut, en outre et selon le domaine d'étude, caractériser de manière plurivoque l'homme, l'animal et la machine (l'intelligence artificielle). Dès lors la question du privilège qu'est l'intelligence doit être reposée à l'aune de ces difficultés :

L'intelligence, si on peut la définir de manière générale, confère-t-elle des droits à celui qui en est doté ?

Ces droits reconnus (privés, sociaux, juridiques...) ne s'accompagnent-ils pas en même temps de devoirs et de souffrance ?

« naturelle et qui sont donc, « par nature », faibles.

Ils jalousent et craignent les « forts », font preuve de« ressentiment » à leur égard.

Nietzsche pense que notre tradition religieuse, morale et politique provient des« faibles » qui ont mis au point ces ruses pour se préserver et ensuite triompher des « forts » (Cf.

Généalogie de la morale ).

L'intelligence du « fort » est contredite par la « ruse » du faible.

Le droit, consacré par la nature donatrice, du plus « fort » est déprécié et combattu par cette culture « faible ».

La religion, la morale, la politique prônent lahaine de la vie, du corps, de la « force » et tendent à imposer le culte de la faiblesse et du ressentiment.L'intelligence véritable, selon Nietzsche, conférait des droits naturels et véritables de domination pour celui qui enétait doté.

Mais l'histoire culturelle tend à faire s'imposer les « faibles », à faire disparaître les « forts » et donc leursdroits. C'est d'un point de vue social que Freud aborde la question du sens de cettequête culturelle.

Dans son Malaise dans la culture , Freud se demande si l'homme trouve bien son bonheur dans cet accès à l'intelligence sociale etculturelle au dépend de l'état primitif et instinctif premier.

Sa réponse estclaire : la culture est bien la promotion d'un état civilisé sous-tendu par lacondition que les hommes y trouvent, en son sein, leur bonheur.

Mais ce qui yapparaît est plutôt, aux yeux de l'auteur, un malaise ambiant.

L'homme civiliséa du, en effet, se défaire de son activité pulsionnelle, pour promouvoir sesqualités culturelles, réflexives et relationnelles.

Réprimer ses pulsions n'est paschose facile, le crime et les violences existent toujours dans nos sociétés.Mais alors, qu'a gagné l'homme civilisé ? Le bonheur ne semble pas possibleselon Freud.

La reconnaissance et le mérite social sont en effet lesgratifications faites à celui qui utilise son intelligence pour gravir les marchesdu succès dans l'espace social.

Mais les frustrations et les déceptions sontnombreuses (sexuelles, psychologiques, sociales, amoureuses...) pour lesacteurs sociaux et leur effort consenti de « sublimation » (passer safrustration sur une activité symbolique comme la peinture par exemple) sontardus et rarement reconnus.

Freud estime que le plaisir et la souffrance del'homme « primitif » étaient sans doute plus intenses et plus courts(l'aventure, le danger, la lutte pour la survie, la libre satisfaction despulsions...) que celui de l'homme civilisé, mais que sa vie était alors plusexcitante et moralement plus harmonieuse.

Le malaise est bien ce qui caractérise la culture, qui glorifie certes l'intelligence sociale, mais qui ne trouve pas de compensation véritable à lafrustration et aux souffrances exigées par elle. L'intelligence sociale, tant consacrée par la philosophie morale, donne-t-elle, enfin, des droits véritables ? Kant lui-même (Cf.

Critique de la faculté de juger ) dira qu'un être moralement et socialement bon se montrait certes digne du bonheur mais ne pouvait pas être sûr de l'atteindre effectivement dans l'existene.

Sa théorie critique de laconnaissance prône en effet les valeurs de l'intelligence (la raison) mais à la question du droit Kant reconnaît qu'il ya comme un vide.

Celui qui agit intelligemment est celui qui agit par la raison, mais celui-ci ne peut, de fait, rienréclamer.

La nature de l'action, pour rester vertueuse et en accord avec la raison, doit être désintéressée.

Il estremarquable même que manifestement la « canaille » et la ruse s'en tire parfois mieux que l'homme bon et intelligent.L'intelligence, bien que consacrée par toute notre tradition, ne donne finalement pas de droit véritable.

Elle permettout au plus de s'accomplir moralement et culturellement. Conclusion L'intelligence naturelle donne des droits naturels d'autorité du plus intelligent sur le moins intelligent.

Mais cettenature s'oppose à la volonté culturelle de neutralisation des privilèges liés aux dons naturels. Nous oublions souvent que si l'intelligence confère des droits à celui qui en fait preuve, ceux-cis'accompagnent alors logiquement de devoirs, pour les mêmes raisons, et bien souvent de souffrances tantl'intelligence est consciente des dangers, des vicissitudes et des accidents de l'existence.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles