L'OEUVRE MÉDIATRICE

Nous ne savons donc toujours pas en quoi l'artiste se distingue de l'ouvrier ; si, comme lui, il informe les matériaux, si son oeuvre, au lieu de satisfaire un besoin quelconque, vise à satisfaire un besoin esthétique, l'artiste gardera son mystère, et l'oeuvre d'art aussi, tant que nous ne saurons pas définir et délimiter la tendance esthétique parmi les autres. Reprenons donc l'analyse.  L'artiste, disions-nous, donne à la matière une forme en vue de la satisfaction d'une tendance que nous avons appelée esthétique ; c'était admettre la nécessaire existence d'une autre conscience dont la vocation est de jouir de l'oeuvre d'art. L'artiste est conscience créatrice ; en face de lui, l'amateur d'art ; entre eux deux l'oeuvre qui est médiatrice. Prenons garde ici aux erreurs où peut conduire une trop facile psychologie de l'artiste, dont le témoignage, précieux d'un certain point de vue, est aussi suspect : peu nous importe que l'artiste déclare créer pour son propre plaisir ; peu nous importe aussi qu'il nous dise créer pour gagner sa vie, voire même pour mystifier le client.