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L'intérêt présent est-il le seul mobile qui incite à apprendre ?

Publié le 28/11/2005

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L'intérêt constitue le mobile, c'est-à-dire la raison qui pousse les hommes à agir en vue d'obtenir un gain. Apprendre consiste à s'assimiler des connaissances que l'on ne possédait pas encore auparavant; aussi l'assimilation du nouveau exige un effort, c'est-à-dire un travail du sujet sur lui-même. Or dans la mesure où tout apprentissage comporte une pénibilité due à l'effort, il faut que le gain à obtenir par cet apprentissage soit particulièrement important et pressant. Ainsi l'unique mobile qui pousse un individu à s'assimiler des connaissances nouvelles réside dans l'espoir d'en obtenir un gain dans un avenir proche. Par conséquent l'intérêt présent serait le seul mobile qui inciterait à apprendre. Cependant s'il en était vraiment ainsi, cette conception aurait pour conséquence la restriction de nos connaissances à la sphère immédiate des besoins individuels. Or le savoir humain, loin de se limiter aux individus et au présent, traite de l'universel. Il faudrait alors référer cette connaissance à une autre source que l'intérêt présent et de penser la possibilité d'un désir d'apprendre désintéressé. Cependant il n'en reste pas moins que l'apprentissage réclame un effort dont la pénibilité nous semble désigner l'intérêt présent comme son seul mobile. Nous sommes alors confrontés à ce problème : l'espoir d'un gain à obtenir dans un avenir proche est-il la seule raison qui pousse les hommes à apprendre des connaissances nouvelles ou bien l'apprentissage peut-il être suscité par le désir d'apprendre lui-même ?

« permettre au désir désintéressé de s'exprimer, c'est qu'il nous est possible d'avoir un désir d'apprendre libre de touteentrave utilitaire : « nous n'avons en vue dans notre recherche aucun intérêt étranger » , c'est-à-dire étranger à larecherche elle-même.

Par conséquent, si le désir d'apprendre trouve son origine dans la nature humaine, l'intérêtprésent n'est pas le seul mobile qui incite à apprendre, il n'en est qu'un parmi d'autres.

Cependant il semble que le désir d'apprendre désintéressé puisse lui-même être pensé comme une conséquence d'unintérêt masqué.

En ce sens le savoir humain ne se différencierait que par degré et non par nature de l'apprentissagebiologique des animaux.

III L'apprentissage est toujours lié à un intérêt _ Les animaux apprennent pour pouvoir survivre en s'adapter à leur milieu.

Aussi les hommes qui dans une certainemesure croient s'être libérés de la sphère étroite de la satisfaction des besoins naturels, imaginent que leur désird'apprendre est absolument désintéressé or comme l'explique Canguilhem dans la préface à la Connaissance du vivant , toute connaissance procède de la peur, c'est-à-dire du décalage originaire entre u organisme vivant et son milieu Ainsi l'apprentissage consiste à combler cette i,adéquation première afin de mieux s'adapter.

Or en tant quel'homme est lui-même contraint de s'adapter sans cesse à des milieux qu'il crée lui-même, son apprentissage n'estjamais complètement désintéressé.

Le savoir, l'art, la religion ou la philosophie seraient ainsi des domaines nés de lanécessité non plus seulement biologique, mais culturelle à s'adapter.

C'est justement parce que cette adaptation estaussi culturelle et non plus seulement biologique qu'elle semble libérée de tout intérêt; il n'en reste pas moins quel'apprentissage de la culture peut lui-même être considéré comme résultant de l'intérêt que l'individu aurait à devoirs'insérer dans l'individu humain._ On voit par là que l'intérêt ne peut se limiter au seul présent, mais doit englober aussi bien le passé que le futurdans la mesure où si l'homme doit s'insérer dans le monde humain par l'apprentissage de la culture, le monde humainne se réduit pas au présent.

C'est que soutient Hegel dans la préface de la Phénoménologie de l'esprit : chaque individu humain doit refaire pour son compte le chemin de l'esprit absolu.

L'esprit humain a accompli un progrès qu'iila laissé dans la culture.

Or cette culture constitue le monde historique de l'homme.

Aussi l'individu, s'il veut vivre àson époque et s'insérer dans le monde humain doit accomplir à nouveau le chemin de l'esprit afin de se leréapproprier.

Tout homme est de ce point de vue un homme cultivé._ En ce sens l'apprentissage de la culture est incité par un intérêt présent qui consiste à vivre dans son époquedans la mesure où le présent résulte lui-même du passé.

Mais puisque le monde humain ne se réduit pas au présent,l'apprentissage de la culture obéit à un intérêt traversant le temps : l'homme est cet être qui doit conquérir sonuniversalité en s'arrachant à sa particularité géographique et historique pour s'ouvrir à tous les siècles et à tous leslieux.

La sentence célèbre du poète latin Térence donne son programme à l'humanisme classique : « je suis hommeet rien de ce qui est humain ne m'est étranger ».

Or sans l'apprentissage de la culture, ce qu est humain me resteétranger, il me faut donc si je veux accomplir mon humanité, me déprendre de cette étrangeté pour trouver maplace dans la culture humaine.

Et cette place ne peut se conquérir que par l'apprentissage de la culture.

Conclusion : A première vue, l'intérêt présent est le seul mobile qui nous incite à apprendre dans la mesure où apprendre exige uneffort pénible qui doit être compensé par la possible obtention d'un gain dans un avenir proche.

Néanmoins, nousavons montré que la plus grande partie de notre savoir ne découlait pas de cet unique mobile qui ne concerne que lasphère étroite de la satisfaction des besoins immédiats et nécessaires, mais au contraire procédait d'un désird'apprendre désintéressé inhérente à la nature rationnelle de l'homme.

Enfin, il nous a fallu nuancé cette thèse enmontrant aucun apprentissage ne pouvait se défaire d'un intérêt dans la mesure où il vise toujours à nous adapterau monde.

La spécificité de l'apprentissage humain consiste alors dans le fait de procéder ‘un intérêt qui ne se réduitpas au présent, mais concerne tous les temps de la culture humaine, c'est-à-dire en grande partie le passé, maisaussi le futur.. »

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