L'opinion peut elle faire la loi ?
Publié le 28/01/2005
Extrait du document
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« N'est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regardecomme son bien suprême qui perd cette dernière ?— Quel bien veux-tu dire ?— La liberté, répondis-je.
En effet, dans une cité démocratique tuentendras dire que c'est le plus beau de tous les biens, cepourquoi un homme né libre ne saura habiter ailleurs que danscette cité (...).
Or (...) n'est-ce pas le désir insatiable de ce bien,et l'indifférence pour tout le reste, qui change ce gouvernement etle met dans l'obligation de recourir à la tyrannie ? (...).
Lorsqu'unecité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs demauvais échansons, elle s'enivre de ce vin pur au delà de toutedécence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas toutà fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle leschâtie (...).
Et ceux qui obéissent aux magistrats elle les bafoue etles traite d'hommes serviles et sans caractère.
Par contre elleloue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernantsqui ont l'air de gouvernés et les gouvernés qui prennent l'air degouvernants.
N'est-il pas inévitable que dans une pareille citél'esprit de liberté s'étende à tout ? (...).
Qu'il pénètre, mon cher,dans l'intérieur des familles, et qu'à la fin l'anarchie gagnejusqu'aux animaux ? (...).
Or, vois-tu le résultat de tous ces abusaccumulés ? Conçois-tu bien qu'ils rendent l'âme des citoyens tellement ombrageuse qu'à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s'indignent et se révoltent ?Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s'inquiéter des lois écrites ou non écrites, afin de n'avoirabsolument aucun maître.— Je ne le sais que trop, répondit-il.— Eh bien ! mon ami, c'est ce gouvernement si beau et si juvénile qui donne naissance à la tyrannie.»KANT.
introduction
• Ce texte se rapporte aux thèmes de la cité démocratique et du pouvoir politique.
Quant à la problématique etau problème qu'il soulève, les voici : la démocratie est-elle véritablement règne de la licence et de l'excès,trop-plein de liberté faisant naître un excès de servitude ? Le problème est de savoir si démocratie égalecaprice et règne du bon plaisir ou si elle est capable (ce que ne pense pas Platon) de nous apporter un grandbien.• Quelle est l'idée directrice de ces lignes ? La démocratie est minée par le principe même qui l'anime, la liberté.Elle devient rapidement régime sans frein ni loi, anarchie conduisant à la tyrannie.• On saisit l'enjeu du texte, son importance décisive, la possibilité qu'il nous offre de nous faire réfléchir sur lesvices possibles internes à la démocratie.
C'est une belle leçon de philosophie politique que nous entendons ici,dans ce texte de La République.
Veillons à ce que la démocratie moderne (et non plus la démocratie antique)ne devienne pas un régime sans loi et oublieuse de la loi.Ce texte se divise en trois grandes parties principales :
A) « N'est-ce pas [...] recourir à la tyrannie » Le désir sans frein de liberté conduit à la tyrannie.B) « Lorsqu'une cité démocratique [...] animaux » Analyse des mécanismes divers menant à l'anarchie.C) « Or [...] tyrannie » Le mépris démocratique de la loi engendre la tyrannie.
Étude ordonnée
Première grande partie : « N'est-ce pas [...] recourir à la tyrannie »Dès le début de ce texte, c'est de la démocratie que traite Platon.
N'oublions pas que nous sommes au IVesuprême, l'être qui semble posséder la perfection absolue, à savoir la liberté, droit de décider et de faire.
Oui,la liberté est un mot qu'on entend souvent répéter dans l'État démocratique, animé par ce désir inextinguiblede tout faire, de tout dire.Et Platon d'insister sur le fait que, dans la polis démocratique, pouvoir faire, dire, choisir, être libre estconsidéré comme « le plus beau de tous les biens », à savoir l'être possédant la suprême excellence.
« Unhomme né libre », à savoir n'étant ni esclave, ni métèque, ni femme (!) ne peut habiter que la citédémocratique.
Ici on trouve un écho des panégyriques et éloges de la liberté dont on jouissait dans la citéathénienne.Or, dès la fin de cette première partie, Platon pose la question : l'élan sans fin pour ce qui semble posséder lasuprême excellence, cette liberté faite pour tout permettre, tout vouloir, tout désirer conduit nécessairement(« le met dans l'obligation ») ce gouvernement à recourir à la tyrannie, c'est-à-dire à demander une aide à unautre régime politique, la tyrannie, ce régime où un maître absolu gouverne et devient maître d'un peupled'esclaves : la tyrannie ou la domination d'un seul, qui accapare la totalité des organes du gouvernement.
Ladémocratie fait appel et s'adresse finalement à la tyrannie.Il nous faut donc comprendre comment le manque d'intérêt pour tout ce qui n'est pas la liberté et la passionunique pour cette dernière vont perdre la démocratie.
C'est ce que la deuxième partie va maintenant nous faire.
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