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l'oubli est-il une défaillance de la mémoire ?

Publié le 29/11/2005

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La mémoire mécanique unie pensée et connaissance. Je connais quelque chose lorsque je m'en souviens. Apprendre par coeur une poésie, c'est la connaître nécessairement et l'acteur craint le trou de mémoire. L'oubli se présente alors comme le revers négatif de ce type de mémoire. En archivant le savoir, la mémoire mécanique montre l'oubli comme défaillance. Le concept de la mnémotechnie appuie cette idée que l'acte de bien penser et de connaissance  est intimement lié à la mémoire. Borgès dans la nouvelle Funes ou la mémoire, cite plusieurs cas de mémoire prodigieuse qui force le respect, tels ce général capable de se rappeler le nom de tous ses soldats et ainsi mieux le commander, ou encore Métrodore qui enseignait l'art de répéter ce que l'on a entendu une seule fois. L'oubli comme défaillance de la mémoire se retrouve encore de nos jours au travers de l'intelligence artificielle. Celle-ci s'organise autour d'une somme de données que la machine va récupérer ; toujours la mémoire comme bienfait qui implique que l'oubli  soit une faiblesse.  Et dans un autre registre, que dire du devoir de mémoire qui plane au-dessus de nos consciences afin de ne pas répéter les mêmes erreurs que par le passé ?

Pour le quidam, le sujet a de quoi surprendre ; en effet, il paraît évident que l'oubli soit un concept négatif et la mémoire un bien fait de l'humanité. Durant toute notre scolarité, on nous demande de solliciter  notre mémoire, d'apprendre par coeur des poésies, des formules mathématiques, etc. Et l'antisèche est la preuve que l'oubli est à bannir... D'emblée l'oubli se positionne donc comme une défaillance de notre mémoire qui, elle, se pose comme l'arme absolue du savoir et de la connaissance. D'ailleurs, l'étymologie grecque vient confirmer cette approche : les mots concernant l'oubli sont construits à partir du « a « privatif de la racine signifiant « souvenir «, telle « amnésie « voulant dire absence de souvenir. De plus, la mémoire s'oppose à l'oubli par rapport à la vérité ; alèthéia qui signifie dire la vérité en grec, se construit à partir du « a « privatif et « lèthé « qui indique l'oubli. Nous sommes donc face à une longue tradition qui donne une image noircie de l'oubli, le faisant passer pour une défaillance de la mémoire.

Mais afin de dépasser cette doxa (car tel est le but de l'introduction d'une dissertation), il convient de réfléchir sur ce triple rapport naturel qu'entretiennent oubli, mémoire et connaissance/vérité. Car si l'oubli apparaît comme une négation de la mémoire, c'est que l'on considère, peut-être trop rapidement, que la mémoire est le seul accès au savoir et à la vérité. Ne peut-on pas concevoir l'oubli comme un complément de la mémoire et un début de recherche de savoir (comme lorsque j'ai souvenance d'un oubli et que je cherche à me rappeler d'un mot, d'un fait etc.) ? Ainsi, on peut très bien concevoir l'oubli comme, non pas une défaillance de la mémoire, mais comme un aiguillon vers le savoir, voire une force qui placerait alors la mémoire comme un handicap pour le quotidien : que serait-on si l'on se souvenait de tout ? Ne faut-il pas parfois « passer l'éponge « ? Ne serait-ce pas alors la mémoire qui est une défaillance de l'oubli ?

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